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Tagada, voilà les Dalton

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler ?” et parfois crier ?” plus librement…

Priez pour moi. Je vis des moments très difficiles. J’étais, jusqu’à ce jour, le dircom adulé d’un groupe de nouvelles technologies very pimpant, mais voilà que les choses se gâtent. Je suis toujours à mon poste mais, depuis peu, je me sens menacé, mon succès personnel n’étant peut-être plus à la hauteur de celui de la boîte…
Dans les réunions, mes nombreux fans semblent m’applaudir un peu moins chaque jour, et tous ceux qui cherchaient à croiser mon regard l’évitent insidieusement. Ils paraissent moins avides de déjeuner avec moi, pour se régaler des propos brillants dont j’abreuve régulièrement clients et collègues. Je ne suis plus le gourou que de ma secrétaire… Mais tout cela n’est que pet de rat, comparé à mon angoisse numéro un, seul objet de mes cauchemars : mon boss, malgré ses sourires appuyés, m’apprécie-t-il toujours autant ? Ou est-il en train de beurrer mes semelles pour me faire glisser dans la trappe et rejoindre les cadavres de nos très nombreux et regrettés ” démissionnaires ” ? Chaque semaine, il y a un mort au comité de direction, suite à un froncement de sourcils de Roland, notre boss, qui n’admet aucune faute dans la conduite de notre bolid-e. “À la vitesse à laquelle on roule, il n’y a pas de petites erreurs.” Traduction : le podium ou la morgue. Bref, ces accidents de la déroute commencent à me déstabiliser, et je ne tiens plus le volant que d’une main moite…Le début de ma décadence date de l’arrivée de ces deux gros ploucs, Ramont et Christiani, nommés par Roland chef, (et sous-chef), des activités stratégiques du groupe. Ramont est assez gros, très poilu, muni d’une gourmette en or et d’une chevalière de chez Tati, genre vendeur de bagnoles d’occasion, en moins honnête. Christiani, très poilu lui aussi se la joue plus classe, avec ses petits costards italiens de fonctionnaire endimanché, son air calme et compétent, aussi triste que venimeux, moitié crotale moitié croque-mort.
Ces deux Dalton sont venus pour faire le ménage. Ils ont réussi à vendre leur agence web à Roland, en lui faisant croire qu’elle était rentable et qu’ils étaient des champions. Les voilà donc intégrés au groupe, ” auditant ” nos start-up à tour de bras, et décrétant leur mort pour les remplacer par d’autres jeunes pousses, dont ils détiennent des actions en sous-main. Ils auditent aussi notre organigramme. Et ces maudits m’auditent aussi, moi ! Comme ils savent que je n’aime pas leurs gourmettes, leur diagnostic est tombé : mon salaire (de 25 % inférieur au leur) leur semble trop élevé, et ” ruineux pour le groupe “. Quant à mes compétences, ils émettent des doutes, et le font savoir… Comment Roland, que j’aime et que j’admire tant, peut-il laisser dire ça ? Et comment mon adoré a-t-il pu s’enticher à ce point de deux pareilles merdes humaines ? Dans mes cauchemars, Roland me répond : “De la même manière que je métais entiché de vous.” Comment dois-je le prendre ?

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La rédaction