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Tiscali veut emballer le Nouveau Marché

Le futur poids lourd du marché des valeurs de croissance pourrait asseoir la légitimité de ce compartiment de la Bourse de Paris. Une chance de redonner des couleurs au secteur dévalorisé des fournisseurs d’accès à internet.

La confiance inébranlable du PDG de Tiscali, Renato Soru, est-elle soluble dans le Nouveau Marché ? Une chose est sûre. L’introduction à venir du groupe italien, parmi les leaders de l’accès internet en Europe, aura valeur de test dans un contexte de doute. Tiscali occupera de très loin la première place du marché français des valeurs de croissance, si l’on se réfère à sa capitalisation actuelle à Milan (4,6 milliards d’euros, 30 milliards de francs), devant le fournisseur d’équipements de téléphonie mobile Wavecom (environ 500 millions d’euros). Tiscali, étiqueté fournisseur gratuit, notion toute relative, affiche 16 millions d’abonnés, dont 7 millions actifs. Son cours traduit toujours la méfiance des investisseurs pour le secteur avec une décote d’environ 18 % depuis le début de l’année. En outre, le groupe ?” l’un des plus remuants du paysage européen ?” est difficile à suivre. Profitant de la faiblesse du secteur, Renato Soru a fondu en France sur Planet Interkom et Libertysurf, Surf Eu en Allemagne et, en Grande-Bretagne, sur Line One. Excite Europe, sur lequel lorgne l’Allemand T-Online, est aussi dans sa ligne de mire. “Nous allons profiter de cette période de panique concernant les sociétés internet pour saisir les opportunités“, clame Renato Soru. Panique ? L’offre sur Libertysurf, annoncée en janvier, valorisait le fournisseur d’accès à internet (FAI) français à 850 euros l’abonné. Fin avril, la reprise du fournisseur allemand Surf Eu, opérant aussi en Suisse et en Autriche, s’effectue sur la base de 120 euros par abonné. Oubliées les valorisations de l’âge d’or, celles d’avant le krach : au début de l’année 2000, il en avait coûté 6 000 euros l’abonné à T-Online pour s’emparer de Club-Internet…

Avisé ou boulimique

L’appétit de Renato Soru, le ” Bill Gates de Cagliari “, comme l’a surnommé la presse transalpine, suscite des réserves : “ L’homme d’affaires sarde a indéniablement le sens de la taille critique, mais l’addition de ses acquisitions ne fait pas un diamant “, analyse-t-on chez Global Equities. Le cabinet préfère recommander Wanadoo à l’achat, notamment parce que le fournisseur d’accès hexagonal est adossé à un puissant ” telco “, France Telecom, et qu’il dispose dans ses soutes du revenu sûr des annuaires. Malgré tout, l’opérateur italien met en avant sa stratégie de modèle gratuit-payant et sa politique de réduction des coûts. L’accès ?” gratuit ?” représente la première source de revenus (70 %) issus des communications des abonnés ; les portails, générateurs de publicité, et les applications professionnelles payantes, comptent chacun pour 15 % des revenus. Le principe de gratuité s’évapore.Pour Renato Soru, qui s’exprimait récemment dans les colonnes du quotidien La Tribune, seul l’abonnement est gratuit : “Tous nos clients payent leurs communications, qui nous rapportent en moyenne 7,58 euros par mois, quand chaque abonné AOL [leader américain de l’accès internet, strictement payant, ndlr] en rapporte une quinzaine. ” La publicité en Italie lui rapporte 1,5 euro par abonné, alors qu’elle en génère 2 en France.

“Pas fou, mais hardi”

L’industriel italien ?” qui se prétend “pas complètement fou ” mais “hardi“?” a, du reste, mis en avant une réduction de ses pertes d’exploitation de 58 millions d’euros au premier trimestre. Les coûts de marketing, assure-t-il, ont été réduits de 65 % (47 millions d’euros) et la masse salariale de 53 % (29 millions d’euros). Enfin, en consolidant ses toutes récentes acquisitions, le groupe peut avancer un chiffre d’affaires de 167 millions d’euros au terme du premier trimestre écoulé. Le directeur financier de Tiscali, Massimo Cristofori, a fait de surcroît des promesses lors de son passage à Paris, en prévoyant un chiffre d’affaires de 800 millions pour l’année en cours et, en principe, un Ebitda (excédent brut) positif au dernier trimestre. Au dernier pointage, la trésorerie du groupe s’élève, toujours selon le directeur financier, à 900 millions d’euros. Reste à savoir ce qu’il adviendra de ces chiffres quand le fournisseur d’accès italien aura mené à terme les acquisitions qu’il envisage en Europe. Une chose est sûre, par rapport à ses grands concurrents, comme le Français Wanadoo, l’Allemand T-Online,les Espagnols Lycos Europe ou Terra Networks, c’est que Tiscali n’entend déployer que sa seule bannière dans le paysage européen. Ainsi, les jours des marques Libertysurf et World Online, ses deux acquisitions majeures, sont comptés en France. Le titre Libertysurf pourrait même disparaître du Premier Marché dès que l’OPE lancée par Tiscali sera achevée.

Marché prioritaire

Quant à l’introduction, retardée pour des questions administratives ?” elle devait avoir lieu le 22 mai ?” sur le Nouveau Marché, Renato Soru l’a voulue car, estime-t-il, la France est un ” marché prioritaire “. Aucune introduction n’est prévue ailleurs. Le débarquement du FAI italien devrait désormais se faire dans la première quinzaine de juin, après le feu vert de la COB (Commission des opérations de Bourse). Au Nuovo Mercato de Milan, l’action Tiscali représente, selon son PDG, 50 % du volume des échanges (la moitié par des investisseurs étrangers). De l’agitation en perspective si la fièvre italienne contamine l’Hexagone.

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PHilippe Bonnet et Jean-Michel Cedro