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Présidentielle : Internet a encore contourné la loi, avec humour

Que ce soit sur des sites Web francophones ou sur Facebook et surtout sur Twitter, le premier tour de l’élection présidentielle a été très suivi et commenté. Et les résultats communiqués bien avant l’heure légale.

Dimanche 22 avril, comme pour chaque soirée électorale, les téléspectateurs français ont pu assister au grand jeu du suspense insoutenable avant communication des premières estimations. Ainsi, sur toutes les chaînes de télévision française, l’heure était aux directs pour dire qu’on ne pouvait rien dire avant 20 heures. Et pour cause, la loi du 19 juillet 1977, révisée en 2002, l’interdit et punit de 75 000 euros d’amende toute personne ou tout média qui communiquerait des résultats avant la fermeture des bureaux de vote.

Pour autant, ce silence est biaisé et, d’une certaine manière, assez hypocrite, comme le rappelait le 18 avril dernier le quotidien Libération en faisant sa Une sur la pertinence de l’embargo sur les estimations de résultats. A l’heure d’Internet, et même à l’heure où les médias frontaliers francophones peuvent être consultés ou reçus en France, difficile de croire que le silence sera respecté. Comme à chaque élection, il était évident qu’il y aurait des fuites, plus ou moins officielles, avant 20 heures.

Les fuites habituelles

Ainsi, les journaux et télévisions suisses et belges ont tiré très rapidement en diffusant à l’antenne et sur leur site Web, les résultats des votes d’outre-Mer dans le courant de la journée de dimanche. La RTBF et le quotidien Le Soir ont commencé à publier des estimations avant 20 heures, donnant François Hollande largement en tête.

Plus surprenant, l’AFP envoyait à ses clients à 18 h 52 les estimations de plusieurs instituts de sondages. L’Agence France Presse justifiant que « Plusieurs médias étrangers ayant diffusé des estimations basées sur les premiers dépouillements des bureaux de vote, qui ont été fermés à 18 heures, l’AFP met à la disposition de ses clients les informations sur les estimations qui sont en sa possession. » Une communication réduite donc et, d’une certaine manière, un respect de la loi puisque l’AFP indiquait qu’elle ne diffuserait « aucune information sur les estimations auprès du grand public via les services Internet avant 20 heures ».


Une de Libération, le 18 avril dernier.

Une certaine prudence, justifiée

Pour autant, à part quelques publications de résultats prématurées de quelques minutes, les sites des médias français ont plutôt joué le jeu, même Libération qui s’était réservé le droit de communiquer dès 18 h 30. L’explication tient autant à la volonté de fournir des informations un tant soit peu précises qu’à la peur de la sanction financière dans un contexte économique dur pour les journaux.

« Le risque encouru est au minimum de 375 000 euros pour une entreprise de presse, sans parler d’autres conséquences économiques, réelles et sérieuses, qui fragiliseraient Libération », expliquait Nicolas Demorand, le directeur du quotidien, dans son éditorial. Et au regard de la réaction judiciaire, cette prudence a apparemment été pertinente. En effet, le parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une enquête concernant l’AFP et des médias suisses et belges, ainsi qu’un site néo-zélandais.

Contournement : #radiolondres

Mais finalement, l’inventivité et l’information se trouvaient surtout du côté du Web (hors médias) et des réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête. Apparu depuis quelques jours, un hashtag a très vite explosé pour devenir l’un des plus populaires sur le site de microblogging : #radiolondres. Une référence aux émissions qui de 1940 à 1944 permettaient aux Français résistants de Londres de communiquer avec la France occupée.

Sous ce mot-clé, et avec un humour certain, les utilisateurs de Twitter ont donc publié les estimations avant l’heure H. Certains clamaient ainsi que le flan était dans le four, que la tomate était étonnamment verte, que la température à Amsterdam était supérieure à celle de Budapest, etc. Ou comment contourner la loi avec une bonne dose de cabotinage.


Voici une rapide sélection de nos préférés. Les très canoniques :


Les franchement rigolards :


Les crypto-informatifs :




Et les geeks :


Mais évidemment, #radiolondres n’a pu être abreuvé que de sources d’informations fiables, comme les médias étrangers. La boucle est donc bouclée. Reste que, pour le second tour, une fois encore, l’info en temps réel sera certainement plus à trouver en ligne et sur Twitter que devant l’écran d’un téléviseur. Sauf si la Justice et la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle, qui n’était pas joignable pour commentaire à l’heure où est écrit cet article, trouvent un moyen de décourager ce genre d’exercice.

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Pierre Fontaine