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Bertelsmann déshérite Thomas Middelhoff

Thomas Middelhoff, PDG de Bertelsmann, qui incarnait le virage Internet du numéro un allemand de la communication, a été remercié dimanche. Il paie une stratégie trop ambitieuse sur le Web qui lui a valu plus d’échecs que de succès.

En annonçant le départ de son PDG, Thomas Middelhoff, dimanche 28 juillet, le géant allemand des médias prend ses distances tant avec les nouvelles technologies qu’avec la Bourse. Démissionné plutôt que démissionnaire, Thomas Middelhoff avait engagé son groupe dans la révolution Internet plus que tous les autres groupes de communication.C’est sans doute son acharnement à faire entrer la vieille maison d’édition aux 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans la révolution numérique qui a conduit le conseil d’administration à le désavouer. Mais également le fait qu’il misait sur Internet pour accroître la valeur du groupe en vue de son introduction en Bourse en 2004. Une stratégie qui n’est plus guère recevable depuis le retournement de conjoncture qui a vu Vivendi et AOL Time Warner se séparer de leurs PDG pour des raisons identiques.

Un bilan contrasté

Il y a deux ans à peine, le responsable de la stratégie B-to-C de Bertelsmann, Klaus Eierhoff, déclarait à 01net. que le groupe avait l’ambition d’investir 3,5 milliards d’euros dans Internet d’ici 2003. Comme si ce chiffre ne suffisait pas à prouver ses intentions, Klaus Eierhoff ajoutait : ” Nous injectons plus d’argent dans le Net que Disney, Time Warner, Viacom et News Corp réunis. “En quatre années de marche forcée vers Internet, Thomas Middelhof n’a pourtant pas connu que des échecs. En mars 2000, alors que la Bourse commençait à peine à douter des valeurs Internet, il a opportunément cédé les 50 % que Bertelsmann détenait dans AOL Europe pour 8,2 milliards d’euros, soit presque autant de plus-value.Il avait réussi la même opération en cédant Mediaways pour une somme non divulguée (aux environs du milliard d’euros) à l’opérateur historique espagnol, Telefonica. Comme quoi, à la différence de son homologue Jean-Marie Messier, Thomas Middelhoff avait un certain sens des affaires.Mais parfois ses prises de risque manquaient de bon sens. En prenant le contrôle de Napster contre 100 millions de dollars en spetembre 2001, Thomas Middelhoff s’engageait dans une voie sans issue. En investissant dans le symbole du piratage sur Internet, Bertelsmann, propriétaire de BMG, allait contre ses pairs. Les autres grandes majors du disque ont tout fait pour que Napster ne soit plus en mesure de reprendre du service.

880 millions de pertes

Résultat, seul Thomas Middelhoff croyait au redémarrage de la start-up. Une situation d’isolement au sein du groupe qui devenait intenable. La semaine dernière, le groupe annonçait qu’il mettait fin à ses engagements publicitaires envers Terra Lycos, laissant au portail un trou de 675 millions d’euros dans ses ressources à venir. Une décision qui contrecarrait la stratégie de l’ex PDG.Autre échec d’envergure, celui de BOL, la librairie en ligne qui devait barrer la route à Amazon. Après un premier investissement dans le site Internet de Barnes and Noble, l’allemand a vu plus loin en créant sa propre enseigne dans le monde entier pour la fusionner avec la librairie américaine. Hélas, la fusion n’a pu se faire, et les montants à investir pour soutenir BOL étaient trop importants, obligeant Bertelsmann à jetter l’éponge.Au total, en incluant les pertes de ses 25 filiales Internet, Bertelsmann avouait 880 millions d’euros de perte sur Internet pour son exercice 2000-2001. Si ce n’était son obstination à reconnaître cet échec-là, Thomas Middelhoff serait sans doute encore à la tête du groupe de Gütersloh, vieux de 167 ans et dirigé d’une main de fer par le patriarche Reinhard Mohn.Ainsi celui qui voulait faire de la vénérable maison le premier groupe Internet au monde aura été déshérité avant qu’il ait pu goûté aux fruits de sa stratégie.

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David Prud'homme