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Anton Schaaf (Siemens I & C) : ‘ Le salut viendra de l’offre de services, et non plus de la bande passante ‘

Information and Communication Networks, la branche télécoms du groupe Siemens, a, elle aussi, été touchée par la crise. Le constructeur mise sur les réseaux de nouvelle génération et sur le haut débit.

I & C a essuyé la tempête qui secoue depuis deux ans le monde des télécoms. Elle est dans le rouge et a licencié des dizaines de milliers d’employés. Sa branche Information and Communication Networks, spécialisée dans les
infrastructures, reste la plus touchée, comme ses grands rivaux, tels Lucent ou Nortel.

Alors que les branches mobiles et services de la division I & C commencent à sortir du rouge, la branche infrastructures pour réseaux fixes reste toujours déficitaire. Y a-t-il une issue ?Notre force est de faire partie d’une société solide, campée sur de nombreuses activités, et les résultats globaux de Siemens sont bons. Notre avenir immédiat n’est donc pas menacé, à la différence de nombre de nos concurrents.
Plusieurs de ces activités touchent aux infrastructures, comme le rail ou l’énergie, et il existe une synergie entre elles. Par exemple, la branche transport a remporté le contrat du métro de New York, et, grâce à elle, nous avons obtenu le volet
communications. Même schéma en Malaisie.Siemens ne peut toutefois pas se permettre d’enregistrer des pertes chroniques dans l’une de ses branches. L’an passé, il y a eu des restructurations. Qu’allez-vous faire de plus ?Tout d’abord, nous estimons que le secteur des télécoms n’est pas en récession mais en croissance, d’environ 9 % par an. Il n’y a donc pas d’inquiétude sur le fond. Ensuite, nous pensons que le salut ne viendra pas en vendant
toujours plus de bande passante, mais en proposant des services aux abonnés. Prenez l’exemple des SMS, ces messages d’une centaine d’octets. Au prix où ils sont généralement vendus en Europe, cela met le mégaoctet de données à plus de
700 euros, alors que le coût réel du transport est bien moins élevé. C’est tout bénéfice pour l’opérateur. Notre stratégie produits est tout entière axée sur l’aspect services. Ceux-ci constitueront le c?”ur des réseaux de nouvelle
génération. Ainsi, les softswitches [logiciels de commande des commutateurs, NDLR] de notre gamme Surpass sont les plus complets du marché et répondent à ce besoin. Nous sommes également bien placés dans le haut débit et le DSL.
Dans ce secteur, nous n’allons pas nous livrer à une guerre des prix avec le leader. Plutôt que de miser sur un effet immédiat en cassant les coûts, nous jouons sur le long terme en proposant une plate-forme évolutive, qui permette d’offrir les
nouveaux services sans devoir changer systématiquement d’équipement.Cependant, les marchés restent toujours atones. Où voyez-vous de l’espoir ?Certains marchés, comme l’Amérique du Sud, restent faibles. Les Etats-Unis sont encore en crise. Mais, ailleurs, la situation s’améliore. China Telecom a suspendu ses investissements pendant la période de privatisation, et ils
reprennent maintenant que l’opération est achevée. Nous sommes confiants. Il y a eu dans le passé une crise asiatique sévère, et nous sommes restés. Nos clients s’en souviennent. Ils savent que nous sommes un partenaire de confiance. Ce qui est un
atout. En Europe, nous avons atteint le creux de la vague, et nous allons vers une amélioration.Vous avez revendu l’an dernier Unisphere à Juniper. Que vous reste-t-il de cette acquisition ?Nous avons beaucoup appris dans le domaine IP grâce à Unisphere. Nous avons intégré tout ce savoir-faire dans les softswitches de notre gamme Surpass. Ce que nous avons cédé à Juniper, c’est la partie routage IP. Or, nous sommes
partenaires de Juniper, et donc bien placés dans ce domaine. Nous travaillons d’ailleurs avec lui à la définition de nouvelles normes pour faire pièce à Cisco. Juniper est une petite société, et nous lui apportons tout le poids de Siemens sur le
plan mondial.Prévoyez-vous d’autres acquisitions ?Les acquisitions ne sont pas dans notre culture. Nous préférons nous appuyer sur nos ressources internes en recherche et développement et les mettre en valeur. Pour d’autres sociétés, les acquisitions constituent une manière de faire
de la recherche et développement. Ce n’est pas notre façon de voir les choses.L’accès à haut débit est l’une de vos priorités. Le sans-fil, comme les technologies LMDS (Local Multipoint Distribution System), a été présenté comme concurrentes du DSL. Vous placez-vous sur ce créneau ?Le sans-fil à haut débit a été le fer de lance des nouveaux entrants pour attaquer le marché de la boucle locale. Mais ces acteurs ont quasiment tous disparu, et cette technologie a perdu beaucoup de son intérêt. Aujourd’hui, ce mode
de transport apparaît plus comme un complément du DSL, là où ce dernier ne pourra être déployé, que comme une technologie rivale. Le DSL reste donc notre priorité.Certains de vos concurrents pensent que la concurrence exacerbée rend le métier d’équipementier de plus en plus dur. Et ils misent désormais sur les services aux opérateurs. Est-ce la démarche de Siemens ?Nous avons une gamme de services pour les opérateurs portant notamment sur l’exploitation, la maintenance et le consulting. Mais le marché est restreint, et nous ne fondons pas d’espoirs démesurés dessus.Vous ne croyez pas à la vision anglo-saxonne, selon laquelle les opérateurs vont devenir essentiellement des entreprises de marketing ?Les nouveaux entrants ont été laminés par la crise. Ils ne représentent plus le marché prometteur imaginé il y a quelques années. Quant aux opérateurs historiques, ils gardent, dans leur grande majorité, une culture technique. Certes,
ils développent leur expertise marketing. Mais ils ne font que débuter, et ce n’est pas demain qu’ils externaliseront totalement l’exploitation de leurs réseaux. Ce marché des services deviendra sans doute porteur, mais pas avant plusieurs années.
Pour le moment, il est donc vain de miser exagérément dessus.

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Jean-Pierre Soulès