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S. Crocker (président de l’Icann) : «Notre projet de réforme sera présenté mi-2015»

Lors de son passage à Paris, Steve Crocker, président de conseil d ‘administration de l’Icann, a accepté de répondre à quelques questions d’actualité parmi lesquelles la polémique du «.vin/.wine» et sur la réforme de l’Icann.

L’impact du NetMundial sur la gouvernance d’Internet restera dans les annales. Depuis les révélations d’Edward Snowden, les États-Unis mènent une réforme sans précédent pour réformer l’Icann, l’organisme qui gère les noms de domaines. Le but est de redonner confiance aux internautes.

Steve Crocker, président de conseil d’administration de l’Icann, évoque cette transition qui se déroule dans un contexte tendu. Il rappelle également que l’expansion d’Internet, qui entre 1998 et 2014 est passé de 150 millions à 3 milliards d’utilisateurs, rend désormais complexe la gestion du réseau. Il appelle donc toutes les parties prenantes à faire des propositions pour « conserver un Internet libre et ouvert qui puisse aussi soutenir la croissance ».

01Net – Entre l’Icann et la France, ce n’est pas l’amour fou. Que pensez-vous de cette situation ?

Steve Crocker – L’Icann est un forum pour la facilitation et la coordination où tous les acteurs impliqués dans le système de nom de domaine conviennent ensemble des procédures et des politiques mondiales. Nous sommes ouvert à tous, c’est à dire aussi bien aux entreprises qu’à la communauté technique et, bien sûr, aux gouvernements, à la société civile et aux utilisateurs finaux. C’est un lieu de dialogue sur les nouveaux défis de l’Internet. C’est un modèle de gouvernance qui est utilisé par tous, notamment par le gouvernement français.

Actuellement, l’intérêt de la France est de protéger l’industrie du vin sur un plan national et européen. Elle a fait entendre sa voix et a réussi à engager un processus de conciliation avec les parties concernées pour tenter de trouver une façon élégante de faire avancer le dossier, tout en donnant satisfaction aux différents acteurs concernés par le sujet. Nous sommes très confiants.

Ce dossier du « .Vin » a enflammé nos relations. Pensez-vous qu’il y ait eu des dysfonctionnements, comme Axelle Lemaire ou l’Afnic l’ont évoqué ?

Steve Crocker – Le sujet de la gouvernance d’Internet est très récent. Il est apparu bien après la naissance de l’Internet lui-même. Sur de nombreux domaines nous ne disposons pas toujours des bons mécanismes de coordination mondiale. C’est ce qui explique les efforts de l’Initiative NETmundial, qui va de l’avant. Ce groupe a besoin de soutien et invite l’ensemble de la communauté Internet à participer à son initiative sur une plateforme accessible au public.

Mais il faut aussi rappeler que nous sommes l’un des rares mécanismes de gouvernance de l’Internet avec 16 ans d’expérience. Nous avons été créés pour gérer le système de nom de domaine qui n’est qu’une petite partie de l’Internet.

Aujourd’hui, l’écosystème a augmenté. De 150 millions d’utilisateurs en 1998, lors de la création de l’ICANN, nous sommes aujourd’hui 3 milliards d’utilisateurs. C’est donc le bon moment pour faire évoluer nos mécanismes de gouvernance pour mieux refléter la nature plus globale, diversifiée et de plus en plus importante de l’Internet. C’est ce que nous faisons. Il y a certainement moyen d’améliorer le système. Nous nous félicitons des bonnes idées que nous recevons dans le cadre de ce processus d’amélioration, notamment grâce à une forte participation des acteurs français et européens et des experts.

Mme Lemaire indique que l’affaire n’est pas bouclée. Selon un courrier de Fadi Chéhadé, l’Icann discute avec Donuts* pour qu’il négocie avec les professionnels de la viticulture. Est-il vraiment possible de revenir sur ce point ?

Steve Crocker – Les choses avancent. L’ICANN a entamé des discussions dans le cadre d’un processus de conciliation pour les différentes parties impliquées dans le sujet « .wine / .vin » à savoir les producteurs de vins / participants de l’industrie et de la Commission européenne (CE) pour trouver une solution amicale et pratique pour satisfaire tout le monde.

Ces discussions se déroulent dans le cadre du « Cooperative Engagement Process » (CEP). Son but est de résoudre les questions conflictuelles comme celui-là. C’est l’un des mécanismes prévus dans les statuts de l’ICANN. Dans ce dossier, l’ICANN facilite les discussions pour arriver à une solution satisfaisante, et sur laquelle elle sera chargée de la surveillance.

La réforme de l’Icann est prévue pour 2015. Comment voyez vous cette nouvelle organisation ?

Steve Crocker – Franchement, c’est trop tôt pour le dire. Nous avons mis en place un processus global, qui actuellement collecte les commentaires. Nous ferons des propositions dans la première moitié de l’année prochaine.

L’effort principal est la transition du rôle historique exercé par le gouvernement américain sur la coordination du nommage Internet et du système d’adressage IANA, qui sont administrées par l’ICANN.

Le gouvernement américain a annoncé son intention d’effectuer une transition vers la communauté internationale. La communauté technique et les gouvernements auront des responsabilités égales pour la supervision de ces fonctions clés.

C’est une période particulièrement excitante. Nous avons besoin de bonnes idées et des suggestions constructives, et tout le monde peut y participer.

Concernant la transition de la gestion des fonctions IANA, nous travaillons d’arrache-pied et en collaboration. Il faut rappeler que notre organisation a été conçue pour soutenir un réseau qui ne représentait qu’une fraction de ce qu’il est devenu.

Ça va prendre un certain temps. De longue date, la communauté de l’Internet français a été l’un des piliers de l’ICANN. Elle nous a aidés à construire cet écosystème, et d’assurer la croissance de notre communauté avec le même esprit d’empathie et dans le même but.

Cette transition doit avoir lieu en septembre 2015. Comment sera organisée la gestion de cette fonction ?

Steve Crocker – Nous avons mis en place en septembre dernier un groupe de coordination de la transition du rôle de supervision des fonctions IANA (ICG). Cette équipe a pris un bon départ depuis sa création. Des discussions avec le public sont en cours pour élaborer des propositions à soumettre à l’ICG le 15 janvier 2015.

Une fois les propositions reçues, l’ICG coordonnera la rédaction d’une proposition finale avant de la soumettre au Conseil de l’ICANN et à la NTIA (Agence nationale des télécommunications et de l’information des États-Unis) dès la mi-juin 2015.

En parallèle, l’ICANN a lancé un débat public sur la manière de renforcer la gouvernance. Un groupe de travail a été mis en place pour débattre de manière ouverte et transparente.

Ces débats se tiennent en parallèle, car ils sont intimement liés. Notre objectif final reste de conserver un Internet libre et ouvert qui puisse en plus soutenir la croissance.

Lire aussi :
Icann : Axelle Lemaire pourrait remporter la bataille du .vin (07/11/2014)
Mathieu Weill (Afnic) : «Nous restons préoccupés par les dysfonctionnements de l’Icann» (31/10/2014)
Louis Pouzin : « L’Europe doit construire une alternative à l’Icann » (03/07/2014)

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Propos recueillis par Pascal Samama