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Souriez, vous êtes fichés

Sur le net, le client est au bout de la connexion, facile à suivre, à portée de cookie. Une révolution marketing.

Un aspirateur numérique, un moteur de recherche, un opérateur de saisie : bricoler un vrai-faux fichier de clients n’a rien de compliqué. Récupérez des adresses email grâce à l’aspirateur, logiciel espion tapi aux confins du réseau ; faites-vous une idée des opinions de leurs propriétaires en cherchant avec le moteur d’éventuelles contributions sur les newsgroups ; indexez bien, et vous voilà possesseur d’une base comportementale. Rassurez-vous, aujourd’hui il n’y a plus guère de débouchés commerciaux pour des fichiers ainsis constitués. Mais les bases de données en savent souvent plus sur nous que ce que nous avons bien voulu dire. Selon Jérôme Stioui de Directinet, un fichier acheté est mort au bout de six mois. “L’entreprise doit donc maintenir sa base en permanence pour qu’elle reste pertinente”, renchérit Dominique Xardel, professeur de Marketing direct à l’ESSEC. Alors, pour actualiser leurs informations, les détenteurs de données déploient des trésors d’ingéniosité. Pour une base dite offline, tout commence par un questionnaire. La grande enquête annuelle de Claritas comporte 150 questions et 2 500 modalités de réponses pour tout savoir sur nos habitudes de consommation.5 % des ménagères seulement y répondent. Mais sur 20 millions d’envois à chaque vague, ce sont des centaines de milliers de foyers français qui enrichissent chaque année la mégabase de Claritas déjà forte de 4 millions de profils.Rien n’est laissé au hasard. “On passe les données dans une moulinette qui vérifie la rue et le code postal et les corrige automatiquement. On les croise avec le fichier des nouveaux emménagés de La Poste et on rachète la nouvelle adresse à la Poste si elle a changé”, explique Raphaël Aflolo de I-Base. Des relances sont effectuées, par téléphone ou via des magazines, pour confirmer les informations et en obtenir de nouvelles. Consodata va plus loin et donne de la “profondeur” au mégafichier des abonnés du téléphone de France Telecom dont elle a l’exploitation : la société croise sa base avec celles de ses clients, enrichissant ses profils de consommateur des informations glanées sur d’autres profils similaires.

L’interactivité, une mine sur le net

Mais le offline a ses limites, liées à la rareté des contacts avec le client. Sur internet au contraire, l’interactivité est permanente. “Regardez Amazon.com ou les compagnies aériennes : ils surveillent le comportement de leurs clients et les recontactent avec des offres adaptées à leurs intérêts présumés”, s’émerveille Dominique Xardel. Les profils d’internautes, au départ moins qualifiés que ceux de bases offline, s’enrichissent jour après jour. “Nous affinons les données au fur et à mesure de la vie du dossier client. Dans Trokers nous avons un panel de 24 thématiques produit, et sur 2xMoinsCher nous enregistrons les types de produits achetés”, confirme Severine Bernelin. Ces techniques nécessitent en général l’installation de cookies sur l’ordinateur du client à son insu, un procédé interdit par la nouvelle directive européenne sur le commerce électronique. Anticipant sans doute son application, la loterie Koodpo ne collecte que des données déclaratives, par des questions glissées le long de la navigation de l’internaute. “La capacité dadaptation à la directive sera capitale”, souligne Cyril Esnault de Messagizer. Mais certains réfléchissent déjà à de nouvelles techniques légales de détection de nos comportements en ligne.Pour mettre en échec les espions, peu de solutions. Refuser les cookies ou utiliser un navigateur préhistorique vous préservera peut-être un temps. Sachez que certaines informations sont interdites de collecte : condamnations, origines raciales, opinions politiques, syndicales ou religieuses. La CNIL a ainsi obligé Claritas à retirer de son enquête une question relative au sexe du conjoint. Pour le reste, vivez cachés.

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Emmanuel Noutary