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Site révisionniste : les FAI acceptent de filtrer… mais feront appel

Dix jours après le jugement qui leur enjoignait de bloquer l’accès à un site révisionniste, dix FAI se soumettent à la volonté de la justice. Mais, par peur d’ouvrir la porte à un flot de plaintes similaires, ils
envisagent de faire appel.

Le tribunal leur avait donné dix jours pour réagir. A la dernière minute, ils ont fait connaître leur décision. Les dix fournisseurs d’accès français (1) assignés par 7 associations antiracistes (2) devant le tribunal de
grande instance de Paris empêcheront leurs abonnés d’accéder à un site révisionniste hébergé aux Etats-Unis.Mais la bataille ne fait que commencer. L’ordonnance du jugement rendu en référé le 13 juin dernier leur enjoignait
‘ de mettre en ?”uvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse [du site incriminé,
NDLR].’ Relativement clémente, l’ordonnance n’était agrémentée d’aucune astreinte financière. Seule réelle contrainte : ‘ justifier auprès des demandeurs dans le délai de dix jours […]
des dispositifs précisément mis en ?”uvre. ‘
Contacté à ce sujet, le Mrap, lun des plaignants, affirmait jeudi 23 juin n’avoir reçu aucune justification des moyens mis en ?”uvre. ‘ Les fournisseurs d’accès vont exécuter la décision de
justice ‘,
répliquait quelques instants plus tard Stéphane Marcovitch, délégué général de l’AFA (Association des fournisseurs d’accès et de services Internet). ‘ Chaque membre concerné va
bloquer l’accès à ce site,
explique-t-il, sans pour autant préciser les délais de mise en ?”uvre. Les techniques utilisées porteront sans aucun doute sur le DNS ou l’adresse IP. ‘

Difficile de bloquer une adresse URL

Un fournisseur d’accès peut en effet facilement empêcher qu’un abonné puisse accéder au site en cause en saisissant son adresse dite
‘ URL ‘ dans son navigateur. Car la vraie adresse du site est basée sur l’adresse IP de l’ordinateur qui l’héberge. C’est le serveur
DNS
(Domain Name System) installé chez le fournisseur d’accès qui fait le lien entre le nom de domaine et l’adresse IP. Bloquer ce lien ou bloquer
l’adresse IP, c’est interdire l’accès au site. ‘ Le problème, explique Stéphane Marcovitch, c’est que nous bloquons ainsi tous les autres sites hébergés sur ce serveur. Nous
dépassons donc l’injonction et risquons de léser d’autres sites. ‘
Pour bien faire, il faudrait bloquer uniquement l’adresse URL. Plus facile à dire qu’à faire.‘ Aujourd’hui, personne ne dispose de la technologie qui permettrait de bloquer en temps réel une adresse URL tout en respectant les contraintes d’un fournisseur d’accès, explique
Patrick Deroudhil, responsable des ventes Europe du Sud du fabricant Allot Communications, pourtant spécialiste de ce genre de matériel. Notre NetEnforcer gère une bande passante de 300 mégabits par seconde… suffisante pour une
grosse entreprise. Mais la technologie qui permettrait de filtrer du gigabit par seconde n’est pas encore née ‘.
Autre solution envisagée : le recours à un
proxy, sorte de mémoire tampon installée chez le fournisseur d’accès et à travers laquelle tout abonné devrait passer. Il est alors possible de bloquer l’URL.
‘ Solution irréaliste, affirme Patrick Deroudhil. Cela constituerait un énorme point de congestion que les fournisseurs ont abandonné depuis des années ‘.

La responsabilité citoyenne des fournisseurs d’accès

Pour autant, les associations plaignantes se déclarent satisfaites de la décision. ‘ Les fournisseurs d’accès sont en train de comprendre qu’ils ont une responsabilité non seulement juridique mais
également citoyenne dans ce genre d’affaire,
déclare Gérard Kerfon, responsable des questions Internet au Mrap. Mêmes fragiles, ces mesures techniques de blocage auront un impact salutaire, surtout quand les tentatives
juridiques à l’encontre de l’éditeur ou de l’hébergeur ont échoué, comme c’est le cas ici. ‘
Pour autant, les fournisseurs d’accès n’entendent pas en rester là. Stéphane Marcovitch annonce que les fournisseurs d’accès iront certainement en appel. ‘ Avec cette décision, la justice
ouvre en effet la boîte de Pandore. Nous risquons de recevoir d’innombrables demandes très délicates à gérer. ‘
Le tribunal de grande instance de Paris n’a donc pas fini d’entendre parler de cette
affaire.Le site en cause a d’ailleurs déjà mis en place un site miroir sur un autre serveur et prodigue sur sa page d’accueil des conseils pour contourner le filtrage. Vendredi 24 juin au matin, l’adresse était néanmoins
inaccessible notamment aux abonnés de Noos et de Wanadoo. En revanche, Free le laissait accessible.(1) Suez Lyonnaise Télécom, Free, Tiscali Accès, France Télécom services, neuf telecom, T-Online France, NC Numéricable, AOL France, le groupement d’intérêt public Renater, Tele 2 France.(2) Union des étudiants juifs de France (UEJF), SOS Racisme, J’accuse !, Action internationale pour la justice, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, Mouvement contre le
racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

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Serge Courrier