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Comment les réseaux ont tenu malgré le confinement

Les communications continuent sans encombre depuis le 17 mars. Mais le déploiement du très haut débit tourne, lui, au ralenti. 

Rarement les réseaux télécom auront été autant sollicités. « Les premiers jours du confinement, les communications voix ont augmenté de 50% et le trafic Internet de 20 à 30% », a témoigné le directeur général de la Fédération française des télécoms, Michel Combot, lors d’une audition devant les députés la semaine dernière.

Les opérateurs avaient commencé à se préparer à la situation dès le mois de février. Des plans de continuité d’activité avaient alors été préparés dans l’urgence.
Certains acteurs étaient plus avertis que d’autres comme l’équipementier Huawei qui a su tirer partie de son expérience en Chine, touchée par le Coronavirus plusieurs mois avant.

«  Nous avons anticipé les choses en faisant venir 600 tonnes de matériel avec une centaine de containers, sachant que le trafic aérien serait interrompu. Il s’agissait essentiellement de cartes réseau », nous explique Weiliang Shi, le directeur général de Huawei Technologies en France.

Des équipes encore actives sur le terrain

Lorsque le confinement débute le 17 mars, les opérateurs sont autorisés à laisser leurs boutiques ouvertes mais ils prennent la décision de les fermer pour ne pas exposer leurs salariés.
Très vite, des bonnes pratiques sont recommandées aux internautes par la Fédération des télécoms, comme le fait de privilégier les réseaux fixes à la 4G pour ne pas gêner les communications mobiles d’urgence. Les grandes plates-formes de streaming prennent l’initiative également de dégrader la qualité de leurs vidéos afin de ne pas encombrer la bande passante.

Parmi les ordonnances du 25 mars, des mesures dérogatoires sont prévues pour les acteurs des télécoms. Ils vont pouvoir continuer à intervenir sur le terrain, à condition qu’il s’agisse d’une technologie déjà employée (la 5G n’est donc pas concernée) et sur des sites existants. Il faut alors revoir complètement les conditions de travail.

« Nous avons maintenu 200 ingénieurs actifs sur le terrain. Ce sont eux qui interviennent sur site pour toutes les technologies : ADSL, fibre optique, 2G, 3G et 4G. Il a fallu les former aux gestes barrières et les équiper en masques, gants et gel hydroalcoolique », nous détaille encore le patron de Huawei France.

Dans le coeur de réseau d'un opérateur.
01net.com – Dans le coeur de réseau d’un opérateur.

Augmenter les capacités des cartes réseau

L’urgence a d’abord été de faire face aux désagréments et interruptions de services pour les clients grand public comme pour les entreprises.

« Nous avons réajusté quelques paramétrages, en particulier au niveau de l’interconnexion entre les opérateurs », nous confiait alors un porte-parole d’Orange.

L’opérateur historique double dans le même temps les capacités de ses câbles sous-marins transatlantiques, l’essentiel du trafic Internet étant tiré par les GAFAM. Mais tout le territoire français est alors concerné par cette mise à niveau.

« Nous avons été appelés pour augmenter les capacités en ville comme dans les zones rurales pour le réseau mobile mais surtout dans les zones résidentielles pour le réseau fixe », complète Weilian Shi du côté de Huawei.

Il s’agissait concrètement d’installer des cartes réseau plus performantes dans les stations de base et les cœurs de réseau des opérateurs. Une opération nécessitant absolument une intervention physique.

A la fin de la deuxième semaine, la situation semble sous contrôle.

« Les réseaux tiennent », a salué le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, lors d’une visioconférence avec les sénateurs la semaine dernière. « Les opérateurs ont montré leur capacité à faire vivre leur réseau et à en assurer la continuité », a-t-il constaté satisfait.

L’affaire Disney+ le laisse toutefois dubitatif. Les opérateurs avaient en effet demandé en chœur à repousser le lancement du service de streaming de deux semaines pour mieux s’y préparer. Mais la preuve n’a pas été faite que ce délai ait servi à quelque chose.

« Nous n’avons pas l’impression que cela ait permis d’opérer un réel changement au niveau de l’architecture technique », a souligné le gendarme des télécoms.

Les obstacles administratifs

Le problème s’est ensuite posé de pouvoir continuer à déployer, le confinement mettant en lumière encore davantage les inégalités territoriales numériques. Or, la crise a stoppé net les opérations de grande ampleur que sont le Plan France Très Haut Débit pour la fibre optique et le New Deal Mobile pour la 4G.

Concernant la fibre optique, le rythme de déploiement n’avait jamais été aussi élevé avec, par exemple, 4,9 millions de lignes déployées en 2019. Sébastien Soriano évoque aujourd’hui un retard d’au moins trois mois dans le meilleur des cas mais personne n’est réellement en mesure d’avancer un chiffre précis vu l’incertitude du déconfinement à venir.
Le principal blocage actuellement reste administratif.

« Il est très difficile d’obtenir des permissions de voirie pour bloquer la circulation et reprendre les chantiers de fibre optique. Plusieurs centaines de sites seraient bloqués », a détaillé Olivier Riffard, le directeur des Affaires publiques de la Fédération française des télécoms, lui aussi auditionné par les députés.

L’état d’avancement des travaux dépendra également des capacités des sous-traitants à reprendre le travail. Encore faut-il que toutes ces structures, très hétérogènes, survivent à la crise. D’où l’effort consenti par les opérateurs de leur accorder des avances de trésorerie. 

Un site mobile 4G en montagne.
01net.com – Un site mobile 4G en montagne.

Des difficultés d’approvisionnement

Du côté du réseau mobile, la Fédération des télécoms signale des difficultés d’approvisionnement.

« La plupart des constructeurs de pylônes sont fermés avec l’impossibilité d’en importer depuis l’étranger, il y a un problème avec le béton pour couler les dalles sur lesquelles on pose les pylônes et on a du mal à trouver des grutiers et des structures métalliques », énumère Olivier Riffard.
« Nous comptons enfin 50 à 80 pylônes qui devaient être livrés d’ici fin juin et qui n’ont pas été raccordés au réseau électrique car Enedis considère que ce n’est pas une priorité en temps de crise ».

La première échéance du New Deal mobile fixée en juin avec 485 nouveaux sites  « semble difficile à atteindre », d’après Michel Combot. Là encore, les services administratifs ne sont pas en mesure actuellement de répondre aux demandes pour délivrer des autorisations dans des délais raisonnables. Malgré cela, le président de l’Arcep se montre méfiant : il redoute que la pandémie serve d’excuse aux opérateurs.

« Ils ont été avertis très tôt de cette échéance du mois de juin. Nous ne ferons pas preuve de mansuétude », a-t-il promis aux sénateurs qui l’interrogeaient à ce sujet.

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Amélie Charnay