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Comment Google modifie vos résultats de recherche « à la main »

Le Wall Street Journal met en lumière les ficelles des algorithmes du moteur de recherche, qui sont secondés bien plus souvent qu’on ne le croit par des humains, qu’il s’agisse des ingénieurs de la firme ou de milliers de sous-traitants, un peu partout dans le monde.

Dans une enquête fournie et inédite, publiée vendredi 15 novembre, le Wall Street Journal lève le voile sur les coulisses des algorithmes de Google. Le journal accuse notamment la société californienne de modifier ses algorithmes pour mettre en avant ses « partenaires », y compris de sa régie publicitaire. Le moteur de recherche privilégierait ainsi les grosses entreprises au détriment des petites.

3,8 millions de recherches par seconde

Mais le quotidien américain met aussi en lumière le fonctionnement biaisé des autosuggestions ou encore de l’organisation des pages selon le degré de sensibilité d’un sujet -l’autisme ou encore la vaccination sont pris en exemple. Un manque de neutralité aux conséquences considérables puisque 3,8 millions de recherches sont effectuées par seconde sur Google. 

Plus de cent interviews

Le WSJ, dans cet article fleuve, décrit une par une ses découvertes à l’issue de plusieurs mois d’enquête, le fruit de plus de cent interviews. Et révèle que sur le volet publicitaire, Google, contrairement à ce qu’il avance en public, modifie ses algorithmes pour mettre en avant ses plus gros annonceurs, en particulier Ebay. D’autres gros acteurs sont également boostés par le moteur de recherche, tels qu’Amazon et Facebook. Cette pratique commerciale est d’autant plus déloyale que le marché mondial de la recherche est trusté à plus de 90% par Google.

Par ailleurs, le journal rappelle qu’il emploie environ 10.000 personnes dédiées à l’ajustement et à l’évaluation de la justesse des algorithmes. Une armée d’autoentrepreneurs, peu rémunérés, sont chargés d’évaluer les résultats de manière indépendante. Ce n’était pas vraiment un secret, Google a lui-même évoqué il y a quelques mois. Mais, d’après les interviews menées par le journal, Google ferait évoluer les grilles de notation pour les faire noter de nouveau si les résultats ne correspondent pas à ce que la firme attend. Ces évaluations collectives servent ensuite à ajuster les algorithmes au sein de Google. 

Des efforts sur la transparence

De son côté, l’entreprise californienne réfute ces accusations. Google a toujours prôné la transparence dans les recherches, sans intervention humaine.

« Nous faisons aujourd’hui ce que nous avons toujours fait : fournir des résultats pertinents à partir des sources disponibles les plus fiables », a répondu la société au WSJ.

Dans une vidéo publiée fin octobre, Google explique en cinq minutes comment son index est organisé et comment les pages sont classées. Néanmoins, cette explication ludique ne s’étend pas sur les interventions humaines,  pourtant, au centre de l’enquête du WSJ. Elles ne sont évoquées qu’à la fin de la vidéo. 

Listes noires et autosuggestions tronquées

Le journal évoque aussi l’existence de listes noires -hors du cadre législatif américain- grâce auxquelles Google épinglerait certains sites de manière arbitraire. Un document interne, auquel les journalistes ont eu accès, explicite clairement que la politique est de boycotter en priorité les sites Web qui visent activement à induire en erreur, par opposition à ceux qui peuvent héberger des contenus inexacts. 

D’après le WSJ, les autosuggestions dans la barre de recherche sont également biaisées lorsqu’une recherche a trait à des thèmes dits « sensibles ». Comme, par exemple, l’immigration, l’avortement ou encore les élections américaines. Même si l’on peut penser que le fait de lisser ces résultats pourrait permettre de ne pas jeter de l’huile sur le feu, cela génère un climat peu propice au débat public et ouvre une belle porte aux complotistes.

Un biais pour le débat public

Une pratique qui devient d’autant plus problématique en période électorale. Si l’on tape, par exemple : « Joe Biden est » ou « Donald Trump est », les autosuggestions sont plus « anodines » que sur les autres moteurs de recherche Bing et DuckDuckGo, qui se partagent les 10% restant du marché. Selon le journal, des différences similaires ont été observées pour d’autres candidats à la présidence pour 2020.

Cette impartialité pose des questions en termes de désinformation. L’entreprise mère de Google, Alphabet capitalisée à plus de 900 milliards de dollars, a un pouvoir immense sur la fourniture d’information, sa qualité et sa vérification.

Source : Wall Street Journal

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Marion Simon-Rainaud