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12 500 consommateurs envoient leurs plaintes par cartons aux opérateurs mobiles

Epaulés par l’UFC-Que Choisir, plus de dix mille clients attaquent trois opérateurs, reconnus coupables d’entente illicite.

Trois mètres cube de dossiers. Voilà ce qui vient d’alourdir les bureaux du tribunal de commerce de Paris… et ceux des juristes des trois opérateurs mobiles. Des dossiers délicats, puisqu’il s’agit de plaintes d’abonnés en
téléphonie mobile qui demandent réparation à la suite de l’affaire du ‘ cartel des mobiles ‘. Fin 2005, Bouygues Telecom, Orange et SFR ont été
reconnus coupables d’entente illicite par le Conseil de la concurrence, pour s’être mis d’accord sur une augmentation coordonnée de leurs tarifs. Les opérateurs ont été condamnés à
une amende globale de 534 millions d’euros (décision actuellement en appel), payable à l’Etat. Aucun dédommagement n’a été prévu pour les consommateurs.C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir, maître d’?”uvre de cette opération coup de poing, a exhorté les abonnés à porter plainte via son site Cartelmobile.org, leur proposant de prendre les procédures en charge. Sur ce site, un calculateur
permettait aux consommateurs (abonnés entre 2000 et 2002) d’estimer leur préjudice en fonction du montant de leur forfait, de la durée de leur abonnement et de leur opérateur, le tout étant croisé avec le tarif concurrentiel théorique que
l’opérateur aurait dû pratiquer. Restait à faire une demande de dossier, justificatifs à l’appui.‘ 217 000 personnes se sont inscrites sur le site, 35 000 ont ouvert un dossier. Seules 12 521 d’entre elles sont arrivées au terme du processus, avec une indemnisation moyenne estimée à 65 euros par
personne ‘,
précise Charlotte Dekeyser, juriste à l’association. Une opération qui a nécessité plus de 2 000 heures de travail et à laquelle l’UFC-Que Choisir consacre 500 000 euros (frais de gestion,
d’avocats…). Soit l’équivalent de sa subvention publique annuelle !

20 millions d’abonnés concernés

Mais le jeu en vaut la chandelle. Car cette affaire permet à l’association de consommateurs d’illustrer l’inadaptation de la législation actuelle pour régler les contentieux de masse : les actions judiciaires de groupe (ou
class action) sont en effet toujours interdites en France. ‘ Les entreprises prétendent que le droit actuel est suffisant, alors que le président de la République annonçait lui-même en 2005 qu’une réforme était nécessaire sur les actions collectives, explique
Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir. Mais nous prouvons aujourd’hui qu’il n’est pas adapté : la tâche a été considérable, alors que seuls 0,06 % des victimes pourront être indemnisées, sur 20 millions d’abonnés
concernés. ‘
En effet, avec le droit français, l’UFC n’a pu que juxtaposer des milliers de procédures individuelles, avec la charge de gestion que cela implique. Une réelle action de groupe, elle, aurait permis d’appliquer une décision unique d’un
juge à n’importe quelle victime sans qu’elle se soit manifestée auparavant. De fait, tout abonné aurait pu être indemnisé par la suite, en fournissant bien sûr les preuves adéquates.Souhaitée par Jacques Chirac il y a deux ans, la prise en compte des actions de groupe n’a toujours pas abouti. Elle fait pourtant partie intégrante du projet de loi sur la consommation proposé par le ministre des Finances, un projet
dont l’examen a plusieurs fois été reporté.

Pas de ‘ class action ‘ à l’américaine

L’UFC-Que Choisir réclame donc une étude parlementaire en procédure d’urgence, même si ce projet ne lui convient pas : ‘ Si le projet Breton était en vigueur pour cette affaire, les abonnés devraient se
retourner individuellement vers leur opérateur, qui leur proposerait lui-même une indemnité. En cas de désaccord, le consommateur devrait à nouveau saisir le juge…,
illustre Alain Bazot. De plus, ce projet ne
s’appliquerait ni aux pratiques anticoncurrentielles, ni aux dommages corporels, ni aux litiges de plus de 2 000 euros ! ‘
Soutenue par les autres grandes associations de consommateurs, l’UFC ne plaide pas pour autant pour une class action à l’américaine et conteste, entre autres, les dommages et intérêts démesurés pratiqués
outre-Atlantique.Le projet de loi sur la consommation devrait passer en Conseil d’Etat début novembre. Le 12 décembre, la décision relative à l’appel des trois opérateurs mobiles sera rendue. Quelle qu’elle soit, elle ne remettra pas en cause la
procédure engagée par l’UFC et consorts.

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Julie de Meslon