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Services informatiques : quatre DSI confrontent leurs modèles d’organisation

A l’occasion d’une table ronde organisée par la rédaction de 01 Informatique, les DSI de quatre grands groupes français expliquent l’intérêt de calquer leur organisation sur celle de leur entreprise.

Le taylorisme est-il mort dans les organisations informatiques ? C’est ce que nous avons voulu savoir en aménageant, avec le concours d’Atos Origin, une table ronde entre quatre directeurs des systèmes d’information provenant de quatre secteurs différents. Daniel Zamparini, de PSA, Jean-Paul Maury, de France Télécom, Jean-Jacques Mouchené, d’Accor, et Nord Zoulim, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ont accepté de se prêter au jeu de la confrontation d’expériences. Et leurs pratiques sont étonnement similaires…Premièrement, tous fonctionnent par projets et s’attachent à consulter fréquemment l’utilisateur en cours de route. Ensuite, la direction informatique “ Etat dans l’Etat ” a vécu, et les relations avec le reste de l’entreprise deviennent quasi fusionnelles : il faut se calquer systématiquement sur les directions métier, quitte à en adopter les usages. Malgré tout, une “ organisation scientifique du travail ” continue de perdurer. Elle permet d’éclaircir les rôles des différents acteurs d’un projet et, bien sûr, satisfait un besoin de plus en plus pressant d’indicateurs.

Les méthodes séquentielles et compartimentées sont dépassées

Au cours de leurs échanges, les quatre DSI se sont tous entendus sur un point : les organisations de projet séquentielles et prédictives ne correspondent plus à leurs besoins actuels. L’impérieuse nécessité de réactivité impose une logique itérative, prenant en compte à intervalles réguliers les requêtes ?” changeantes par nature ?” des utilisateurs.Jean-Jacques Mouchené : Deux contraintes nous ont évité de sombrer dans le taylorisme. La première, c’est qu’il est difficile de préjuger du temps nécessaire à la définition de ce qui va être acceptable à la fois par le client et par les utilisateurs. Cela implique une organisation fondée sur des processus itératifs, permettant aux utilisateurs d’intervenir régulièrement sur le cours du projet. La seconde contrainte concerne l’évolution très rapide des technologies, notamment dans le domaine de l’internet. Tout le monde apprend à peu près en même temps, qu’il s’agisse des éditeurs, de ceux qui testent les solutions, ou de ceux qui les utilisent pour développer…Daniel Zamparini : On se trouve dans une situation paradoxale, en particulier au niveau des sites web. Ils se sont développés de façon totalement anarchique, avec des données entrées ou mises à jour manuellement. D’où la difficulté d’associer les données de l’entreprise et les développements extérieurs. Cela pose tout le problème de l’industrialisation. Chez nous, celle-ci consiste, une fois un développement achevé, à faire en sorte qu’une application puisse être exploitée dans les meilleures conditions, justement pour tirer un bénéfice de la productivité au niveau logiciel. Cette performance doit s’inscrire dans les racines du développement. Et si nous utilisions des méthodes telles que Merise aujourd’hui, je pense que nous ne pourrions situer aucun de nos projets dans l’échelle de temps dans laquelle on nous demande de travailler.Nord Zoulim : Il est vrai que l’on doit toujours se poser la question de l’utilisation optimale, puis celle de la gestion de l’existant. L’un des trois grands ensembles de la “chaîne de valeur” mise en place à la Caisse des dépôts s’attache justement à l’utilisation et à la gestion du patrimoine, des systèmes existants. Les deux autres déterminent l’opportunité et la pertinence de mener un projet, puis l’élaboration et la construction des solutions. C’est ici que l’on retrouve les activités projet proprement dites, où l’accent est mis sur la rapidité de mise en ?”uvre.Jean-Paul Maury : Aujourd’hui, on a effectivement besoin de spécifications incrémentales : on produit des maquettes, on les corrige, on développe, et on recommence. Notre objectif avoué consiste à réaliser de 70 à 75 % de nos projets en moins de dix mois. Ce qui implique des structures projet relativement éphémères.

L’organisation informatique calquée sur l’organisation métier

Aller vite signifie, la plupart du temps, éliminer les étapes intermédiaires inutiles. Ainsi, pour se structurer, les organisations informatiques s’inspirent fortement de l’organisation de leur entreprise.Daniel Zamparini : La vraie valeur ajoutée, c’est arriver à bien marier savoir-faire système d’information et savoir-faire métier. C’est aussi quand les hommes et les femmes des systèmes d’information deviennent des experts en vente, en fabrication ou en conception. Mais, les rôles et les frontières deviennent alors beaucoup plus diffus.Jean-Jacques Mouchené : Pour tous nos projets, nous sommes dans une approche où l’utilisateur est pratiquement à l’initiative. Les réceptionnaires interviennent très tôt et accompagnent les développements, les recettes, les validations des spécifications. Le travail de l’informatique consiste alors, à mettre en cohérence à la fois ses compétences technologiques et ses propres connaissances métier.Jean-Paul Maury : Pour répondre à ce problème, notre organisation informatique comprend trois unités, qui s’occupent, respectivement, de la partie commerciale, des applications de facturation et du réseau. A l’intérieur de ces unités, l’organisation est matricielle, avec, notamment, un fonctionnement par projets. Ce dernier procure une grande réactivité, mais n’est pas sans répercussions. Ainsi, nous sommes financés par les maîtrises d’ouvrage nous financent pour la partie projet, et par les utilisateurs pour les parties récurrentes, telles l’exploitation ou la mise à disposition des ressources.Nord Zoulim : Dans le même esprit, la règle adoptée chez nous, au fur et à mesure de l’évolution du groupe CDC, a été de placer un pôle informatique en face de chacun des chaques pôles métier, et avec le même niveau d’autonomie. L’organisation informatique s’est répartie en cinq pôles : assurance, banque d’investissement, missions d’intérêt général, ingénierie/services d’infrastructure et loisirs. Cette organisation possède un pilotage d’ensemble et un langage commun, décrit dans un livre blanc qui retrace les pratiques généralement connues du métier.

La qualité impose malgré tout une organisation mesurable

Pour faire rimer rapidité et qualité, les quatre grands groupes doivent mettre en place des systèmes de mesure et définir des rôles précis pour chaque intervenant. Une concession nécessaire au vieux modèle d’organisation ” scientifique ” du travail.Nord Zoulim : Dans notre livre blanc, nous avons détaillé de façon très précise le rôle que chaque acteur ?” chef de projet, maître d’ouvrage, etc. ?” doit jouer dans notre chaîne de valeur.Jean-Paul Maury : Le domaine de la production informatique a toujours été un peu tayloriste, car il y a le quotidien, le récurrent. Il faut mesurer des unités et s’assurer que le personnel est efficace. Chacune de nos unités de processus est, par exemple, sous assurance qualité. Et cette qualité jalonne le déroulement des différents projets. Un séquençage du travail intervient alors. Dans le développement, la décision de démarrer le projet est prise avec les maîtrises d’ouvrage. Dans la confection d’un prototype, ce sont les utilisateurs qui évaluent le fonctionnement de l’application. Cette mesure de la qualité concerne aussi l’exploitation : l’intéressement de nos agents dépend de leur performance.Daniel Zamparini : En termes d’organisation scientifique, l’industrialisation est très importante. C’est une phase où, une fois le développement fini, on automatise l’exploitation en l’intégrant dans des procédures bien définies. Pour mesurer ensuite la performance, nous disposons de trois outils : la qualité de service au quotidien, les enquêtes de satisfaction, et le niveau de sécurité-disponibilité-intégrité de chaque application.Jean-Jacques Mouchené : Les indicateurs sont la partie chiffrée de la règle du jeu entre prestataire ?” interne ou externe ?” et client. Il nous permettent de suivre le niveau de qualité de la production au quotidien et peuvent mener à un système de bonus/malus intégré dans des conventions de niveau de service. Malheureusement, ces indicateurs sont complexes à mettre en place dans des domaines tels que les réseaux internationaux de télécoms ou le développement logiciel.

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Philippe Billard et Olivier Discazeaux