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On a testé le premier clavier Azerty+… et on s’y est cassé les doigts

Très bonne idée sur le papier, la norme Azerty améliorée est censée faciliter la saisie des caractères spéciaux de la langue française. Dans les faits, son utilisation est… compliquée.  

C’est peu dire que le processus fut long pour que ce clavier Azerty+ ou Azerty amélioré (au choix) voit le jour. En 2015, le ministère de la Culture sollicite l’Afnor (Association française de normalisation) pour mettre au point une révision du clavier français permettant de saisir plus facilement certains caractères spéciaux de notre langue.  

Deux ans plus tard en 2017, l’association ouvre alors une consultation publique proposant deux nouvelles dispositions : l’Azerty amélioré et la Bépo. Si la seconde existait déjà en parallèle et avait ses propres aficionados, la première a été mise au point par une commission intégrant tous ceux qui voulaient bien y participer. C’était par exemple le cas d’Orange, de l’université Pierre-et-Marie-Curie ou encore de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique).  

LM/01net – Les touches sont agréables au toucher, mais relativement bruyantes.

D’autres travaux scientifiques ont également été associés à ce projet : comme les projections statistiques menées par les chercheurs en interaction homme-machine de l’université d’Aalto (Finlande), le Max Planck Institute for Informatics (Allemagne) et l’ETH Zurich (Suisse). 
Des machines ont calculé l’emplacement optimal des nouveaux caractères à ajouter, à partir d’immenses corpus de texte en français fournis notamment par ELRA (Association européenne de ressources linguistiques).  

LM/01net – Bien entendu, il intègre un clavier numérique complet.

Une norme volontaire non contraignante

C’est finalement en avril 2019 que la norme volontaire NF Z71-300 voit le jour. Non contraignante, elle permet donc aux constructeurs de concevoir des claviers Bépo et Azerty amélioré. C’est ce dernier, certainement plus accessible au premier abord, qu’a choisi LDLC pour concevoir ce premier modèle commercialisé sur le marché français.  

LM/01net – Les différences semblent légères, mais elles sont très importantes à l’usage.

Saluons tout d’abord l’initiative du distributeur qui est pionnier en la matière et qui a conçu un modèle très abordable à moins de 13 euros. C’est un bon moyen de rendre accessible cette configuration à qui veut l’essayer. Évidemment pour ce prix-là, il ne faut pas s’attendre à avoir entre les mains un clavier d’une finition exemplaire. 

La construction est légère et les plastiques employés sont le minimum que l’on peut proposer à ce tarif. Alors que nous l’avons utilisé dans notre  open space , nos collègues se sont également régulièrement plaints du bruit assez fort de ses touches. Malgré tout, leur souplesse est vraiment appréciable et le clavier est confortable même pour une utilisation intensive tout au long de la journée.  

LM/01net – Il est possible de surélever légèrement le clavier.

Sa configuration passe quant à elle forcément par l’installation d’un pilote, que ce soit pour Windows 10, macOS ou Linux. On regrette que ces pilotes pour les trois versions soient toutefois développés par des particuliers. Leur investissement en temps est louable, mais rien ne garantit que les mises à jour nécessaires dans le futur soient forcément fournies. On espère que la communauté des développeurs prendra le relais en cas d’abandon du projet par son initiateur respectif.  

Un apprentissage fastidieux, très fastidieux

Au quotidien maintenant, ce clavier nous a-t-il réellement facilité la tâche pour saisir les caractères français ? Pas vraiment. Première raison : maîtriser ce nouveau « mapping » demande du temps. Les premières heures passées à utiliser ce clavier sont tout simplement infernales. Les erreurs de frappe apparaissent à chaque phrase. Impossible d’en saisir une sans par exemple se tromper sur la saisie d’un point. 

LM/01net – Certains caractères spéciaux sont donc accessibles directement.

Pour être plus facilement accessible, celui-ci se tape sans avoir à appuyer sur la majuscule. On se retrouve donc constamment à saisir un point d’interrogation à la place, l’autre caractère de cette nouvelle touche, accessible avec Shift. Et les exemples de ce type sont nombreux, que ce soit pour le « @ », les « e » accentués, le « à » et aussi pour les guillemets français.  

Au bout de trois jours à utiliser ce clavier à plein temps, toute la journée, nous avons tout simplement craqué et… abandonné. Nous perdions vraiment un temps fou à revenir sur un mot saisi sur deux et sur une grande partie des ponctuations. Le tout accompagné à chaque fois d’un râle d’énervement parfait pour énerver à leur tour nos collègues de bureau.  

Un traitement de texte bien configuré est plus efficace

Si cette expérience a été éprouvante, c’est surtout car nous avons appris à nous servir d’un clavier Azerty depuis nos plus jeunes années. Les plus à l’aise avec ce genre de clavier frappent avec tous leurs doigts et ne regardent jamais les touches, comme c’est notre cas.  

LM/01net – La disposition de certaines touches paraît directement inspirées de celles des claviers macOS.

Ce qu’il manque fondamentalement à cette nouvelle norme, c’est en fait un logiciel d’entraînement et d’apprentissage tel que Dactylo le fait pour les claviers Azerty classiques
Mais même avec un tel entraînement et en arrivant à parfaitement maîtriser un clavier Azerty amélioré, on sera certainement contraint de passer d’un clavier à l’autre, par exemple entre sa machine de bureau et son ordinateur portable. On se retrouve alors face à un temps d’adaptation incompressible lorsqu’il s’agit de jongler entre les deux.  

Bref, vous l’aurez compris, cette norme Azerty+ semble tout à fait tenir de la fausse bonne idée. L’intention est louable, mais dans la pratique son utilisation est très compliquée. On est finalement beaucoup mieux aidé par une solution logicielle, par exemple en configurant parfaitement son traitement de texte pour qu’il s’occupe de remplacer les guillemets anglo-saxons par les français ou encore les « oe » par des « œ ». C’est à nos yeux la méthode la plus efficace, bien plus en tout cas que de complètement réapprendre à taper au clavier.   

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Jean-Sébastien Zanchi