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Patrick Robin : ‘ Je suis revenu à mon premier métier, éditeur ‘

Patrick Robin est un entrepreneur né. A 21 ans, il crée sa première ‘ boîte ‘ avec les indemnités de licenciement de son premier et dernier…

Patrick Robin est un entrepreneur né. A 21 ans, il crée sa première ‘ boîte ‘ avec les indemnités de licenciement de son premier et dernier emploi salarié.


Publicitaire (vente d’espace sur les camions, création de Régie On Line), éditeur (un gratuit sur la photo en 1977, des livres d’art avec Love Me Tender, reprise de Photo-Revue qu’il remonte et
revend, des magazines comme Internet Reporter), agent (L’agence des stars, grâce à laquelle Thierry Lhermitte a vanté les mérites de la carte American Express ou Valérie Kapriski ceux de Rodier), Minitel rose, jeux sur
Minitel…


Et puis un jour de 1994, Patrick Robin croise Internet. Il crée en 1995 Imaginet ?” FAI, hébergeur, agence ?” revendu en 1998 pour 120 millions de francs (18,3 millions d’euros) à Colt Telecom.


Il réinvestit une partie de ses gains dans d’autres start-up. Puis, aussitôt libéré de ses obligations envers Colt, il remonte une agence de création web pour PME en 2001 : La Formule Web, un flop. Dix ans après avoir
lancé Imaginet, Patrick Robin est revenu à son premier métier, celui d’éditeur.


Trois livres sont déjà parus, et le prochain à paraître s’intitule : Les plus belles histoires d’amour de l’Internet, un livre qui raconte dix histoires vraies de couples qui se
sont formés après une rencontre sur Internet.01net. : Comment en êtes-vous venu à créer Imaginet ?


Patrick Robin : Tout commence un jour de janvier 1994, quand un copain me propose de l’accompagner à un salon dédié au multimédia, c’était le premier Milia. Le CD-Rom a été alors une vraie claque pour moi. Ma
boite de l’époque, Suite1024, qui était devenue l’un des premiers centres serveurs pour Minitel, fournissait en jeux d’esprit (mots-croisés, échecs, etc.) les serveurs de Libération, Skyrock,
Télépoche, etc.


Donc, après le Milia, je réunis toute mon équipe, et je leur annonce que l’on va lancer dans trois mois le premier magazine consacré au CD-Rom. En avril 1994 sort le n?’1 de CD-Media, consacré aux
contenus des CD-Rom, avec des critiques, un peu le Télérama du multimédia. Arrivé au n?’3, l’un des journalistes me propose un dossier sur Internet.


J’en avais vaguement entendu parler mais pas plus. Le journaliste parvient à bidouiller une connexion et là, c’est l’uppercut. Je réunis à nouveau mon équipe pour leur annoncer que, dans trois mois, nous
allons lancer le premier magazine consacré à Internet : Internet Reporter. Après quelques numéros, je m’aperçois que ça ne marche pas du tout : 12 000 exemplaires et très peu de pub.


Je me suis dit que si je voulais vendre plus de magazines, il fallait qu’il y ait davantage d’internautes. A l’époque, une heure de connexion coûtait 40 francs, à peine moins cher que le Minitel. Je réunis
encore une fois mon équipe, et je leur annonce que l’on va devenir fournisseur d’accès à Internet, avec pour objectif de démocratiser l’accès ; Imaginet est créé et propose le premier forfait Internet, 150 francs par
mois pour 50 heures.Imaginet a été un succès foudroyant, comment s’est passé la vente à Colt en 1998 ?


En 1998, trois ans après la création, nous avions atteint 45 millions de francs de CA et un résultat d’exploitation de 6 millions. L’année d’avant, deux autres pionniers français s’étaient fait
racheter par des anglo-saxons, Calvacom par PSI et InternetWay par Worldnet.


Imaginet a été approché par France Télécom, PSI et Colt Telecom. Les propositions ont monté rapidement : 60, 70, 80 millions de francs. France Télécom n’était pas prêt à aller plus loin. Restait PSI et Colt, j’ai
fait grimper les enchères. Tout s’est joué en une nuit.


Colt proposait 100 MF. Vers 3 heures du matin, PSI, désireux d’en finir, faisait une offre à 130 millions et me libérait au bout de six mois. Mais nous n’avions pas confiance en eux, ils ne pensaient
qu’aux chiffres, pas aux hommes. Finalement, Colt est revenu vers nous en nous disant ne pas pouvoir aller au-delà de 120 millions de francs et que je restais vice-président pendant deux ans. J’ai consulté mon associé
cinq minutes et on a tranché en faveur de Colt, qui nous paraissait avoir la meilleure stratégie industrielle.Qu’avez-vous fait ensuite ?


Après la vente d’Imaginet, je suis resté vice-président sans plus aucune attribution opérationnelle. Je me suis ennuyé ferme, et je n’avais pas le droit monter une entreprise. Donc j’ai investi beaucoup d’argent
dans les projets des autres. J’en ai perdu beaucoup, mais c’était amusant et intéressant.


D’une certaine façon, je vivais par procuration l’aventure de ces start-up. Sur les 25 participations que j’ai eu, 10 ont mis la clef sous la porte, 10 m’ont permis de retrouver mes sous, voire de faire
un léger bénéfice, et les 5 que je conserve gagnent aujourd’hui toutes de l’argent (dont leguide.com) et je garde espoir de retrouver un jour ma mise.Qu’est-ce qui a le plus changé depuis vos débuts sur le Web ?


Il y a un mois environ, alors que j’étais en train de remonter péniblement la rue des Martyrs, je croise deux jeunes adolescentes dont l’une dit à l’autre que son accès ADSL ne fonctionne pas correctement. Et cette
simple bribe de conversation m’a frappé, je me suis arrêté : aujourd’hui, on ne peut plus entrer quelque part sans que l’on parle d’Internet comme faisant partie de la vie quotidienne.


Inimaginable, il y a dix ans ! J’ai ressenti un mélange de nostalgie et de fierté. Je crois qu’Internet n’a vraiment démarré qu’avec l’arrivée de l’ADSL. Ça a correspondu à la reprise du commerce
électronique, au redémarrage de la pub sur Internet. L’ADSL a profondément changé le rapport de l’individu à l’outil.La Formule Web que vous avez montée en 2001 a été un échec, que faites-vous maintenant ?


L’échec de la formule Web est dû à une erreur d’appréciation. Je pensais que les petites PME étaient mûres pour se satisfaire d’une offre en ligne toute simple et très accessible. Mais la question du contenu
 ?” Qu’est-ce que je mets sur mon site ? Quelles photos ? – reste un frein. Nous aurions dû proposer une offre plus chère mais avec du conseil…


Bref, il était trop tôt, et quand je regarde ce que proposent les hébergeurs de blogs aujourd’hui, je me dis quand même que ça y ressemble beaucoup. J’ai toujours pensé que le Web allait marcher, parce que c’est le
seul endroit ou le seul moment où l’on peut parler de soi sans être interrompu.


Aujourd’hui, je suis revenu à mon premier métier, éditeur. Ma maison d’édition [Les Editions Patrick Robin, NDLR] se situe dans la niche de l’investigation et de la biographie. Et pour bien
faire dans ce domaine, il faut être capable de reporter de six mois la sortie d’un livre si l’auteur n’a pas fini son enquête. Pour cela j’ai réduit mes coûts fixes à zéro, grâce à Internet, entre autres, et je gère
chaque livre comme si c’était une petite PME, avec son propre compte d’exploitation.

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Propos recueillis par David Prudhomme