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Télévision interactive : la rentabilité n’est pas au rendez-vous

Loin d’être le nouvel eldorado prédit par certains, les services interactifs à la télévision courent toujours après la rentabilité et sont plus souvent synonymes de coûts supplémentaires que de nouvelles rentrées.

La télévision interactive tarde à s’imposer.” Il y a une partie que l’on connaît bien, c’est les coûts. On connaît moins bien les sources de revenus. On enregistre des déceptions par rapport aux premières prévisions très euphoriques sur la publicité interactive ou le T-commerce [achat de biens via la télévision] “, résume Xavier Lambert, consultant au cabinet conseil IMCA.A titre d’exemple, Expand, producteur du jeu Fort Boyard, propose un jeu interactif aux téléspectateurs regardant le programme par diffusion satellite. Il faudrait, selon lui, que 10 % des quatre à cinq millions de téléspectateurs de France 2 jouent avec leur télécommande pour que cela soit rentable. ” On est très loin du compte. Aujourd’hui, pour nous, producteurs, une opération de télévision interactive coûte beaucoup d’argent “, affirme un responsable d’Expand Interactive. Ainsi, les estimations mirobolantes avancées il y a un an, en plein engouement pour la ” nouvelle économie “, ne sont plus de mise.Aujourd’hui, en France, 3,5 millions de foyers (15 % du total) abonnés au satellite ou au câble ont accès à ces services et leur nombre devrait doubler en 2005 avec le lancement de la télévision numérique terrestre, estime IMCA.L’interactivité peut prendre la forme de services autonomes tels que les guides de programmes, les services d’informations (météo…), les jeux, ou les boutiques virtuelles. Elle peut aussi être associée aux programmes, afin de choisir, par exemple, son angle de vue lors d’un match de football.

Un maigre butin à partager

Les recettes proviennent de la publicité, du paiement à l’usage (pay per view, pay per play), des commissions sur des télécommunications surtaxées, des achats de biens ou des abonnements. Mais très peu de services sont aujourd’hui rentables pour les chaînes. D’autant que si ” les sources de revenus sont encore peu prévisibles et chiffrables, on sait déjà qu’il faudra les partager entre les opérateurs, les éditeurs et les chaînes “, souligne Xavier Lambert.En bref, on ignore la taille du gâteau, mais les convives se pressent déjà à table. Ainsi, sur 700 millions de francs récoltés par les services interactifs de Canalsatellite en 2000, le bouquet n’a conservé que 40 millions de revenus directs, selon IMCA. De même, sur 500 millions de francs, TPS n’a engrangé que 37 millions de revenus directs et TPS interactive, lancé en 1996, prévoit de ne parvenir à l’équilibre d’exploitation qu’en 2002.Pourtant le succès est au rendez-vous : plus de 80 % des 1,6 million d’abonnés de Canalsatellite et du million d’abonnés de TPS utilisent ces services, météo en tête. ” Le débat se pose dans les mêmes termes que sur Internet. Soit on valorise les services interactifs au sein des bouquets en augmentant la redevance. Soit on intègre ces services aux budgets de production. Soit on évolue vers des modèles payants d’abonnement ou de paiement à la consultation “, estime Xavier Lambert.Pour les professionnels, il convient ainsi de considérer ces services interactifs comme un ” plus ” offert aux téléspectateurs, un moyen de se démarquer de la concurrence et non comme une source de revenus immédiats.” L’interactivité est un atout créatif supplémentaire. Il ne faut pas attendre un retour sur investissement à trop court terme “, observe Pascal Josephe, président d’IMCA.

Interactivité pour quoi faire ?

Ainsi, pour François Carayol, président de Canal+ Technologies, l’interactivité modifiera profondément la façon de regarder la télévision, notamment grâce aux guides de programmes. ” Nous voyons l’interactivité comme un outil de fidélisation et d’attraction “, explique-t-il. ” A terme, nous pensons que la technologie permettra de développer très largement les achats d’impulsion. Nous croyons à notre capacité à faire croître le revenu moyen par abonné en apportant une palette toujours plus attractive de services. “La prévision d’un revenu moyen par abonné compris entre 100 et 500 euros pour Canal+ en 2005 reste d’actualité, dit-il.” Je crois au commerce via le téléviseur, si on apporte un service de meilleure qualité et plus compétitif pour distribuer de façon instantanée des contenus électroniques, numérisables [musique, livres, etc…] “, poursuit-il.A moyen terme, les estimations des cabinets d’étude sur les revenus de la télévision interactive restent prometteuses bien que très diverses. En 2005, pour l’Europe de l’Ouest, le consultant Yankee Group les évalue à 14,6 milliards d’euros, quand l’Idate avance un chiffre cinq fois inférieur : 3 milliards d’euros.Forrester Research estime, de son côté, qu’en 2004, dans le monde, les revenus de la télévision interactive atteindront 25 milliards d’euros. Pour l’heure, le modèle économique reste à inventer avec malgré tout une certitude : lorsque l’interactivité se limite à voter par téléphone (ou par télécommande) comme dans Loft Story, la surtaxation des appels (ou des connexions) est très lucrative. M6 aurait engrangé 67 millions de francs de recettes Audiotel grâce à Loft Story. De même, TF1 a tiré une large manne de la sélection par téléphone des candidats au jeu ” Qui veut gagner des millions ? “. Mais est-ce vraiment la révolution technologique promise ?

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La rédaction (avec Reuters)