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Présidentielles : les sites des candidats dans l’illégalité ?

Quoi de plus naturel pour les sites des candidats à la présidence que de se constituer des fichiers d’internautes. Problème : peu de sites de campagne respectent la loi sur la protection des données privées. La Cnil n’a pas (encore) pris position.

Avec les prochaines élections présidentielles, la prolifération des sites de campagne marque la naissance du marketing électoral sur Internet. Ainsi de nombreux sites proposent-ils aux internautes de laisser leurs coordonnées et de s’inscrire aux newsletters des candidats aux présidentielles.Pour ces derniers, c’est une excellente opportunité de se constituer une base de données de militants potentiels. Par exemple, le site d’Alain Madelin revendique 6 000 adresses e-mails recueillies, celui de l’Union en mouvement ” entre 4 et 5 000 “, et celui de Jean-Pierre Chevènement 10 000.La difficulté est que certains d’entre eux ont une notion encore vague du respect de la vie privée et plus particulièrement des règles édictées par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). La plupart ne mettent pas en ligne les méthodes de désinscription aux newsletters.Plus grave, exceptés les sites Chevenement2002.net et 2002pourlafrance.net (le site de Jacques Chirac), aucun ne propose à l’internaute le droit d’accès, de modification et de rectification de ses données personnelles, pourtant prévu par l’article 34 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978.

Oublis ou dérapages contrôlés ?

Des ” erreurs ” et manquements involontaires ? Peut-être pas. Bertrand Nouel, du cabinet Gide Loyrette Nouel, avance catégoriquement que ” les partis savent parfaitement ce qu’ils font. Ils ont pris des avis juridiques. Ils feront attention à ne pas franchir la ligne rouge. ” Dans les faits, ils encourent ” tout au plus des amendes “.Tout le problème est là : pour cette première e-campagne électorale, il n’existe pas de jurisprudence, et le droit électoral est inadapté, excepté sur quelques points. Pour les e-mails que les internautes envoient aux candidats, la confidentialité est garantie par la loi du 10 juillet 1991, d’après laquelle ils ” représentent une correspondance émise par voie de télécommunications “, et donc ” constituent une correspondance privée “.Quant au devenir du contenu collecté sur les forums et les chats, il relève de la loi de janvier 1978, qui implique que tout détenteur d’un fichier de renseignements nominatifs doit le déclarer à la Cnil. Mais pour l’heure, d’après celle-ci, seul le site de Jean-Pierre Chevènement s’y serait astreint.La Cnil opère toutefois un distinguo entre le simple internaute qui visite le site par curiosité, et le sympathisant ” lié au parti par une communauté d’idées, qui assume donc le fait de laisser son adresse e-mail sur un forum de discussion “, explique Bertrand Nouel.Et Sophie Tavernier, responsable des affaires sociales de la Cnil, d’ajouter :” dans le premier cas, les informations collectées ne sont à utiliser que pour l’envoi de documents, et les internautes doivent pouvoir se désinscrire, ou alors la collecte de données est considérée comme un détournement d’informations de leur finalité, et tombe sous l’article 226-18 du Code pénal ” (qui peut entraîner jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 305 000 euros).

La Cnil reste muette

C’est après les élections que les choses bougeront : ” la Commission nationale de contrôle pourra statuer, à partir d’éventuelles plaintes “, notent les services du Conseil constitutionnel. Mais, de toute manière, ” la pénalité ne sera que financière dans le cas des présidentielles “, souligne Emmanuel Guillaume, du cabinet Beker McKenzie. En clair, les candidats incriminés ne risqueront pas de voir leur élection invalidée.En matière juridique, une éventuelle jurisprudence pourrait ” être transformée en amendement, intégré dans la prochaine loi fourre-tout “, ironise Vanina Paoli-Gagin, avocate indépendante.Pour l’heure, au Conseil constitutionnel, on regrette que la Cnil ne soit ” pas armée et qu’elle n’intervienne que sur plainte ou demande d’avis “. Avant de préciser qu’elle émet parfois des recommandations avec diligence.Et Emmanuel Guillaume d’enfoncer le clou : ” Les règles sont floues pour l’utilisation du support Internet comme moyen de communication en période électorale, et laissent une certaine marge. On n’est pas encore assez près de l’échéance électorale pour que la Cnil émette une recommandation qui aurait le retentissement suffisant. “La Cnil elle-même n’exclurait pas de s’intéresser de plus près à la question d’ici aux présidentielles. A suivre…

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Capucine Cousin