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Cascade de reproches à la loi Fontaine

A peine adoptée par l’Assemblée nationale, et prête à repartir pour le Sénat, la loi sur la confiance dans l’économie numérique a provoqué un chapelet de réactions des acteurs concernés, en majorité négatives. Tour d’horizon.

A peine votée en deuxième lecture par les députés, la loi pour la confiance dans l’économie numérique a déclenché une salve de réactions d’un peu tout le monde (internautes, FAI, commerçants en ligne, opérateurs mobiles) et rarement
pour s’en réjouir… L’Association des Fournisseurs d’accès à internet a même prévu, en catastrophe, une réunion publique de crise, le mardi 13 janvier.

La définition de l’Internet

PourReporters sans frontières : ‘ Un point positif ‘Comme beaucoup, RSF voit d’un bon ?”il la levée du contrôle du CSA sur Internet, avec la modification de la définition d’Internet qui n’est plus considéré comme ‘ communication
audiovisuelle ‘
. Il reste que, si les responsables de sites Web relèvent alors du droit commun, on manque d’une jurisprudence satisfaisante pour juger correctement.Association pour le commerce et les services en ligne (Acsel) :
‘ Un résultat surprenant ‘C’est avec étonnement, et satisfaction, que l’Acsel a vu Internet sortir du champ de l’audiovisuel. Le gouvernement ayant toujours refusé que la Toile relève d’un droit spécifique ou du droit commun, l’association s’attendait à ce que
les députés de la majorité adoptent la même attitude.

La responsabilité des prestataires

PourBertrand Salord (BSA): ‘ Un principe plutôt positif ‘‘ Sur le principe, qu’un hébergeur ait l’obligation de retirer un contenu illicite, c’est plutôt positif. Cela va dans le sens d’une lutte contre la contrefaçon. Mais après, il faut un cadre clair. Je comprends la
position des hébergeurs. Mais cela pose plus de problèmes avec le droit à l’image ou la musique d’inconnus par exemple. Pour les logiciels de grands éditeurs, il y a assez peu d’ambiguïtés. Nous, nous aimerions déjà que les entreprises se mettent en
règle. Notre priorité est là. ‘
ContreLigue Odebi : ‘ Le Net français devient la honte de l’occident numérique ‘L’association d’internautes tempête depuis le début contre la loi Fontaine, et notamment contre ses mesures instituant ‘ une privatisation de la justice ‘. Si elle avait rapidement accusé
le lobbying de l’industrie musicale, les interventions en séance des députés Jean Dionis du Séjour (rapporteur de la loi) et Patrick Ollier (président de la Commission des affaires économiques) le lui ont confirmé.Reporters sans frontières :
‘ Des mesures très inquiétantes pour la liberté d’expression sur Internet ‘Dans un communiqué condamnant un texte fourre-tout, sans cohérence, RSF rappelle les craintes suscitées par ces mesures : jugements nécessairement hâtifs des hébergeurs, déconnexions a priori, censure de fait,
justice court-circuitée… RSF demande aux sénateurs de retirer ces dispositions dans leurs prochains débats.

La définition de l’e-mail

ContreLigue Odebi :
‘ Pour satisfaire les intérêts des majors ‘Sans la notion de ‘ correspondance privée ‘, qu’il était prévu d’inclure dans la loi pour définir les courriers électroniques, l’e-mail est moins protégé. Pour l’association, la loi ouvre
ainsi une brèche permettant de lutter contre l’échange de fichiers musicaux. Encore que ces pratiques se font rarement par e-mail et plutôt en peer-to-peer.Bertrand Salord (BSA) :
‘ L’e-mail reste de la correspondance privée ‘‘ Dans cette loi, il reste pas mal de choses à décrypter. Parmi celles qui ont changé, on trouve la définition du courrier électronique. Je vois bien l’idée qu’il y a derrière, mais je ne comprends pas qu’on soit
allé jusque-là : l’e-mail reste de la correspondance privée. ‘
Reporters sans frontières :
‘ La loi retire un garde-fou important ‘Malgré sa réticence, RSF veut bien admettre ‘ qu’une législation concernant la circulation des e-mails est nécessaire, notamment afin de lutter contre les courriers électroniques non sollicités
(spam) ‘
. Le problème est que l’amendement de Patrick Ollier va trop loin. C’est toute la confidentialité des communications électroniques qui est menacée.

Le consentement préalable à la prospection par e-mail

Avis mitigéAcsel :
D’après notre interprétation, les fichiers clients ne sont pas concernés ‘La crainte des professionnels du marketing et du commerce s’est confirmée : ils devront demander leur consentement aussi aux personnes dont les noms figurent dans des fichiers loyalement constitués avant la loi. Mais, pour l’Acsel,
il y a une subtilité : seuls les fichiers de prospects seraient concernés, pas les fichiers clients. L’association compte de toute façon veiller à ce que le distinguo reste possible après la deuxième lecture du Sénat.Fédération des entreprises de vente à distance :
‘ Les entreprises sérieuses seront les premières touchées par la rétro-activité de la loi ‘‘ Il est regrettable que l’Assemblée nationale n’ait pas suivi la solution préconisant la non-retroactivité pour les bases de données opt-out existantes, légalement constituées avant la
loi. ‘
Autre souci, autoriser la publicité par mail uniquement pour des produits ‘ analogues ‘ à ceux d’une précédente transaction pénaliserait les sites généralistes par rapport
aux sites spécialisés. Il reste que le droit des personnes morales à s’opposer constitue pour la Fevad une avancée.

La tarification à la seconde

PourUFC-Que choisir :
‘ Une mesure d’intérêt général ‘L’association de défense des consommateurs se réjouit de cette disposition, d’autant qu’elle craignait que l’amendement ne soit finalement pas adopté par les députés. Julien Dourgnon, chargé de mission à l’UFC-Que Choisir, réfute l’idée
que cette obligation nouvelle pour les opérateurs soit liberticide. ‘ Cela ne rigidifie rien du tout. Les opérateurs pourront toujours proposer des forfaits. ‘ Cette normalisation du décompte
‘ rend les offres comparables, ce qui est un facteur indispensable du libre jeu de la concurrence ‘.L’association considère également que cette mesure ne sera pas inflationniste, sauf si les nouveaux prix affichés sans crédit temps ‘ font plus que compenser la disparition du crédit
temps ‘
, ce qui se vérifiera en étudiant de près les nouveaux tarifs. Julien Dourgnon se félicite que les députés aient compris qu’il s’agit là ‘ d’une mesure d’intérêt
général ‘
, mais craint que l’amendement ne soit amoindri par un accord entre la ministre déléguée à l’Industrie et les opérateurs, en limitant sa portée aux cartes prépayées, par exemple. L’UFC-Que Choisir prévient aussi que
‘ si l’amendement ne passait pas au Sénat, le gouvernement serait responsable ‘ puisqu’il est ‘ le seul à s’y opposer ‘.Avis mitigéFrance Télécom :
‘ Le paysage des télécoms change très vite ‘Une porte-parole : ‘ France Télécom a toujours dit qu’aller vers plus de transparence est une bonne chose. Mais pour nous exprimer sur cette question, nous préférons attendre la fin des débats parlementaires et
des navettes entre l’Assemblée et le Sénat. Nous ne savons pas comment le texte va évoluer. Le législateur fait la loi, mais il faut se demander ensuite comment ces offres vont pouvoir être marketées. Par exemple, si la loi autorise un coût de
connexion, comment celui-ci sera-t-il facturé ? Par ailleurs, il est difficile de savoir quelle sera la demande au moment où la loi s’appliquera. Il se peut qu’à ce moment là la voix sur IP ait pris le dessus, et que cela change la donne. Le
paysage télécoms change très vite. Nous pensons également que le consommateur voudra toujours le choix entre une offre avec ou sans crédit temps, suivant le type d’appel qu’il passe. ‘
SFR :
‘ Une mesure qui peut être faussement favorable aux consommateurs ‘Philippe Mabille, directeur de la réglementation et des relations extérieures du groupe SFR Cegetel, affirme que SFR se dit ‘ totalement disposé à travailler avec le gouvernement, comme l’a proposé Nicole
Fontaine ‘.
L’opérateur précise qu’il laisse le choix aujourd’hui à ses clients entre des offres avec ou sans minute indivisible. Et, justement, ‘ généraliser l’option payante dès la première seconde
sur l’ensemble des formules de téléphonie mobile peut être faussement favorable aux consommateurs, car l’intérêt de cette option dépend du profil de consommation des clients et de leur typologie d’appels. Ainsi, cette option payante de tarification
à la seconde dès la première seconde peut être avantageuse pour certains clients et pas pour d’autres ‘.
En cas d’adoption définitive de cette mesure, ‘ nous appliquerions le tarif qui est aujourd’hui en vigueur, à savoir l’option à 3 euros. Il est illusoire de penser que la tarification à
la seconde dès la première seconde serait gratuite pour tous, car elle a un coût ‘,
à savoir ‘ l’entretien et la maintenance des réseaux, les coûts d’informatique et des systèmes
d’information ‘.
Bouygues Telecom : ‘ Une mesure qui rigidifie le marché ‘Une porte-parole de l’opérateur rappelle que Bouygues Telecom est le premier opérateur à avoir introduit des forfaits et des cartes prépayées facturés à la seconde dès la première seconde. L’opérateur tente donc de minimiser l’impact de
cette disposition, si elle devait être confirmée. Mais il regrette néanmoins que la loi ‘ rigidifie le marché ‘.ContreL’Afors Télécom (opérateurs alternatifs) :
‘ Une atteinte à la liberté du commerce ‘Les opérateurs télécoms alternatifs, regroupés au sein de l’association Afors Télécom, n’ont pas bien accueilli cette disposition. Pour eux, elle vise à ‘ réduire la créativité commerciale des
opérateurs ‘
et ‘ ne pourra avoir qu’un impact négatif sur la diversité des offres permettant à chacun, par son libre choix, d’avoir accès au service le mieux adapté pour
lui ‘.
Les opérateurs télécoms, qui ont tous plus ou moins recours à des systèmes de crédit temps et de paliers tarifaires, n’hésitent d’ailleurs pas à évoquer une entrave ‘ au principe de la liberté du
commerce et de l’ industrie ‘.
L’Afors considère que ‘ le secteur des télécommunications retourne ainsi vers une économie contrainte incompatible avec le développement de la société de
l’information. ‘

L’allègement du contrôle des tarifs de France Télécom

PourFrance Télécom :
‘ L’allègement va dans le sens de ce qui se passe en Europe ‘Une porte-parole de France Télécom : ‘ Les mesures votées à l’Assemblée nationale ne sont pas encore adoptées définitivement, puisque le texte repart au Sénat. Il faut également attendre la sortie des futurs
décrets en Conseil d’Etat. Néanmoins, il est clair qu’une telle mesure va dans le bon sens, par exemple sur le marché des entreprises, où s’exerce une concurrence. Le contrôle à posteriori est ce qui se passe dans les autres pays d’Europe. Le
contrôle tarifaire à priori est bloquant pour France Télécom. ‘
ContreMario Monti et Erki Liikanen, commissaires européens : ‘ Une limitation des pouvoirs du régulateur serait une mauvaise transposition des directives ‘
Fait exceptionnel, les commissaires Mario Monti et Erki Liikanen ont écrit au ministre de l’Economie, Francis Mer, pour exprimer des réserves quant à cet allègement du contrôle tarifaire. ‘ Si la loi devait à
l’avenir limiter la compétence des autorités réglementaires nationales leur permettant d’imposer des obligations sur les prix de détail, il y aurait mauvaise transposition des dispositions. ‘
Les deux commissaires
reconnaissent néanmoins qu’un contrôle à priori ‘ n’est pas toujours indispensable ‘.Télé 2 : ‘ Des lois qui amoindrissent la concurrence ‘Jean-Louis Constanza, DG : ‘ Ce choix des députés va à l’encontre des directives européennes passées et futures, voire du traité de Rome de 1957. Le Parlement s’est mis au service de France Télécom, qui prétend
être malade alors qu’il est en pleine forme. Les deux chambres du Parlement sont en train de concevoir des lois qui amoindrissent la concurrence, et devront porter la responsabilité d’une augmentation des tarifs et d’une perte de croissance du
secteur. Mais je suis confiant, le Gouvernement va forcément revenir à la raison. Le texte repart pour le Sénat, et le paquet télécoms va être bientôt transposé, qui renforcera les pouvoirs du régulateur. ‘
Cegetel :
‘ Cela va à l’encontre de l’intérêt des consommateurs ‘Bertrand Mabille, directeur de la réglementation et des relations extérieures du groupe SFR Cegetel, estime que l’allègement du contrôle tarifaire va accroître la position de l’opérateur historique ‘ car France
Telécom pourra utiliser sa position dominante sur tous les marchés et son monopole sur celui de l’accès pour évincer la concurrence, allant à l’encontre de l’intérêt de long terme des consommateurs ‘.
Bertrand Mabille évoque l’exemple de l’ADSL, pour lequel il n’y aurait pas eu de concurrence ‘ s’il n’y avait eu un contrôle, par l’ART, de l’écart entre les tarifs du dégroupage et les tarifs de détail de
Wanadoo ‘.
Le cas des services innovants est inquiétant ‘ car FT aura tous les moyens de démontrer que ses offres nouvelles sont innovantes et seuls des contentieux longs pourront faire valoir le droit
de la concurrence ‘.
Cegetel trouve surprenant que le gouvernement et les parlementaires de tous bords ‘ reprennent les thèses de l’opérateur public, alors que toute une profession s’insurge contre
celles-ci ‘.
Bertrand Mabille ne cache pas espérer ‘ que nous reviendrons à des positions plus équililibrées lors du passage au Sénat ‘.L’Afors Télécom :
‘ Une infraction aux directives européennes ‘Les opérateurs concurrents de France Télécom estiment tout simplement que la disposition visant à exclure les offres de services innovants de tout contrôle tarifaire ‘ s’avère être en infraction avec les
directives communautaire, comme l’a rappelé récemment la Commission européenne ‘.
En ayant pris une telle décision, ‘ le législateur préjuge de l’analyse des marchés prévue par les
directives ‘.
Les opérateurs alternatifs regrettent amèrement que le soutien des autorités à France Télécom se soit déplacé du terrain financier au terrain réglementaire.

Le rôle des collectivités territoriales dans les télécoms

Avis mitigé Avicam (Association des villes pour le câble et le multimédia) : ‘ Une avancée pour le déploiement des réseaux ‘
L’association dit se réjouir que les amendements qu’elle soutenait aient été adoptés. Selon elle, pour peu que le Sénat ‘ ne verrouille pas à nouveau le texte ‘, ils permettront
‘ aux collectivités, aux agglomérations, aux départements et aux régions de déployer en profondeur des réseaux sur leur territoire. Ces réseaux seront ouverts à tous les opérateurs privés pour offrir des services aux habitants
et aux entreprises ‘.
Mais l’Avicam émet néanmoins une critique. En effet, ‘ La faculté, pour les collectivités et leurs délégataires, de fournir des services aux utilisateurs finals a été rendue beaucoup plus
difficile, en imposant un appel d’offres infructueux là où un simple constat d’insuffisance d’initiatives privées était suffisant. Cette disposition risque de poser problème dans certains cas. ‘

Tarification normale pour les appels depuis les mobiles vers les numéros spéciaux

UFC-Que choisir :
‘ Un signe fort vers les opérateurs mobiles ‘Julien Dourgnon, chargé de mission à l’UFC-Que choisir : ‘ C’est une très bonne mesure, qui nous satisfait. Elle montre que, concernant les opérateurs mobiles, le marché de l’interconnexion est mal régulé. Ces
appels sont surtaxés, tous comme les appels de fixe à mobile, au nom de cette interconnexion justement. Cest un signe fort du législateur à destination des opérateurs mobiles. ‘

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Guillaume Deleurence et Arnaud Devillard