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Politique et numérique, des amours contrariés

A la veille des élections, le rôle de l’Etat dans l’économie numérique était au cœur des débats de l’IT for Business Forum. Dépassée par les enjeux, la classe politique française dans son ensemble s’est vue vertement critiquée.

A une semaine d’une élection majeure, l’It for Business Forum ne pouvait faire l’impasse sur le rôle du politique dans l’économie du numérique. Très directs dans leurs échanges, les intervenants n’ont pas hésité à égratigner la classe politique. A quelques jours de céder la présidence du Conseil national du numérique (CNNum), Gilles Babinet a dressé un bilan d’un an d’activité. A ses yeux, le CNNum a obtenu quelques victoires comme l’annulation de la taxe Google ou le rétablissement du statut de Jeune Entreprise innovante. Au rayon des regrets, il a déploré que le rapport sur l’e-éducation ait été peu entendu, et que l’avis sur la politique du gouvernement en matière de financement n’ait pas donné lieu à des réformes.Pourtant, le CNNum a été souvent reçu par le président de la République. “ Il nous a écoutés, même si, par la suite, la mise en application des mesures se révèle plus difficile. ” De même, Eric Besson, le ministre de tutelle, a joué le jeu. “ Il restait fair-play, même quand nous nous opposions au gouvernement. ” En revanche, les relations avec certains ont été plus compliquées. “ Nous avons rencontré de nombreux ministres. Quelques-uns ne comprennent rien au numérique. C’est dommage. Il faut de l’appétence pour porter une vision alternative et faire le choix de l’innovation afin de rompre avec la linéarité de nos politiques. Pourtant, le numérique peut transformer la société sur tous les thèmes régaliens de l’Etat. ”

Des parlementaires français trop frileux

Gilles Babinet a fustigé la conception pompidolienne des grandes réalisations de type Airbus, à mille lieux de l’approche et de l’état d’esprit des jeunes pousses. L’entrepreneur n’a pas été plus tendre avec les parlementaires. “ La France a la classe politique la plus vieille d’Europe, avec un âge moyen de 58 ans chez les parlementaires. Quand un sénateur m’a dit : “ Je laisse le numérique à mes petits-enfants ”, je suis tombé de ma chaise ! ” Le président de Syntec numérique, Guy Mamou-Mani, s’est montré plus confiant. Le Collectif du numérique, qui réunit désormais 21 associations et syndicats professionnels (dont le sien), a reçu quelques réponses des candidats à la présidence(*). Au-delà de cette initiative commune, il a expliqué son idée pour forcer la main aux politiques : “ Il faut que le grand public s’approprie ces sujets, puisque les candidats n’écoutent que leurs électeurs et les médias. ”Quant à Leo Apotheker, ex-PDG de SAP et de HP, il s’est étonné qu’il faille débattre en France de la place du numérique dans l’économie nationale, alors qu’il s’agit d’un des rares secteurs en croissance et créateur d’emplois. “ Passons outre les politiques. Les gouvernements doivent seulement créer un environnement favorable, avec une fiscalité incitative et stable. ” Même credo pour Patrick Bertrand, directeur général de Cegid et nouveau président du CNNum : “ Nous ne demandons pas plus de l’Etat, mais que les mesures prises soient sanctuarisées afin que le cadre ne change pas tout le temps. ”Face à l’appréhension qu’auraient les politiques à évoquer le numérique, perçu par les électeurs comme destructeur d’emplois, les intervenants rappellent la théorie de Schumpeter : toute nouvelle technologie commence par détruire des emplois, puis elle en crée plus qu’elle n’en supprime. “ Chaque machine à coudre prenait le travail de 65 couturières, mais cette invention a donné naissance à l’industrie textile ”, rappelle Guy Mamou-Mani. Pour lui, il en ira de même du cloud.Dernier sujet qui fâche : le grand emprunt, dont l’enveloppe initiale (de 4,5 milliards d’euros) a perdu quelque 500 millions en cours de route. Gilles Babinet a fustigé la complexité des critères d’attribution des fonds, ce qui aurait conduit un membre d’une commission à démissionner lors d’un appel à projets. “ L’Etat ne sait pas investir dans l’innovation. Ce n’est pas dans sa nature. Il aurait dû faire appel à des fonds spécialisés. ” Et Leo Apotheker de surenchérir : “ L’Etat est un mauvais investisseur. Il ne peut comprendre les busines innovants. ” Cela vaut également pour le cloud à la française, dont Orange et Thales semblaient être sortis victorieux : “ Il vaudrait mieux envisager d’emblée un cloud européen. ” De même, selon lui, il serait préférable de construire une “ Silicon Valley européenne ” et non s’éparpiller à Cambridge, Saclay ou Postdam.(*) Au moment du bouclage de cet article, le Collectif du numérique avait reçu cinq réponses : http://goo.gl/aUdYj

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Xavier Biseul