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Vive la rentrée !

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler ?”et parfois crier?” plus librement…

Pas de panique. Tout va bien. Certes, les plans de restructuration ont mûri tout l’été et les i-patrons, rendus marteau par la nécessité de la faucille, donnent dans le communisme du corbillard, préparant des charrettes entières pour le club des Allongés. Certes, cadres sup’ ou inf, nous sommes nombreux à avoir déjà en poche un ticket pour l’au-delà de l’emploi, là où les bureaux ne sont pas climatisés et les toilettes pas net. Certes, le refroidissement de la conjoncture et le réchauffement de la planète commencent à nous courir sur le haricot transgénique. Certes, les taxis ne sont jamais libres et les files d’attente pour les G7 ressemblent aux sommets du G8. Certes, c’est le bordel. Et alors ? Ne nous affolons pas pour si peu.Ce qu’il faut, c’est tirer son épingle du jeu. Son épingle personnelle, bien entendu. La collectivité attendra un peu. D’ailleurs, la ” collectivité “, c’est une chose bien abstraite. Donc, déclarons-la nulle, non avenue et, pour tout dire, inexistante. Et prenons un exemple, au hasard : moi. ça va très bien, merci. Certes, notre boss, Roland, s’apprête à dégraisser comme un phoque au régime. Certes, Romont, le directeur des Activités Stratégiques du groupe, un plouc arrogant qui a dû vendre des voitures volées dans une autre vie (pas si lointaine), a manigancé des horreurs dans la coulisse pour que notre directeur de la communication fasse partie de la prochaine charrette. Certes, ce dircom, c’est moi. Et alors ? Vais-je paniquer pour si peu ? Oui. Un maximum. Car sa capacité de nuisance est extrême. Je me suis même toujours demandé comment un type au QI si infime pouvait être aussi efficace dans ce sport de haut vol : le meurtre au bureau. Il a déjà eu la peau de notre directeur financier, qui était pourtant du genre coriace, et celle du directeur marketing, une vraie carne… Et maintenant, Romont, surfant sur la crise comme un piranha tronçonneur, s’attaque à l’institution que je suis.Je dis cela sans vanité, mais mon talent de grand communiquant étant reconnu unanimement dans la boîte, quel autre mot employer ? En tout cas, il prétend que je ne communique pas si bien. Que, si je faisais correctement mon boulot, nos résultats seraient meilleurs. Que signifie cette hargne, ai-je demandé à Roland, pourquoi ces critiques injustifiées ? Le boss n’a rien répondu, se contentant d’un regard sceptique sur l’institution qu’il avait en face de lui. Puis : “Prouve-moi que Romont a tort. Ton fameux talent, montre-le moi, en m’expliquant pourquoi il ne dirait pas la vérité…” La peur donnant des ailes, je lui ai répondu : “Parce que mes idées de Génie le font bouillir !” Devant ce jeu de mots hyper créatif, Roland a hésité une ou deux secondes, avant de se marrer franchement. Autant qu’il en est capable, du moins. “Pas d’autre commentaire, Génie ?“, me demanda-t-il. Inspiré par l’odeur du sang romontesque, j’ai risqué : “Lessive-le ! ” Roland s’est carrément tapé sur le ventre. Voilà comment on tire son épingle du jeu. Maintenant, c’est Romont qui a un pied dans la charrette. Pour plus de sûreté, je vais lui scier l’autre. Bref, une rentrée ordinaire…

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La rédaction