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Les viticulteurs français contraints à l’individualisme

Peut-on imaginer dans le secteur du vin, une grande place de marché qui ne soit pas française? Celle-ci pourrait bien être italienne ou américaine si les professionnels français ne s’unissent pas rapidement.

Grand pays vinicole, la France serait-elle en train de s’endormir sur ses lauriers ? Comme dans d’autres secteurs, Internet pourrait bien accélérer les mutations, en remettant en cause les positions (trop) acquises.Paradoxalement, la France compte près d’une centaine de sites Internet qui vendent du vin aux particuliers. La plupart ont été créés par des producteurs, des coopératives ou des négociants. Ils disposent généralement de peu de moyens pour se faire connaître et leur trafic est modeste, tant il est facile, en France, d’acheter du vin sans passer par Internet.Seuls quelques pionniers, comme Château Online, le leader présent dans cinq pays européens, Rouge & Blanc, C-maCave (groupe Casino) ou encore 1855 tirent leur épingle du jeu.

Le désert du B-to-B

En revanche, du côté des places de marché B-to-B, c’est encore pratiquement le désert. Les premières initiatives françaises en sont à leurs débuts et aucune position n’est encore affirmée au plan international.Dès lors, le pire est envisageable pour notre fierté nationale. Peut-on en effet imaginer que le marché international du vin soit un jour dominé par une market place italienne, espagnole ou américaine ?Certes, les consultants des grands cabinets internationaux ne s’en émeuvent pas outre mesure. Pour eux, peu importe la localisation d’une place de marché dès lors qu’elle fonctionne correctement et rend le service attendu.C’est ainsi que le marché du blé est à Chicago, le marché du crabe à Londres et le marché de la fleur coupée à Amsterdam.Pourtant, l’enjeu économique est de taille, car 77 % des transactions du commerce mondial du vin concernent l’Europe.Un marché qui est très éclaté, cloisonné avec un grand nombre d’intervenants et une grande diversité de produits. Il représente 43 millions d’hectolitres et les prix vont de 2 francs le litre pour le vin ordinaire à 400 francs le litre pour les spiritueux. En outre, la réglementation douanière régissant le secteur est des plus complexes.

Les initiatives à surveiller

A l’étranger le projet le plus abouti est américain, avec la place de marché Winery Exchange. Créée en 1999, elle couvre l’ensemble de la filière.En Suisse, le site Infowines se place aussi sur le marché B-to-B. Créé en octobre 1999, avec le soutien de la société de capital-risque 3i, le site informe les professionnels sur les prix et les stocks de vins disponibles à travers le monde.En mai dernier, a été lancée à Londres Uvine, une Bourse pour négocier l’achat et la vente des grands vins. Un marché estimé à 10 milliards de francs sur un marché mondial du vin de 900 milliards de francs. Uvine prélèvera une commission forfaitaire de 7 %, alors que le site Winebid.com prend 25 %.Enfin, au Sud, les initiatives concernent surtout le B-to-C, comme le portail italien il-vino.com, tandis que rien de significatif n’est pour l’instant perceptible en Espagne.

Encore des réticences

La France semble beaucoup plus active avec au moins quatre initiatives concernant plus ou moins les professionnels. La plus avancée, Pro-Wine, est une place de marché de vins et spiritueux. Elle a été lancée en avril dernier par trois jeunes chefs d’entreprise du secteur, en réponse à la question : “Quel sera l’impact d’Internet d’ici à cinq ans sur nos entreprises ?”Xavier Bonnarme (distillateur), Emmanuel Bouyer (vins pétillants) et Fabrice Galteau (producteur) ont créé à Angoulême la société BBG.FR. Ils ont investi personnellement 500 000 francs et plusieurs business angels ont ajouté 1 million de francs.Conseillée par PriceWaterhouseCoopers, l’entreprise prévoit déjà une seconde levée de fonds pour parfaire ses ambitions européennes. La place de marché couvre toute la chaîne de production du vin, depuis le jus de raisin jusqu’aux produits bouchés, en passant par le vrac, sans oublier les fournisseurs de la filière.La cible des utilisateurs concerne à la fois les producteurs qui peuvent déposer des offres, les courtiers et les négociants (à la fois acheteurs et vendeurs), les centrales d’achats et les cavistes.

Y aller progressivement

Après avoir conquis ses premiers utilisateurs dans la région charentaise et le Bordelais. BBG.FR. attire des utilisateurs venant désormais de toutes les régions. L’objectif est de réunir d’ici à la fin de l’année une communauté de 2 000 membres.Le dépôt et la consultation des offres sont gratuits et aucune commission n’est perçue sur les transactions. Le modèle d’affaires repose sur la vente de publicités, de conseils et de prestations d’accompagnement (formalités d’exportation, sous-traitance du transport, présence dans les annuaires, etc.).Pour l’instant Pro-Wine n’envisage pas d’organiser de ventes aux enchères. “Il faut y aller progressivement, le monde du vin est très cloisonné et une partie de la population est encore très réticente “, constate lucidement Xavier Bonnarme.Deux autres initiatives B-to-B en cours de développement dans la région de Bordeaux seront aussi à suivre dans les prochains mois : VerticalWine, ” la plate-forme Internet des professionnels du vin ” de Mérignac, qui disposerait d’un fonds damorçage de 5 millions de francs et Vin@ffaires, créé au mois de mai dernier afin de “favoriser les échanges interprofessionnels “.

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Philippe Collier