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Mais puisque je vous dis que c’est pas moi !

Difficile de préserver son identité sur les réseaux sociaux, surtout quand un fâcheux décide de vous nuire en ouvrant des pages à votre nom.

La vie d’un journaliste, même de presse informatique, peut parfois être pleine de dangers ! N’écoutant que mon courage, ma curiosité et ma quête de l’information pour le pur plaisir du lecteur, il m’arrive parfois de plonger dans les tréfonds du Web pour y puiser connaissance et anecdotes. Jusqu’au jour où un sinistre individu est venu régler ses conflits par des coups bas à la limite de la légalité. Plus précisément par une salve de faux sites au nom de votre pauvre serviteur et farcis d’allégations insultantes ou immatures.Quels sont les symptômes qui permettent de détecter l’attaque ? Un soupçon m’est vite apparu quand un de mes contacts habituels sur Twitter m’a demandé : “ Tiens, tu te crées un deuxième compte ? Et, en plus, tu fais ton coming out ? ” N’ayant aucune raison de faire un quelconque coming out, j’ai pu vérifier avec mon correspondant qu’un compte Twitter à mon nom venait d’apparaître, avec la même orthographe que celle de mon compte légitime, à une exception près : un petit signe _ entre mon nom et mon prénom.Problème : je n’avais jamais créé ce compte-là. Quelqu’un d’autre, profitant de l’absence totale de vérification lors de l’inscription à ces services, venait de le faire à ma place, l’illustrant même d’une photo de moi trouvée dans Google Image ou sur mon profil Facebook. Mais comment ce compte a-t-il pu berner aussi vite quelques-uns de mes amis ? Il faut savoir que sur Twitter, les abonnés des autres sont visibles publiquement, et qu’il est donc extrêmement facile à un usurpateur d’accrocher vos amis, en s’abonnant à eux. Et de profiter du réflexe grégaire de l’Internet : si quelqu’un s’abonne à moi, je m’abonne à lui dans la foulée. C’est ainsi que s’installe la viralité. Et que ces contacts vont pouvoir lire les bêtises que poste l’usurpateur, et notamment les liens vers d’autres fausses pages qu’il crée sans s’arrêter !

Facebook et Skyrock bons joueurs

Passé cette première interrogation et le premier éclat de rire devant la puérilité de l’attaque, que faire ? Tout d’abord, prévenir les amis ! Facile : un message collectif suffit pour les mettre au courant de laisser tomber cette nouvelle invitation, et surtout de bien penser à déclarer son auteur comme spammeur.Deuxième étape de l’épuration : tenter de faire table rase de ces sites et pages… Car, entretemps, de nouveaux ont été créés : blogs Skyrock et Blogger, profils Facebook et LinkedIn, et peut-être d’autres qui encore aujourd’hui m’auront échappé.Il faut savoir que la plupart des services de blogs ou de réseaux sociaux présentent des pages pour porter plainte ou signaler des abus. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne, j’allais m’en apercevoir. Heureusement, certains font des efforts : comme l’explique Jérôme Aguesse, directeur de production et délégué prévention et sécurité sur Skyrock.com, “ les gens sont souvent désarmés devant une usurpation ou un abus. C’est pour ça que, dans un souci de garantir la tranquillité de nos membres, nous sommes signataires d’une charte visant à faciliter l’information des utilisateurs, avec une signalétique, sur le site, claire et compréhensible et des formulaires de plainte faciles à trouver et à remplir ”. Cette charte, c’est la European Social Networking Task Force, signée par une vingtaine de sites opérant en Europe, dont Microsoft, Yahoo, Google, Dailymotion, MySpace, Facebook, Skyrock… Une Task Force lancée en 2008, placée sous l’égide de la Commission européenne (Commissaire à la Société de l’information), et qui a publié en 2010 et 2011 deux états des lieux des progrès en matière d’Internet plus sûr. Facebook et Skyrock ont su tenir leurs engagements, puisqu’ils ont été les plus prompts à réagir. Google, pourtant signataire, n’a toujours pas répondu à ma demande, plusieurs semaines après les faits. Twitter et LinkedIn, deux sites ayant posé des problèmes dans la suite de mon aventure, eux, n’ont rien signé…C’est donc parti ! Première tentative : Twitter, puisque c’est le premier que j’ai découvert. Et c’est là que les difficultés commencent… D’abord, les liens pour signaler un abus sont difficiles à trouver. Tout est caché dans les menus d’aide. Quatre jours après la plainte, je recevais un courriel, en anglais, me demandant de faxer une copie d’une pièce d’identité à un numéro aux États-Unis, avec un numéro de suivi. Deux jours après cet envoi, la demande était enfin traitée et le faux profil avait disparu. Mais quelle bureaucratie ! Rien de vraiment surprenant pour Me Olivier Itéanu, avocat spécialisé dans les technologies numériques et auteur du livre L’identité numérique en question : “ Chaque service a sa propre politique pour supprimer un compte, certains agissent immédiatement, d’autres exigent des preuves de l’identité du plaignant, d’autres exigent même un jugement avant d’agir ! ”.Deuxième objectif : Facebook, l’autre réseau le plus urgent dans sa capacité de nuisance. Autant le dire tout de suite : Facebook a été, avec Skyrock, l’un des meilleurs élèves de ce test malgré-nous : le faux profil a été désactivé dès le lendemain de son signalement ! Même si, d’après d’autres témoignages (lire l’Oi+SVM n° 242, où l’ancien international de rugby Serge Betsen nous raconte l’impossibilité de se débarrasser de pages parasites), l’éradication n’est pas toujours aussi simple, dans mon cas, la procédure a fait merveille.L’autre bonne surprise est venue de Skyrock, avec un signalement extrêmement simple, convivial et rapide, même s’il faut là aussi fournir la copie (en image.jpg ou.pdf) d’une pièce d’identité. Mais pour Jérôme Aguesse, c’est normal puisqu’“ on ne fait rien sur demande non fondée. On vérifie que la personne qui signale est bien la victime, pour éviter les fermetures abusives. Afin de ne pas prendre de décision qui pourrait être remise en cause en justice car on a déjà eu des cas de gens qui voulaient faire fermer des comptes parfaitement légitimes. Si le contenu est manifestement illégal (incitation à la haine raciale, apologie de crimes de guerre, pédophilie…), on ferme d’office, sinon on demande en effet un scan des papiers d’identité. ”

Google et LinkedIn en mode silence

Chapeau donc à la réactivité exemplaire de Skyrock : le lendemain de la plainte, un samedi matin, la fausse page était suspendue ! “ Nous avons deux plateaux qui se répartissent les plaintes en fonction de la gravité, et on s’impose un délai maximal du traitement de 48 h, avec une procédure d’escalade pour les cas les plus graves, que nous signalons de nous-mêmes à la justice. C’est un gros travail, assuré par une quinzaine de personnes et qui nous coûte un million d’euros par an, mais ça fait partie du service et de notre crédibilité ”, continue Jérôme Aguesse.Plus surprenant a été le cas de Blogger. Le lien Signaler un abus est bien visible en haut de chaque blog, mais voilà, quand j’ai parlé de Dénigrement/Calomnie, le service de Google m’a appris que la diffamation, la calomnie et le dénigrement sont protégés par la loi américaine et que Google n’agira que sur ordre d’un tribunal. C’est ballot, moi qui suis en France… Une étrangeté qui fait réagir Me Itéanu : “ Quand un service est destiné aux Français, les juges considèrent qu’il doit obéir aux lois françaises, c’est le critère de destination ”. Admettons, mais j’ai autre chose à faire que de tenter ma chance au tribunal, surtout pour si peu… Retour en arrière, et utilisation du signalement pour usurpation d’identité. Et depuis, plus de 25 jours après les faits, rien. Rien de rien, même pas un mail d’accusé de réception, silence radio. Contacté, Google France se contente de nous préciser que la réponse peut prendre du temps… Carton rouge pour Google !Deuxième mauvais point enfin pour Linke-dIn. On aurait pu penser que ce réseau à destination des professionnels serait plus regardant sur la propreté de ses comptes et leur suivi. Il n’en est rien. Plus de 20 jours après une dénonciation, et malgré plusieurs relances, aucune nouvelle et la mauvaise fiche est toujours en ligne. Tant pis, ça sera comme une cicatrice numérique d’une vie passée pleine d’aventures et de dangers… et de mauvais plaisantins !

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Nicolas Robaux