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Des ordinateurs fins psychologues

D’ici à quelques années, les ordinateurs seront capables de reconnaître nos émotions, et de réagir en conséquence. Pour le meilleur… et pour le pire.

Lorsqu’il s’installe devant son ordinateur du Fraunhofer Institute, à Rostock, en Allemagne, Christian Peter commence par mettre un gant. Un gant truffé de capteurs, pour permettre au PC de décrypter ses émotions. Son rythme
cardiaque, sa pression artérielle, la température et la conductivité de sa peau sont analysés en continu par l’ordinateur, qui évalue l’état émotif du scientifique en suivant les variations de ses paramètres physiologiques. Joyeux ?
Effrayé ? En colère ? Dans 75 % des cas, le gant détecte correctement l’humeur du chercheur allemand ! Ce n’est encore qu’un prototype, mais les scientifiques espèrent bien doter un jour nos micros de telles technologies de
reconnaissance des émotions. Autrement dit donner naissance à l’affective computing ou ‘ informatique émotionnelle ‘. Objectif affiché : que ce ne soit plus l’humain qui se
plie au fonctionnement de l’ordinateur, mais l’ordinateur qui s’adapte au comportement humain en prenant en compte sa dimension émotionnelle. Les PC de demain pourraient donc ‘ sentir ‘ quand
l’utilisateur commence à s’échauffer devant son écran… et réagir avant que le clavier ne passe par la fenêtre ! C’est d’ailleurs l’une des premières applications envisagées par Christian Peter et ses collaborateurs : coupler leur
gant sensitif à un logiciel qui propose son aide à bon escient, avant que l’utilisateur n’explose de colère.

700 millions de capteurs… émois, émois, émois

Il existe d’autres dispositifs de détection des émotions qui, en plus de recueillir des données physiologiques, surveillent des indicateurs comme l’intonation de la voix ou la physionomie de l’utilisateur. Les scientifiques équipent
donc leurs cobayes de caméras, de micros et de capteurs en tout genre pour prélever ces données. Même les chaises de bureau, les souris ou les claviers peuvent devenir de précieux informateurs, s’ils intègrent par exemple des détecteurs de
mouvements. Des systèmes d’analyse se chargent ensuite de comparer les informations enregistrées avec des bases de données de référence.A l’heure actuelle, ces systèmes peuvent déjà reconnaître quelques émotions manifestes : joie, surprise, dégoût, tristesse, colère et peur. Mais aucun prototype de PC ‘ émotionnel ‘
n’est encore capable de percer à jour des émotions complexes, ce mélange subtil de sentiments qui traversent en permanence l’individu. Et l’exercice est d’autant plus difficile que des lunettes à monture épaisse ou une barbe fournie perturbent
sérieusement les outils d’analyse du visage ! Les chercheurs le savent, la reconnaissance des émotions n’en est qu’à ses balbutiements ; après tout, les humains eux-mêmes ont souvent du mal à cerner l’humeur de leurs
congénères…Laisser les ordinateurs ou les robots pénétrer le domaine des émotions, donc de l’intime, suscite aussi quelques interrogations légitimes. Comment être sûr que ces technologies ne seront pas employées à notre insu, et à des fins
discutables ?

Une dérive possible : l’homme sous contrôle permanent

Aux Etats-Unis, le laboratoire Sandia, à Albuquerque, a testé il y a un an et demi un système de perception des émotions (avec caméra et capteurs physiologiques) destiné à évaluer l’état émotionnel de collaborateurs en réunion de
travail, ou de militaires en intervention sur le terrain. Le logiciel analysait les émotions et les communiquait à toute l’équipe : chacun pouvait alors réagir en conséquence… et notamment le chef, tenté d’écarter les collaborateurs les
moins efficaces ou les plus lents à prendre une décision.De son côté, la société écossaise Affective Media (voir aussi encadré ci-contre) a testé un système de reconnaissance des émotions auprès d’employés de centres d’appels, en analysant leur voix : ceux qui maîtrisaient
difficilement leurs nerfs avec les clients mécontents se sont vus proposer une formation. Mais Affective Media va plus loin : elle propose son système aux responsables de centres d’appels qui veulent évaluer le niveau de concentration de leurs
téléopérateurs ! Une application dont la fiabilité semble douteuse, à l’heure où de nombreux chercheurs s’accordent à dire que la reconnaissance des émotions n’en est qu’à ses débuts.

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Stéphanie Bellin