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Apple : loin des promesses, l’accablante réalité des usines Foxconn

Au fil d’une enquête au long cours, le New York Times décrit les relations d’Apple et de ses fournisseurs, remettant en cause l’apparente bonne volonté de la société américaine d’améliorer les conditions de travail des ouvriers chinois au profit d’une meilleure rentabilité.

Alors qu’Apple a annoncé en début de semaine des résultats financiers historiques, le plaçant à la tête d’une colossale fortune et de profits records, une enquête au long cours du New York Times (que nous vous encourageons à lire, bien qu’en anglais) vient ternir les efforts fait par la firme de Cupertino récemment pour redorer son blason.
En publiant, il y a une dizaine de jours et pour la première fois un rapport sur la responsabilité de ses fournisseurs, Apple entendait montrer qu’elle prenait au sérieux le respect des conditions de vie et de travail des dizaines de milliers d’ouvriers chinois qui travaillent pour elle. Avec au coeur de ce document, un engagement, si le fournisseur ne respecte pas les conditions édictées par Apple, la relation contractuelle est rompue.

Des engagements comme autant de lettres mortes ?

L’article du New York Times dresse un portrait beaucoup plus mitigé, en clair obscur de la relation entre Apple et ses fournisseurs. Ainsi, plus de la moitié des contractants d’Apple auraient enfreint les règles de son code de conduite. Et la rupture du contrat après violation des engagements est intervenue dans moins de 15 % des cas. Dans les autres cas, la parole du fournisseur déclarant qu’il allait corriger l’erreur dans les plus brefs délais semble avoir suffi.
Dans un même esprit, Apple s’engageait dans son document à faire en sorte d’éviter les horaires infernaux, les heures supplémentaires trop nombreuses, sauf en cas de besoin de production massive, comme au lancement d’un produit. En l’occurrence, le New York Times parle d’ouvriers qui travaillent parfois sept jours sur sept, au-delà d’horaires humainement supportables, et dormant dans des dortoirs bondés, saturés.

Pressurisation

Apple n’est pas forcément toujours mis au courant de ce qui se passe dans les usines de ses fournisseurs et la société américaine est, dans une certaine mesure, elle aussi, prise au piège de la production de masse, puisque seule la Chine a la capacité de fournir assez de main-d’œuvre qualifiée à un même endroit pour assouvir les besoins de fabrication de ses produits.
Pour autant, les journalistes du New York Times pointent du doigt la politique d’Apple en matière de marge. « La seule manière de faire de l’argent quand on travaille pour Apple est de trouver un moyen de faire les choses de manière plus efficace et moins chère », déclarait au New York Times un dirigeant d’une société qui a travaillé à la fabrication de l’iPad. « Et ensuite, ils reviennent l’année suivante et réduisent les coûts de 10 % », ajoutait-il.
Autant dire que de telles conditions entraînent la mise en place d’un cercle vicieux : « Vous pouvez fixer toutes les règles que vous désirez, mais elles ne seront d’aucune utilité tant que vous ne laisserez par les fournisseurs faire assez de profits pour bien traiter leur main-d’œuvre », disait au New York Times, un ancien dirigeant d’Apple, « si vous réduisez les marges, vous les forcez à rogner sur la sécurité », puisqu’ils ne peuvent pas rogner sur la qualité des matériaux trouvés dans les produits finis. S’il est vrai que beaucoup d’entreprises américaines font fabriquer leurs produits dans ces cités-usines, il semblerait que la concurrence laisse un peu plus de marge à ses fournisseurs.

Porte de sortie ?

Pour autant pour la BSR, organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’améliorer le travail dans le monde, « Apple est une société qui fait de très gros efforts pour que les conditions de travail au fil de sa chaîne de fournisseurs respectent les lois applicables, ses propres exigences et les attentes de ses clients ». L’impression née de la lecture de cette enquête, qu’il est impossible de concilier : profits records, coûts abordables pour l’utilisateur final et conditions viables pour les ouvriers, prend alors horriblement corps.
Si on aime à croire qu’Apple fait en sorte d’améliorer les choses, comme tendent à le montrer ses récents efforts et son adhésion à Fair Labor Association, on a peine à penser que les choses vont foncièrement changer tant que Cupertino ne se montrera pas plus ferme et moins avide. En effet, malgré les exigences financières et de résultats draconiennes imposées par Apple, les usines chinoises se disputent ses faveurs comme dans un remake glaçant d’un Germinal futuriste.

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Pierre Fontaine