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Pierre, Paul, Julie et les autres

Ils sont jeunes, beaux et frais. Ils posent dans les publicités des fournisseurs informatiques. Mais sont-ils réels ?

Difficile d’ouvrir un magazine informatique sans tomber sur eux, de se promener sur Internet sans les rencontrer. Leurs sourires éclatants, leur santé insolente, leurs chemises impeccables.Pierre, 29 ans, passionné. Ou François, 31 ans, chef de projets complexes. Ou Cécile, 28 ans, adore bâtir, créer, inventer.Eux, ce sont les ingénieurs modèles qui ornent les publicités et les annonces d’emploi des sociétés informatiques. Ils ont entre 25 et 35 ans, ils n’ont pas de problèmes de peau, ni d’ailleurs aucun problème en général. Ils écoutent, imaginent, construisent. Ils aiment aller vite et au fond des choses. Pour eux, rien n’est impossible.Avec un peu de technologie, un zeste de créativité et une bonne mesure de savoir-faire, ils trouvent une solution à tous les problèmes. Et surtout, surtout, ils sont passionnés. Ah ! la passion… voilà ce qui les caractérise !Ils ont toujours rêvé d’être informaticiens et ils le sont, ils aiment leur métier et travailler est pour eux un plaisir. Pour un peu, il faudrait les obliger à rentrer chez eux. Ce dont ils ont besoin. Il est en effet important qu’ils s’épanouissent, qu’ils vivent, qu’ils laissent libre cours à leur personnalité. Car, bien sûr, ils sont tous uniques et tellement différents les uns des autres, ces robots imaginés par les DRH et créés par les agences de pub.Si l’on est tenté d’ironiser, c’est que tout cela ne tient pas debout. On nous vante la personnalité forte et originale de ces ingénieurs. Pourtant, d’une annonce à l’autre, ce sont tous les mêmes. On nous parle de créativité. Or, quelle que soit l’entreprise, le message est identique.

Plusieurs hypothèses s’imposent

Soit ces profils de jeunes cadres dynamiques sont une réalité et une majorité dans les entreprises informatiques, mais pour vivre heureux, ils vivent bien cachés.Soit ce n’est pas le cas, mais les DRH et les agences pensent de bonne foi que c’est la réalité, et alors une petite visite auprès des équipes s’impose.Soit enfin tout le monde ment sciemment, et c’est peut-être un mauvais calcul.Sans faire de mauvais esprit, mais pour avoir rencontré un certain nombre d’informaticiens ou assimilés, on pencherait plutôt pour la dernière solution. Certes les passionnés existent, mais se reconnaissent-ils dans ces top models de la culture corporate ? Certes, tout le monde souhaite s’épanouir dans sa vie comme dans son travail, mais combien considèrent comme un aboutissement de devenir une de ces créatures calibrées ?Car le développement personnel, oui, toutes les entreprises le chérissent, mais uniquement dans les bornes bien étroites de ce qui est convenable.Horaires, productivité, rapport à la hiérarchie, tenues vestimentaires : l’épanouissement ne doit pas non plus aller trop loin. Dès lors, cette communication trop uniforme apparaît plus repoussante qu’attirante, cette vision trop policée de l’informaticien idéal, plus aliénante qu’épanouissante.Cependant, autant cette dérive publicitaire, qui présente l’informaticien comme un worldwide top consultant
manager est critiquable, autant il faut bien se garder de tomber dans l’excès inverse : on nen a que trop vu le résultat dans les start-up.

* Rédacteur à 01 InformatiqueProchaine chronique jeudi 4 avril.

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Jean-Baptiste Dupin*