X raisons de se renommer « 𝕏 » : pourquoi Elon Musk a choisi ce nom pour Twitter ?

Le changement de nom et de logo de Twitter pour « 𝕏 » peut avoir l’air soudain, mais il arrive dans un moment qui pourrait être plus propice qu’il y parait. Déjà parce que le réseau social se devait de faire parler de lui, après s’être fait voler la vedette par son nouveau rival signé Facebook et baptisé « Threads ». Ensuite parce qu’après plus de neuf mois à sa tête, Elon Musk se devait de lancer une bonne fois pour toutes son plan secret – celui de transformer le réseau social pour l’intégrer à un projet de super-app et faire de « X » le WeChat américain, doté en particulier de services financiers.

Tout cela aurait pu être différent si le nouveau nom n’avait pas été un « X », et que le nouveau logo n’avait pas été un caractère Unicode, en référence à un symbole mathématique, disponible sur tous les claviers et en aucun cas à la propriété d’Elon Musk ou de sa nouvelle société X Corp. Car oui, le « X » choisi a tout l’air d’une énorme erreur, mais il n’en est peut-être pas une. À contre-courant de tout conseil marketing rationnel, le propriétaire de Twitter, Tesla et SpaceX cherche à faire d’un nom propre, un nom commun.

X : parce qu’il est populaire dans le marketing

Quand on parle de consonance publique, on parle bien de l’adjectif qui exprime le sens commun, collectif… et donc populaire. X est international, intemporel, presque universel, et il s’agit d’un symbole ou d’une lettre que l’on retrouve partout. Les marques et les produits d’Elon Musk se le sont déjà approprié : comme avec SpaceX, la Tesla Model X et récemment X Corp et xAI. L’exploration est un terme cher à Elon Musk, et ô combien de marques ont déjà stylisé le terme en mettant en avant sa lettre X, souvent symbole de puissance, de révolution, de nouvelle ère. On se souvient d’Apple qui choisissait le X pour faire bien plus que styliser le design du nom de la 10ᵉ génération de l’iPhone, que l’on appelle encore et toujours iPhone X.

X : parce qu’il faut viser le domaine public

Tout n’aurait pas été aussi clair si Elon Musk n’avait pas pris la décision d’utiliser un caractère mathématique au design Unicode en guise de logo. Son design est effectivement celui du standard informatique relatif au X des majuscules mathématiques ajourées, permettant notamment d’indiquer un espace métrique arbitraire. Le symbole est donc disponible sur tous les claviers et peut être utilisé de façon libre de droit. Il n’appartient pas à Elon Musk ni à aucune de ses entreprises et n’a demandé aucun budget marketing.

La preuve ? Voyez par vous-même :  𝕏. Certains ont même profité du droit d’utilisation pour en faire des boutiques éphémères sur Internet.

Bon …. Je viens d’ouvrir une boutique X. Vu que c’est un caractère Unicode, ben c’est pas copyright je peux en faire ce que je veux.

Qui veut un mug X édition limité ? 😂😂😂😂

C’est sur un spreadshop c’est pas un gros scam promis. 😂😂😂 https://t.co/U0MMPUDxZ3 pic.twitter.com/0cBVlGL47S

— 𝔻𝔼𝔽𝔼ℕ𝔻 𝕀ℕ𝕋𝔼𝕃𝕃𝕀ℕ𝔾𝔼ℕ𝕔𝔼 (@DFintelligence) July 24, 2023

Elon Musk fait ainsi de son logo un caractère universel, visible et disponible partout, qui possède même son propre raccourci clavier. Et même si une autre entreprise souhaite utiliser le logo, sa décision aura aussi pour conséquence de faire de la publicité gratuite pour l’ex-Twitter.

X : parce que 900 marques en ont les droits

C’est un sport national chez Elon Musk : à chaque occasion de fragiliser ses adversaires en les confrontant dans des duels, comme avec Mark Zuckerberg récemment, le milliardaire à la tête de Tesla, de SpaceX et de Twitter tente sa chance. Avec le changement de logo et de nom de Twitter en 𝕏, l’entrepreneur vient provoquer 900 marques qui se partagent déjà les droits intellectuels de la lettre. Parmi elles, Meta (la maison mère de Facebook) et Microsoft.

Meta a par exemple protégé des logos bleu et blanc avec la lettre X pour des logiciels et des médias sociaux depuis 2019. Microsoft, de son côté, détient une marque appelée X depuis 2003, destinée aux communications concernant Xbox. Dans un article de Reuters, le cabinet d’avocats Loeb & Loeb expliquait que « compte tenu de la difficulté à protéger une seule lettre, en particulier une lettre aussi populaire commercialement que X, la protection de Twitter se limitera probablement à des graphismes similaires à son logo X ». Si c’est le cas pour Twitter, c’est donc aussi le cas pour les 900 autres sociétés. Le X est convoité par tout le monde, et par conséquent, personne ne peut vraiment attaquer personne.

Faudra-t-il porter plainte contre X ? https://t.co/YCjLtIUWVC

— Valentin Blanchot (@vblanchot) July 25, 2023

X : parce que l’histoire a débuté il y a 25 ans

En parallèle, le X est aussi dans la tête d’Elon Musk depuis 25 ans. Après avoir vendu sa première entreprise, l’entrepreneur se retrouve à lancer l’identité X en 1999, dont il possédait le nom de domaine x(.)com. Mais très vite avec son rachat par PayPal, X a intégré la société de paiement et a de nouveau disparu. 18 ans plus tard, en 2017, Elon Musk tweetait que PayPal lui avait revendu le nom de domaine. Aujourd’hui, x(.)com est en phase de devenir le nouveau nom de domaine du nouveau Twitter. Il renvoie déjà vers le réseau social aujourd’hui, via l’adresse web twitter(.)com.

Thanks PayPal for allowing me to buy back https://t.co/bOUOejO16Y! No plans right now, but it has great sentimental value to me.

— Elon Musk (@elonmusk) July 11, 2017

X : parce que ce sera plus qu’un réseau social

En réponse à un journaliste de Bloomberg, Elon Musk rappelait qu’il ne comptait pas seulement renommer Twitter. Ce sera en fait un changement plus profond dans le produit, qui deviendra une super-app comme WeChat en Chine. Quoi de mieux qu’un nom aussi général que la lettre X pour n’avoir aucune barrière à changer de produit, d’image ou d’esprit – sans limites.

« Twitter a été acquis par X Corp pour devenir X, l’application universelle. Il ne s’agit pas simplement d’une entreprise qui se renomme, mais d’une entreprise qui ne fera plus la même chose qu’avant. […] Le nom Twitter avait du sens quand il n’y avait que des messages de 140 caractères. […] Maintenant, vous pouvez publier presque n’importe quoi, y compris plusieurs heures de vidéo. Dans les mois à venir, nous ajouterons des communications complètes et la capacité de gérer l’ensemble de votre écosystème financier », écrivait-il. La porte ouverte à une messagerie plus complète et un système de paiement.

X : parce que c’est le prénom de son enfant

Le sixième enfant d’Elon Musk pourra se réjouir (ou pas) que son prénom si particulier reprenne lui aussi la lettre X. Pour rappel, le 4 mai 2020, Elon Musk et Grimes ont eu un enfant et l’ont baptisé X Æ A-12. L’heureux papa prétendait alors que le X faisait référence à la variable inconnue.

Conclusion : on prend les memes et on recommence

Coca-cola, Nutella, Scotch, Escalator, Botox et Frigidaire ont, grâce à leurs parts significatives sur leur marché ou leur capacité à innover, réussi à faire de leur nom propre un nom commun. Dans le marketing, on les appelle des noms de marque lexicalisés, une forme particulière d’antonomase du nom propre. C’est à ça que vise le changement de nom de Twitter.

Elon Musk veut que l’identité de 𝕏 appartienne au domaine public, d’où son désintérêt de lutter pour sa propriété intellectuelle. À l’image des formules mathématiques qui n’appartiennent à personne malgré leur importance dans le savoir, le X d’Elon Musk veut devenir un nom générique, universel, et pleinement intégré dans le quotidien de chacun. La stratégie reprend celle des memes, ces images ou extraits vidéo à fort potentiel viral qui n’appartiennent à personne, qui peuvent être répliqués partout et qui gagnent en puissance au fur et à mesure que leurs copies se multiplient. Avec 𝕏, il sera possible de répliquer le logo et le nom de l’entreprise d’Elon Musk partout, par un simple raccourci clavier ou un simple copier-coller.

Coup de maître volontaire ou effet d’aubaine ? L’affection particulière d’Elon Musk pour la lettre X plaide pour une stratégie délibérée. L’avenir dira si c’était la bonne, mais il y a tout de même une chance non négligeable que l’avenir de feu Twitter ne dépende pas que d’un simple patronyme.

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