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N’en déplaise aux nez branchés, le réseau n’a toujours pas d’odeur

Fausse alerte ! Le déferlement de fragrances sur internet n’a pas eu lieu. Aucune technologie n’est aujourd’hui mûre pour la commercialisation. Et Digiscents, le vaisseau amiral du secteur, s’est finalement sabordé.

Ca sent le roussi chez Digiscents. À force de clamer son intention de parfumer la toile, la jeune pousse californienne a fini par s’époumoner. Faute de financements suffisants, elle met la clé sous la porte après deux années d’activité. Va-t-elle entraîner dans sa chute le secteur émergent du net parfumé ?“Je pense plutôt que les financiers ont sanctionné une société qui annonçait beaucoup mais qui n’avait pas les moyens de commercialiser un produit”, estime Sylvie Courcelles, chef de projet des diffuseurs d’odeurs multimédia chez France Telecom Recherche et Développement. Ce serait donc l’approche de Digiscents qui semblerait remise en cause, et non la technologie dans son ensemble. L’Américain comptait développer un petit périphérique, piloté depuis le net, capable de recomposer des senteurs complexes à partir de 128 éléments de base. Or, la moindre fragrance de parfumerie fine renferme près d’un millier d’essences différentes dans des proportions précises. On est donc loin du compte. Les autres parfumeurs multimédia l’ont d’ailleurs bien compris, puisqu’ils ont adopté une technologie plus proche du vaporisateur que de l’orgue à parfums. Ils se contentent de diffuser une seule odeur à la fois.Les Américains Trisenx et Aromajet développent des systèmes de jets d’encres parfumées. L’Allemand Ruetz enferme des minifioles d’essences dans un petit baladeur : quelques gouttes sont chauffées et l’odeur est diffusée par convection naturelle. Son compatriote Aerome, pionnier sur ce marché en 1998, vend des bornes olfactives en parfumerie : de l’air traverse un gel imbibé de parfum et entraîne des molécules odorantes dans son sillage. Enfin, le Français AC2i développe son diffuseur Olfacom sur un concept semblable.

Aucune solution ne sort du lot

“Il existe des brevets à foison mais aucun produit ne sort. Le software [la solution logicielle, ndlr] est relativement au point, mais vraiment pas le hardware [le support matériel], surtout si l’on veut combiner et diffuser fidèlement des odeurs variées”, observe Xavier Brochet, responsable technico-marketing chez le parfumeur suisse Firmenich. Pour miniaturiser Olfacom et en faire un lecteur ” dix odeurs ” vendu à moins de 1 000 francs (150 euros), AC2i doit trouver un meilleur polymère (composé de plusieurs molécules identiques) pour concentrer son parfum. Pour cela, le Français cherche à lever 762 000 euros. France Telecom, en tant que partenaire technologique, apparaîtrait comme un investisseur naturel. France Telecom Recherche et Développement a conduit fin 2000 des tests d’usage sur les technologies d’AC2i et Ruetz. “Ces études qualitatives permettront de décider de la stratégie à adopter. Des solutions de services multimédia vont être transférées prochainement à nos unités d’affaires”, indique Sylvie Courcelles. Mais les modèles d’affaires demeurent flous. S’il est possible d’identifier les grands marchés à viser (communication institutionnelle et produit, e-commerce, jeux vidéos, parfumerie, téléphonie mobile), personne ne se risque à les chiffrer. Sans doute craint-on les surestimations fanfaronnes dont a été victime Digiscents.

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Julie Cailliau