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Comment adapter le net aux lunettes

Proposer sur leur site une infinité de montures pour dynamiser les ventes en magasin. Tel est le pari de deux acteurs de l’optique, contraints de jongler avec une législation restrictive et la frilosité d’un marché encore largement réfractaire à la net économie.

Choisir et essayer ses lunettes depuis son domicile ? Pourquoi pas. C’est en tout cas le service proposé à l’internaute soucieux de peaufiner son look. Celui-ci peut tester les montures sur son propre visage, à partir de sa photo numérisée, confortablement installé dans son fauteuil.Le site spécialisé Optika 21, créé par Hugues Leininger ?” un ancien d’Arthur Andersen ?” s’inscrit sur ce créneau. Une tendance qui consiste à transformer l’acte d’achat du produit d’optique en combinant le service virtuel et la vente réelle. Ainsi, l’internaute peut essayer les quelque 500 modèles proposés dans le catalogue électronique avant de trouver celui qui épousera parfaitement la forme de son visage. Une fois la monture choisie en ligne, il se rendra soit dans le magasin Optika 21, ouvert de-puis le 16 avril à Lyon (l’enseigne compte en ouvrir d’autres dans plusieurs capitales européennes), soit chez l’un des opticiens partenaires, situés dans les plus grandes agglomérations françaises, pour faire monter ses verres et finaliser l’acte d’achat.Pour concrétiser ce projet, présenté par la start-up Netvest (capital estimé à 460 millions d’euros, soit plus de 3 milliards de francs, pour cinq salariés), Hugues Leininger a dû batailler et combattre les réticences des fabricants et distributeurs… Aujourd’hui, une quinzaine de marques, parmi lesquelles Lamy, Arrow, Lacoste ou encore Chipie, commercialisent leurs produits par son entremise, tandis qu’une quarantaine de points de vente ?” qui ne couvrent pour l’instant que onze départements ?” sont partenaires du site. Le jeune entrepreneur perçoit un pourcentage sur les affaires conclues dans les magasins ?” une dizaine de transactions effectuées seulement à ce jour ?” ainsi que sur l’espace alloué aux fabricants pour 760 euros annuels. Une présence qui peut être ensuite optimisée par l’achat de bannières de publicité.Si le concept démarre lentement, c’est que le service fourni est plutôt fastidieux.

De l’opticien au réseau

Démarche indispensable avant de trouver la monture de ses rêves : acquérir un appareil photo numérique, une webcam, ou envoyer un portrait papier qui sera retourné numérisé au destinataire. Ensuite, l’internaute doit s’identifier, grâce à un mot de passe et un code, pour avoir accès au catalogue électronique et contacter au final l’opticien partenaire le plus proche. En dépit d’un taux de visites encourageant ?” 3 000 à 4 000 connexions hebdomadaires ?” le pari est encore loin d’être gagné. Certains professionnels, plutôt sceptiques, n’hésitent d’ailleurs pas à qualifier ce service de pur ” gadget “.Mais on ne peut pas vraiment parler de gadget pour définir le deuxième business model qui, lui aussi, a le mérite de secouer un marché plutôt conservateur. À l’inverse d’Optika 21, dont le service émane d’internet pour se finaliser chez l’opticien, la technologie d’Activisu, distribuée par Essilor, le numéro 1 mondial du verre correcteur, part de chez l’opticien pour remonter sur le web. Installé sur le point de vente, Activisu Virtual propose le même type de prestation à travers son logiciel d’essai virtuel de montures de lunettes en 3D.Pris en photo, l’internaute pourra ensuite choisir son modèle à partir d’un catalogue électronique consultable dans le magasin. “ La taille moyenne d’un point de vente est de 60 m2. L’opticien propose un choix de montures limité ?” environ 1 500 ?” en raison du coût de stockage des produits “, souligne le responsable marketing informatique client d’Essilor, Denis Blandin, qui poursuit : “Ce catalogue électronique permet à l’opticien d’élargir ses choix en proposant près de 4 000 références. “L’internaute peut ensuite continuer ses investigations depuis son domicile. Il lui suffit d’accéder au catalogue virtuel de l’opticien et de montrer le résultat à ses proches. “Avec ce service, nous souhaitons renforcer la compétence professionnelle des opticiens. Il n’est pas question pour nous de les court-circuiter “, prévient Denis Blandin. Une centaine de points de vente sont aujourd’hui équipés de ce produit. Coût de l’investissement de base : 3 965 euros, auxquels il faut ajouter bon nombre d’options sous forme d’abonnement : 76 euros par mois pour le catalogue virtuel, 23 euros pour l’accès à la base de données via le web…”Ce produit d’aide à la vente peut intéresser les indépendants, confirme le responsable marketing. Cela leur donne de nouvelles armes par rapport aux “discounters”. Une manière de se différencier non pas sur le prix mais sur le service au client.” Pour tenter de dynamiser ce service, Essilor démarre prochainement un tour de France afin de l’installer dans 300 points de vente.En jouant la complémentarité du click and mortar, Optika 21 ou Activisu seront-ils les modèles d’affaires gagnants du marché de l’optique ? Rien n’est moins sûr à l’heure où la rigidité de la législation française et le coût des équipements ne favorisent pas les pionniers.

Une législation contraignante

Premier frein au mariage entre le web et l’optique : la législation, qui interdit la vente à distance de verres correcteurs. L’article L-508 du Code de la santé publique précise que le colportage des verres correcteurs d’amétropie ?” myopie, hypermétropie, astigmatisme ?” est prohibée. La vente à distance de lentilles de contact est aussi illégale. Faut-il rappeler que la vente de lunettes de vue est un acte médical ? “95 % des achats d’optique se font sur prescription. Ce n’est absolument pas un acte d’achat spontané “, rappelle Éric Lenoir, le directeur du Silmo (Salon international de l’optique et de la lunetterie). Seule la vente en ligne de montures solaires, de jumelles et de produits d’entretien est autorisée. Maigre consolation quand on sait que les solaires ne représentent que 7 % d’un marché global estimé à 2,81 milliards d’euros. “Le consommateur a envie d’essayer les produits qu’il achète, ajoute le rédacteur en chef du magazine professionnel Bien Vu. Actuellement il n’y a aucune valeur ajoutée dans la vente de solaires sur le web, qui sont commercialisés au même prix que dans les magasins.“Deuxième frein au développement de ce commerce : le coût de l’équipement pour un opticien. “80 % des points de vente ont un PC pour gérer le “back office”, mais peu s’en servent pour le “front office”. Et puis leur matériel est assez obsolète“, relève le directeur du système d’information d’Essilor France, Didier Lambert. Et d’ajouter, avec pragmatisme : “Ce sont avant tout des commerçants, dont la priorité est de gagner de l’argent et qui se fichent pas mal d’avoir le dernier modèle de PC.“Résultat : rares sont ceux qui disposent d’une connexion internet et qui s’exposent sur un site web. Et Éric Lenoir de déplorer : “Si la plupart des points de vente ont une adresse e-mail, ils s’en servent surtout au niveau personnel.

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Sandrine L'Herminier