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“ L’avenir du libre dépend de vous tous ”

Entretien avec Richard Stallman, fondateur du mouvement GNU, à l’origine du logiciel libre dans les années 80 et de la première version de la licence GPL en 1989.

l’Oi : Votre biographie autorisée Richard Stallman et la révolution du logiciel libre paraît chez Eyrolles. Quel message faut-il attendre de cette publication ?RS : Il s’agit de ma biographie, pas d’un livre d’opinion. J’ai corrigé et modifié partiellement celle qu’avait écrite Sam Williams (Ndlr : journaliste américain), en préservant ses citations et beaucoup de ses impressions. Plus de 20 % viennent de moi. Mais on y trouve aussi les idées du mouvement pour le logiciel libre. Il existe quatre libertés essentielles auxquelles l’utilisateur d’un programme a droit (voir encadré). Avec elles, ce dernier a le contrôle du programme et donc de l’informatique.l’Oi : Selon vous, quelles sont les forces et les faiblesses du logiciel libre ?Notre force est d’avoir développé des systèmes d’exploitation et des applications libres pour presque toutes les activités informatiques ordinaires. Notre faiblesse est que la plupart de leurs utilisateurs n’ont pas conscience de l’idée même de la liberté pour laquelle nous nous battons. Ils connaissent notre logiciel libre sous l’expression “ open source ”, terme qui a été conçu pour ne point suggérer l’idée de liberté. De la même façon, ils pensent que notre système GNU s’appelait “ Linux ” et a été développé par M. Torvalds, qui n’est pas pour cette liberté.l’Oi : Le “ libre ” va-t-il devenir une alternative aux grands éditeurs qui préservent jalousement leur code ?Je ne vois pas l’avenir parce qu’il dépend de vous tous. Si tu exiges la liberté et si tu luttes pour elle, nous pouvons construire ensemble un futur libre. Si tu penses commodité à court terme, tu seras victime de la colonisation numérique.l’Oi : Vous avez sûrement suivi de près la “ saga ” Hadopi. Quel est votre avis sur cette position française ?L’Hadopi interdit la fraternité en attaquant la liberté. Elle abîme aussi l’égalité, parce qu’une poignée d’organisations aura le pouvoir de dénoncer quelqu’un selon cette loi. Elle reflète donc la haine de Nicolas Sarkozy envers les Droits de l’Homme. Il a choisi de servir les entreprises du divertissement dans leur Guerre Globale contre la Fraternité.l’Oi : Quel peut être le modèle pour financer les artistes aujourd’hui ?Le système actuel, basé sur le droit d’auteur, ne rétribue pas de façon équitable la plupart des artistes, seulement les stars. Il finance aussi très bien les grandes entreprises. Cela ne justifie pas d’interdire aux gens de coopérer entre eux. Il faut donc remplacer le système. J’ai proposé deux options. L’une est basée sur un système de paiements volontaires. Les amateurs d’art aiment financer les artistes, mais avec les moyens actuels, c’est peu commode. Je propose donc que chaque individu qui reproduit une œuvre ait un bouton sur lequel il pourra appuyer afin d’envoyer un euro (ou une somme appropriée au pays) à ses créateurs. L’autre solution serait un impôt à diviser entre les artistes, et uniquement les artistes, en fonction de leur succès, mais pas de façon linéaire. Je propose que l’argent perçu par chaque artiste augmente moins vite que son succès, l’inverse d’un impôt progressif. Ainsi, chaque star reçoit plus que les autres, mais pas dans les proportions du système actuel. Il pourrait donc financer plus d’artistes que le système qui prévaut en ce moment, avec moins d’argent.l’Oi : Le logiciel libre est une mise à disposition pour tous de la connaissance. Peut-il s’étendre aux œuvres culturelles à l’instar de la licence Creative Commons ?Creative Commons publie six licences différentes. Deux d’entre elles sont libres. Toutes autorisent le partage non commercial. Il faut souligner que le logiciel libre ne se propose pas comme une option parmi d’autres options éthiques. Le logiciel “ privateur ” est injuste, parce qu’il donne aux développeurs un pouvoir injuste sur les utilisateurs. Il ne doit pas exister. Notre modèle consiste à exiger la liberté pour tous. Ce but s’étend enfin à toutes les œuvres d’utilisation pratique, c’est-à-dire, les œuvres qui servent à faire des travaux pratiques dans ta vie. Cette catégorie comprend les programmes, les recettes, les œuvres éducatives, les œuvres de référence et d’autres. Les arguments pour les quatre libertés s’étendent jusque-là.

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Rémi Langlet