Passer au contenu

L’industrie musicale prépare ses radars à pirates

A la suite d’une décision du Conseil d’Etat, les sociétés de producteurs vont pouvoir reprendre leur projet d’automatisation de la lutte contre la piraterie. La Cnil l’avait rejeté en 2005.

Si certains croyaient le débat enterré, ils vont en être pour leurs frais. Le délicat sujet de la chasse automatisée aux pirates sur Internet revient sur le devant de la scène par la grâce d’une décision du Conseil d’Etat publiée hier,
23 mai. Les sociétés de producteurs de musique, SCPP, la SPPF, et la Sacem se disent prêtes à présenter à nouveau à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) le projet que cette dernière avait refusé il y a un an et
demi.En 2005, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), la Sacem et son organisme financier, la SDRM, présentaient à la Commission un projet permettant d’envoyer automatiquement aux internautes repérés en train de télécharger
illégalement sur les réseaux peer to peer des messages d’avertissement sur les sanction prévues en cas de contrefaçon. C’était la première étape d’une stratégie plus générale connue sous le nom de
‘ riposte graduée ‘. C’est-à-dire qu’après l’expédition de ces messages, les ayants droit se réservaient la possibilité de poursuivre en justice les internautes déjà avertis en train de
récidiver.La Cnil
avait mis fin à ces ambitions en rejetant le projet. Difficile à avaler pour l’industrie du disque qui estimait fournir toutes les garanties quant au respect des données personnelles.
Surtout que quelques mois auparavant, la même Cnil avait autorisé le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs à mettre en ?”uvre une opération similaire. Deuxième camouflet, lors du débat sur la loi Droit d’auteur et droits voisins, la
riposte graduée était envisagée dans un amendement. Elle a finalement été
abandonnée.

Pas de surveillance générale et totale

Mais le recours déposé en Conseil d’Etat vient de donner raison à la Sacem, la SCPP et la SDRM : le refus de la Cnil est annulé. Celui-ci était motivé par le fait que, selon la Cnil, l’opération envisagée par l’industrie du disque
n’était pas proportionnée aux objectifs. Or, le Conseil d’Etat estime que ‘ la Cnil a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ‘.Il rappelle d’abord que ‘ les traitements envisagés par les sociétés requérantes ne portaient simultanément que sur quelques-uns des protocoles peer to peer ‘. Ensuite, que ces
‘ sociétés requérantes s’étaient engagées à constituer une base commune de contrôle portant simultanément sur 10 000 titres ‘, actualisée toutes les semaines à hauteur de 10 % des
morceaux. Des chiffres que le Conseil d’Etat met en regard des ‘ plusieurs millions de titres musicaux ‘
que la Sacem et consorts ont à charge de protéger et à ‘ l’importance de
la pratique des échanges de fichiers musicaux sur Internet ‘.
Autrement dit, le projet d’automatisation est loin de faire dans la surveillance générale et totale et s’avère tout à fait proportionné. La Cnil n’a cependant pas tout faux. L’envoi de messages aux internautes, tel que prévu par le
projet des ayants droit, était sujet à caution pour la Cnil. Le Conseil d’Etat lui donne raison, mais estime que cela ne suffit pas pour motiver un refus.Les communiqués de satisfaction ne se sont pas faits attendre du côté des sociétés de droit. Ils rappellent au passage, comme à la SCPP, que la décision de 2005 de la Cnil n’a ‘ pas permis
[…] de mener les actions de prévention et de répression de la piraterie musicale qui étaient pourtant effectuées dans la plupart des états de l’Union européenne. ‘ La SPPF* va plus loin. Elle affirme
que ‘ cette triste
“exception française”
explique pour partie le retard considérable dans le développement du marché légal de la musique en ligne sur notre
territoire. ‘
* Article modifié le 25 mai 2007 : contrairement à ce que nous avions écrit, il ne s’agit pas de l’UPFI (Union des producteurs phonographiques français indépendants) mais de la SPPF qui est intervenue.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Arnaud Devillard