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Les start-up sevrées de capital-risque

La Bourse devenue difficilement accessible, les jeunes pousses se tournent vers les fonds de financement. Mais ceux-ci, déjà en sommeil avant le 11 septembre, sont devenus attentistes.

Comment financer la croissance sans fonds propres, sans recourir à la Bourse, et sans le capital-risque ? C’est l’inquiétante équation à laquelle sont confrontées les sociétés de croissance, dans l’univers des nouvelles technologies.L’exploit n’est pas impossible : Mediapps, en avril, et Gorilla Park, tout récemment, ont levé une somme à deux chiffres en millions d’euros auprès de fonds internationaux. Les levées d’Enition (16,5 millions d’euros, soit 108 millions de francs) ou encore d’Avisium, un acteur de l’e-procurement (18 millions d’euros), prouvent qu’il reste de l’argent. Mais ces exceptions concernent des affaires établies.” Les capital-risqueurs jouent tout leur argent sur un seul cheval “, résume Régis Turrini, associé-gérant, responsable des technologies de l’information et de la communication (TIC) à la banque Arjil. “ Je parle des grands noms du capital-risque, car les autres n’en ont plus les moyens “, poursuit-il. Pour le tout-venant des PME-PMI en mal de financement, la tâche est quasi insurmontable. Celles-là font le gros dos en serrant leur gestion.Les entreprises d’une taille plus conséquente qui, depuis de longs mois parfois, attendaient leur introduction sur le Nouveau Marché ou sur le Marché libre, n’ont pas, elles, abandonné tout espoir de convaincre des financiers importants. “Pour nous, le tour pré-IPO [levée avant l’entrée en Bourse, ndlr] n’est pas un bon argument pour nous pousser à investir, car personne ne peut prédire aujourd’hui le “timing” de l’ouverture du marché. Les patrons de la nouvelle économie doivent faire avec le manque de “cash flow” et attendre de meilleurs auspices “, avertit toutefois Franck Noiret, directeur de participation chez Apax Partners.Si bien qu’après avoir essuyé plusieurs refus de la part des investisseurs, ou tout simplement conscientes de la nouvelle donne, les sociétés de croissance ont dû revoir leurs objectifs à la baisse. Voire changer de cap.

Les IPO en attente

Après trois années d’existence, Netbooster, une société française de référencement, espérait bien s’introduire à la rentrée sur le Nouveau Marché. Elle comptait y lever 15 millions d’euros. Michel Fantin, associé, explique son revirement stratégique : “ Nous n’avons pas voulu prendre le risque d’essuyer un véritable report et avons renoncé avant l’annonce officielle de la COB [Commission des opérations de Bourse]. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans une optique d’hyper croissance. Nous nous concentrons sur nos marchés domestiques, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne.“Adhersis, fournisseur orléanais de services de sauvegarde, assure n’avoir aucune raison aujourd’hui de faire appel au capital privé. La société repousse l’introduction à 2002, “ pour rendre la mariée plus belle “. Officieusement, la jeune pousse en profite pour balayer devant sa porte. Elle cède une partie de son activité et revoit son positionnement.Moins chanceuse, Neuro-planet a déposé son bilan le 5 septembre. Malgré un joli carnet de commandes, le report de son introduction au Nouveau Marché semble avoir été fatal au holding belge, spécialiste des films d’animation.En revanche, View Inn, jeune pousse qui amorçait en juin dernier une inscription au Marché libre, semble échapper à la loi des séries. ” Nous avons tiré un trait sur la Bourse, et nous tournons vers des investisseurs privés. Nous travaillons à une levée avec nos investisseurs historiques, Harmon Hardy Jr et la Société générale “, avoue Jean-Pierre Belmont, président de View Inn International.Gillian Middleton, de Venture Economics, une émanation de Thomson Financial, confirme : “ Le capital-risque peut encore prendre le relais de la Bourse, mais à court terme. Quelques sociétés ont levé de l’argent et elles le pourront encore. Mais tout dépend de la santé des fonds. Certains doivent faire le ménage dans leur portefeuille. D’autres ont besoin de liquidités avant d’investir dans de nouveaux projets.

L’amorçage en souffrance

Entre le 1er juin et le 1er septembre, sur les 35 tours de table effectués en France, seuls onze ont été des tours d’amorçage, d’après Venture Economics. Sur la même période, les tours d’amorçage ont atteint 2 millions d’euros en moyenne. Apax Partners note un ralentissement général des volumes investis.Phénomène que Franck Noiret attribue au changement de stratégie des fonds de capital-risque : “Aujourd’hui, il faut faire en sorte qu’un investissement atteigne le “break-even” [l’équilibre] le plus tôt possible.” Sage philosophie ? Pour Régis Turrini, c’est un retour aux classiques. “ Avant le déferlement du capital-risque, il fallait s’autofinancer, avoir des objectifs de rentabilité et non de croissance. Il n’est pas exclu qu’on revienne à cette situation, avec une crainte toutefois : voir disparaître l’esprit d’entreprise.

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Hélène Puel