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Palm voit son avenir menacé

Licenciements en masse, retards dans les livraisons, départ de son dirigeant. Depuis six mois, Palm accumule les tracas. Après des débuts difficiles il y a presque…

Licenciements en masse, retards dans les livraisons, départ de son dirigeant. Depuis six mois, Palm accumule les tracas. Après des débuts difficiles il y a presque dix ans, puis la consécration, la firme voit aujourd’hui son avenir menacé. Concurrencé par Compaq sur le matériel, mis à mal par Microsoft sur le système d’exploitation notamment, le premier vendeur d’assistants personnels voit sa part de marché fondre comme neige au soleil. Comment en est-il arrivé là ?L’aventure commence aux Etats-Unis en 1992. Palm Computing est alors créé pour concevoir uniquement la partie logicielle des ordinateurs de petite taille. A l’époque, les difficultés techniques dues à la miniaturisation mettent rapidement les fabricants d’appareils en difficulté, et les assistants personnels sont un échec commercial. Qu’à cela ne tienne. Les fondateurs de Palm, à la tête d’une panoplie de petits programmes soudain devenus inutilisables, se lancent eux-mêmes dans la conception de matériel. Le pari se révèle gagnant : le premier Palm Pilot, lancé en 1996, vaut à la firme son premier succès commercial. Et, en l’espace d’un an et demi, un million d’exemplaires sont écoulés dans le monde.

Principal objectif, redevenir profitable

Après ce déclic, les ventes ne font que progresser, et Palm domine largement le marché. Plusieurs réorganisations rythment néanmoins l’évolution de la marque, désormais célèbre. Après une succession d’absorptions ?” en 1996 par US-Robotics, lui-même avalé par le géant américain des réseaux 3Com en 1997 ?”, la filiale Palm obtient finalement de redevenir une société quasi indépendante. Même si les fondateurs ne résistent pas à ces bouleversements ?” et partent monter Handspring, un concurrent direct ?”, rien ne vient troubler les ventes : au cours de l’année 2000, plus d’un assistant personnel acheté sur deux était encore un Palm, selon le cabinet Gartner Dataquest. Mais les résultats du deuxième trimestre 2001 marquent le début d’une autre histoire, moins glorieuse. Premier faux pas en mars 2001 : Palm annonce la sortie de la série M500, plus puissante et plus fonctionnelle. Mais, à cause d’un problème de conception, les usines peinent à assembler la “merveille”, qui tarde à arriver chez les distributeurs. Comme les clients suspendent l’acquisition d’un nouvel assistant personnel dans l’attente du nouveau modèle, les ventes ralentissent. Le couperet tombe à la fin du deuxième trimestre 2001. Selon le cabinet anglais Canalys, Palm a perdu plus de 16 % de parts de marché en Europe. Pire, Compaq, son principal concurrent livre, sur la même période, presque autant d’appareils que lui. Pour la première fois, le chiffre d’affaires de Palm est inférieur à celui de son jeune concurrent. Ce dérapage sera fatal. Palm est désormais déficitaire. En juin 2001, à l’annonce de ces résultats, Carl Yankowski, alors PDG, prévient : “Notre principal but est maintenant de redevenir profitable.” Les employés font les frais de ces mauvais calculs et trois cents personnes sont licenciées. Puis c’est au tour de Carl Yankowski d’être remercié.Mais, en plus de ces problèmes internes, la montée en puissance de la concurrence n’arrange pas les affaires de la société. “Il faut rappeler qu’au cours des cinq dernières années, fort de sa domination, Palm s’est plutôt reposé sur ses lauriers, explique Charlotte Isal, analyste chez GFK. Pendant que Handspring développait des extensions téléphone et que Microsoft mettait les bouchées doubles pour bonifier Pocket PC, il se contentait de décliner son produit vedette dans des packagings différents : couleur, ultraplat, bon marché.” De fait, son credo est resté la simplicité, alors que le clan Pocket PC prônait la puissance et le multimédia. Résultat, Palm, mais aussi Handspring, IBM ou Sony ?” ses partenaires ayant adopté Palm OS ?” se sont retrouvés face à des machines beaucoup plus modernes et largement mieux dotées. Les appareils sous Palm OS plafonnent, en effet, à 8 Mo de mémoire là où d’autres disposent de 32 à 64 Mo. Ils ne fonctionnent qu’avec des puces Motorola à 33 MHz, alors que le Pocket PC accepte une multitude de processeurs. Le récent succès de Compaq sur ce terrain est notamment lié à son très puissant ARM à 206 MHz. Du coup, alors que les appareils livrés par Compaq, HP et Casio peuvent proposer des applications multimédias, un véritable navigateur web, un client de messagerie complet, des connexions réseaux sans fil et une véritable reconnaissance d’écriture, le Palm rame et fait plutôt figure d’agenda évolué.

Une scission stratégique pour relancer l’innovation

A ces difficultés techniques s’ajoute une fronde des partenaires de Palm. Hand-spring lui reproche, par exemple, son manque d’ouverture : “Nous n’avons que très peu de marge de man?”uvre. Nous aimerions pouvoir adapter davantage Palm OS à nos besoins. Mais Palm refuse”, nous a confié un responsable technique. Reviennent aussi des accusations de concurrence déloyale : Palm privilégierait sa branche matérielle en lui donnant la primeur des nouveautés de son système d’exploitation. Une accusation que Palm dément. Il n’empêche. Début 2001, le torchon brûle. Au moment de renouveler sa licence, Handspring fait pression sur Palm en menaçant de développer des appareils sous un autre système d’exploitation. IBM envisage, pour sa part, d’abandonner purement et simplement ce marché. “Nous n’apportons aucune valeur ajoutée. Notre produit est quasiment le même que celui vendu par Palm. Alors, pourquoi continuer ?” explique-t-on chez le constructeur.Loin de se laisser abattre, Palm part désormais en croisade pour enrayer la spirale descendante. Ironie du sort, sa stratégie de reconquête consiste à revenir à son fonctionnement originel : se séparer en deux divisions indépendantes, l’une développant les logiciels, et l’autre les appareils. Depuis janvier, les deux entités ont des équipes totalement distinctes, et chacune n’est théoriquement plus concernée par les décisions de l’autre. Palm espère ainsi développer un système d’exploitation indépendant de l’appareil et pouvoir tirer profit de la vente de licences. Cette scission pourrait d’ailleurs relancer l’innovation.

Alliances fantômes avec le monde du mobile

Depuis que Palm a racheté la dépouille de Be en fin d’année dernière, il dispose d’un ensemble de technologies multimédias sur lesquelles il pourrait capitaliser. La prochaine version de Palm OS, attendue le mois prochain, devrait ainsi fonctionner sur des processeurs ARM ?” les mêmes que ceux qui ont fait le succès de l’iPaq. Dernier intérêt de la nouvelle organisation : garantir plus de clarté dans ses relations avec les partenaires. Scindé, Palm évitera les conflits d’intérêt entre sa division matériel et les détenteurs de licences.Mais cette stratégie pose de nouvelles questions. Aujourd’hui, la vente de licences Palm OS rapporte moins de 10 % du chiffre d’affaires de la société. Palm parie tout de même que cette activité se développera à tel point qu’elle assurera, à terme, l’avenir de la société. Difficile, pourtant, de savoir qui pourraient être les futurs candidats à une licence Palm OS. Pour l’heure, Compaq et HP, les ténors du marché ?” et du monde Pocket PC ?”, ne semblent pas intéressés. Palm envisage-t-il de nourrir sa croissance en vendant des licences à des acteurs de niche ? Possible. Mais l’équipe dirigeante n’a pas encore donné de précisions officielles à ce sujet. Palm a aussi du mal à séduire les vendeurs de téléphones portables. Il revendique, par exemple, des partenariats avec Motorola et Nokia. Mais ceux-ci viennent de lancer leurs derniers téléphones assistants personnels sans Palm OS. Les projets communs avec Palm seraient-ils enterrés ?La division matérielle, pour sa part, subira désormais de plein fouet la concurrence des clients Palm OS et des concurrents Pocket PC. Avec plus de vingt millions d’appareils vendus depuis 1996, elle dispose encore de solides arguments. Toutefois, pas question pour l’instant de faire entrer le loup dans la bergerie. Selon ses responsables, il serait impensable pour Palm “vendeur de matériel” d’envisager de se tourner vers Pocket PC. Ni à court terme ni à long terme.

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Corinne Couté avec Anicet MBida