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Monsieur internet revient sur terre

Après l’éclatement de la bulle internet, la messe est dite : l’arrogance des superdirections web internes aux entreprises a vécu. Omnipotent depuis deux ans, monsieur internet…

Après l’éclatement de la bulle internet, la messe est dite : l’arrogance des superdirections web internes aux entreprises a vécu. Omnipotent depuis deux ans, monsieur internet est donc invité à revenir sur terre. Ses ambitions doivent être plus mesurées et, dans tous les cas, coller aux métiers et aux besoins des clients : les utilisateurs, les fournisseurs, les partenaires. En d’autres temps, c’était les DSI ?” accusés d’immobilisme ?” qu’ils avaient mis sur la sellette. Désormais, ces derniers ont repris l’initiative, mais ?”uvrent sous le contrôle des financiers et des hommes du marketing. Internet est une technique, certes, mais aussi et surtout un média qu’il convient de maîtriser parfaitement. Mais comment, dans ces conditions, organiser le web dans l’entreprise ? Comment assurer le développement d’une stratégie homogène, alors que le réseau des réseaux pousse les directions et les filiales à davantage d’indépendance ?

Internet sous la coupe du marketing chez Peugeot

Après moult tergiversations et luttes intestines, les entreprises traditionnelles ont finalement abouti à un nouveau modèle multicéphale qu’ils peuvent décliner. Avec un credo commun : c’en est bien fini des superdirections ou filiales internet surpuissantes. Les projets, plus modestes et réalistes, intègrent le giron des branches classiques de l’entreprise. C’est là qu’entre en scène le nouveau “monsieur internet”, plus modeste, tel que l’ont créé Danone, Peugeot, Legrand ou Bouygues. Ce peut être un individu, parfois une direction, voire, de plus en plus souvent, une cellule ou un comité transversal qui joue un rôle de coordination et de communication dans l’entreprise.La “web factory” de Danone est un exemple simple de cette tendance. Cette direction générale, créée il y a deux ans, ne décide pas de la stratégie, mais fait en sorte qu’elle soit appliquée. “La Danone web factory porte la vision, elle a la responsabilité de sa mise en ?”uvre et coopte les autres directions. C’est un point de rencontre virtuel qui a un rôle d’expertise et de circulation d’information” : pour Pierre Paperon, récemment nommé directeur général internet et gestion de la relation client du groupe agroalimentaire, le message est clair. Dans cette tâche, il est épaulé, non par des informaticiens, mais par un comité internet qui rassemble les directions des communications financière, externe et interne. De même, Peugeot dispose d’une structure dédiée, mais avec une option différente. Créé également en 1999, son département internet est passé sous la coupe de la direction marketing et qualité. “Nous nous sommes posé la question de le rattacher à la direction générale. Mais Peugeot est une société stable qui regarde vers l’avenir et nous avons donc décidé d’intégrer cette activité comme une autre”, avoue Pierrick Dinard, responsable du département internet du constructeur automobile.

Ni chasse gardée ni tour d’ivoire chez Legrand

Avec le recul, Peugeot juge que cette solution a évité des déstabilisations importantes de la stratégie lors du dégonflement de la bulle internet. Chargé de gérer la politique interentreprise de la marque, le département comprend dix-huit personnes, essentiellement des profils marketing et communication, et quelques techniciens. Toutefois, “internet ne se gère pas comme une activité traditionnelle car elle est nouvelle, transversale et créative”, assume Pierrick Dinard. Et l’existence du département n’empêche pas la mise en place de cellules transversales si besoin est. Pierrick Dinard en témoigne : “Quand nous avons refait le site de e-commerce qui a débouché sur Peugeot.fr, nous avons mis en place un plateau de soixante personnes parmi lesquelles figuraient compétences informatiques, experts métier, spécialistes en communication et prestataires externes”.En décidant, dès le départ, de ne pas créer de service propre à internet, Legrand a choisi d’être encore plus ouvert, avec un résultat opposé sur l’organigramme de la société. “Nous ne voulions pas de chasse gardée, mais au contraire que tout le monde s’empare de la chose. Il fallait éviter la tour d’ivoire”, note Pierre Aiglon, responsable de la communication externe. Chez cet industriel en matériel électrique, les responsabilités du web sont donc ventilées entre les directions : la partie technique dépend de l’informatique, tandis que le contenu est soumis à l’approbation de la communication. En parallèle, une équipe de trois personnes est chargée de suivre les sites des filiales, de les déployer si elles le demandent et de développer toutes les fonctions d’administration. Bouygues Construction, lui, est allé plus loin dans le morcellement en créant un véritable comité webmaster. Les filiales sont responsables de leurs projets e-business, certes, mais “il était devenu important et stratégique d’avoir une vraie réflexion de groupe”, complète Jean-Luc Letouzé, directeur adjoint de la communication. Ainsi, dépendant de la maison mère, les projets extranet et intranet sont copilotés. La direction de la communication définit l’arborescence, le contenu, la politique de référencement et le suivi statistique. La direction informatique prend en charge la technique et les outils d’administration.Le constat est toujours le même : les projets internet sont organisés de façon éclatée entre plusieurs directions. “Ils sont aujourd’hui devenus conjoints entre le marketing et l’informatique”, associe Claude Amenc, président de Nagora. Résultat, la direction informatique est impliquée beaucoup plus tôt dans les projets qui sont parfois très complexes et demandent à être examinés sous l’angle technique dès le départ. Et les projets sont copilotés par la communication et l’informatique dans le cas de sites institutionnels, ou par une direction métier et l’informatique pour les projets e-business.

Une cellule internet pour une meilleure coordination

Mais faire communiquer des directions n’est pas toujours facile, même si le problème n’est ni nouveau ni spécifique à internet. “Dans les grands groupes, la coordination fonctionne très mal. Comme les gens sont dans des directions différentes, naturellement, ils ne collaborent pas”, déplore Nam Nguyen, DG de Net and B. Un constat qu’a fait Pierrick Dinard il y a deux ans chez Peugeot : “Pour le marketing et l’informatique, il a été difficile d’accepter de devoir travailler ensemble. Nous faisons cohabiter deux mondes qui ne se connaissaient pas et ne fonctionnent pas du tout de la même façon. Au départ, ce n’était pas simple, il a fallu apprendre à se connaître. Un informaticien a une vision stable à long terme, le marketing veut des résultats immédiats. Il faut composer. L’avantage, c’est que nous avions un objectif commun. Et maintenant, cela fonctionne très bien”, se félicite-t-il.Dans cette nécessité de communication, une cellule internet prend tout son intérêt. “Je pense qu’il est important que quelqu’un coordonne et impulse car internet est un domaine qui fait appel à des corps de métiers différents en interne et chez les prestataires. Dans le cadre d’une stratégie globale, le web doit être un outil. Il est important qu’un monsieur internet ou une cellule dédiée aide la direction générale à prendre les décisions et que tout le monde sinscrive dans la stratégie”, pressent Claude Amenc.

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Corinne Montculier