Passer au contenu

L’explosion de la collaboration sur internet

Entourées de fournisseurs, de prestataires et de sous-traitants, les entreprises ne travaillent plus seules. Internet se pose comme le futur vecteur de la collaboration.

Depuis quelques semaines, un mot crée l’effervescence dans le petit monde des éditeurs : la collaboration. En rachetant Agile au début du mois, Ariba a jeté un coup de projecteur sur ce domaine balbutiant mais prometteur. Depuis, de nombreux acteurs de l’informatique industrielle, du commerce électronique ou des progiciels de gestion ont pris des initiatives afin de se positionner tôt sur ce marché.C’est ainsi qu’en quelques semaines on a pu voir FreeMarket, un spécialiste du sourcing, racheter Adexa, un éditeur de gestion de la chaîne logistique (SCM) ; Oracle, PTC, MatrixOne lancer respectivement OPDX, Windchill ProjectLink et TeamCentral, trois outils de travail et de développement collaboratifs ; SAP affirmer travailler sur de tels produits et Baan placer sa nouvelle suite iBaan sous la bannière de la collaboration ; Manugistics s’allier avec Rightworks et Agile (avant leurs rachats respectifs) et MatrixOne avec CoCreate. Tous n’ont qu’un objectif : fusionner l’ensemble des étapes de la vie d’un produit dans un vaste outil de gestion et ainsi occuper entièrement le terrain du commerce collaboratif.

Un concept aux contours incertains

Par commerce collaboratif, on entend la gestion et l’automatisation grâce à internet de processus impliquant plusieurs entreprises, comme la conception, la planification, les achats ou la gestion de projet. Les applications qui se réclament de cette sphère collaborative ont pour objectif de remplacer et de structurer les nom- breux échanges réalisés par fax, téléphone ou e-mail et qui constituent le quotidien des relations entre une entreprise et ses fournisseurs, prestataires ou sous-trai- tants. Ces échanges sont coûteux en temps mais aussi en énergie. Ils sont également souvent source d’erreurs, de retards ou même d’incompréhensions. Ni optimisés ni industrialisés, ils permettent rarement de tirer au mieux partie des compétences de chacun. Quel que soit le domaine d’application, on pourra ainsi échanger des données, leur associer des commentaires. On pourra également formaliser les requêtes et connaître précisément leur état d’avancement, partager des documents, autant de points susceptibles de clarifier et d’accélérer les processus.

Les entreprises sont attentives et hésitantes

Deux grandes raisons sont à l’origine du besoin qu’éprouvent les entreprises pour se pencher sur de telles solutions : d’une part, leur mode de fonctionnement et d’autre part, un souci croissant de rentabilité. Aujourd’hui, les entreprises travaillent de moins en moins seules : la vague des restructurations et des recentrages stratégiques a eu pour effet l’externalisation de nombreuses fonctions, le recours fréquent à la sous-traitance ainsi que la dispersion géographique des intervenants.Désormais, l’entreprise fait partie d’un réseau, souvent international. Après s’être souciée de son fonctionnement interne, grâce aux progiciels de gestion intégrés (PGI), elle s’intéresse maintenant à celui de ce réseau. A un objectif de baisse des coûts succède ainsi un objectif de rentabilité. “Beaucoup de travail a été réalisé en interne pour réduire les coûts, mais aujourd’hui, on s’aperçoit que ces sources sont en train de se tarir et que les gisements de profitabilité se trouvent plus tôt dans le cycle de vie du produit, car c’est là que se joue le délai de mise sur marché”, analyse Hervé Laumonier, président-directeur général de One2-Team, éditeur français d’un outil de gestion de projet collaboratif. Or ce délai de mise sur le marché, le fameux “time to market”, parce qu’il est synonyme de parts de marché et de marges importantes, est l’un des facteurs-clé de la rentabilité.Les entreprises surveillent donc de près l’évolution rapide des solutions. Présent au dernier Micad, François Tribouillois, responsable des ventes chez CoCreate constate : “On sent une dynamique importante. L’année dernière, les gens regardaient ; aujourd’hui les problématiques sont mieux identifiées, des cycles de décision sont lancés, des projets pilotes existent.” L’exigence première des entreprises est la simplicité, à la fois fonctionnelle, d’utilisation et de mise en ?”uvre. Moins encore que les progiciels de gestion intégrés, les outils collaboratifs doivent être rigides et paralysants. L’entreprise peut éventuellement se permettre de figer ses processus internes, mais son environnement extérieur est trop mouvant pour que les outils soient plus que des cadres. Il s’agit de structurer ce qui est aujourd’hui encore informel, sans perdre la spontanéité nécessaire à une relation de travail efficace. “Actuellement nos techniciens se déplacent chez nos clients avec des portables équipés de SolidWorks. L’idéal serait un produit souple, simple d’utilisation, qui permettrait de réduire les itérations, de gérer la complexité des projets, d’intervenir dès le cahier des charges fonctionnelles”, résume un chef de projet sur la mise en place d’une chaîne numérique chez un fondeur travaillant en sous-traitance.Chez les donneurs d’ordre, la problématique est quelque peu différente : “La plupart des grandes entreprises ont déjà investi dans des solutions point à point comme l’échange de données informatisées (EDI) avec leurs partenaires privilégiés, sur lesquelles elles capitaliseront tant qu’un savoir-faire ne sera pas réellement démontré par ces solutions collaboratives”, estime le responsable sourcing d’une grande entreprise française du secteur de l’électronique. En outre, l’avancement de la réflexion sur le sujet n’est pas identique dans tous les secteurs, l’électronique et l’automobile étant à la pointe. Malgré l’intérêt qu’ils suscitent et quelques premiers retours d’expérience convaincants, l’adoption de tels produits n’est pas acquise. “Une des difficultés est que ces produits collaboratifs intègrent plusieurs fonctionnalités et touchent donc à l’organisation. C’est pourquoi nos interlocuteurs sont souvent plus haut placés dans la hiérarchie des entreprises que pour les outils d’informatique industrielle plus spécifiques”, explique François Tribouillois.

Avantages des places de marché: leur neutralité

En outre, dès lors que l’on sort de l’entreprise, se posent d’inévitables questions de sécurité. La plupart des produits y répondent par l’attribution de rôles, et donc de droits spécifiques, aux utilisateurs. Dans ce contexte les places de marché peuvent jouer un rôle intéressant. “La place de marché a l’avantage d’être un terrain neutre : aucun des partenaires n’a l’impression de se voir imposer un outil ou d’avoir à ouvrir son système d’information”, estime Gilles Serpry, directeur marketing et commercial d’IndustrySuppliers. Par ailleurs, en mutualisant l’outil et donc les coûts, la place de marché permet à des fournisseurs de deuxième ou de troisième rang, disposant de moins de moyens, de participer eux aussi au processus collaboratif.Répondant à une attente réelle mais encore vague des entreprises, l’apparition des solutions collaboratives est surtout le fait de la maturité des technologies internet. La stabilisation de standards tels que XML ou J2EE et donc l’assurance de l’intéropérabilité de ces nouvelles solutions avec celles qui leurs succéderont sont les plus sûrs gages du développement de ces nouvelles applications, et donc de ce nouveau marché en pleine structuration.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean-Baptiste Dupin