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Les serveurs dédiés menacent les serveurs généralistes

La révolution Internet rattrape les fabricants de serveurs. Plus simples et moins chères, les machines dédiées et optimisées pour le réseau domineront le marché d’ici à trois ans

L’édition de NetWorld+Interop, qui sest ouvert ce lundi à Atlanta, pourrait bien voir le réel envol du marché des serveurs dédiés. Avec en ligne de mire la perspective de se partager les quelque mille milliards de francs de chiffre d’affaires prévus en 2004 (selon Dataquest), les principaux fabricants d’ordinateurs ont profité de l’été ou de la rentrée pour prendre leurs marques.Le dernier en date n’est pas le moindre, puisqu’il s’agit de Sun Microsystems, qui a annoncé, le 19 septembre, le rachat de Cobalt Networks. L’exemple est d’autant plus significatif que Sun signe là une des deux plus grosses acquisitions de son histoire (2 milliards de dollars en échange d’actions).Un acte mûrement réfléchi, a justifié Ed Zander, le PDG de Sun, avant d’affirmer sa conviction qu’une page était bel et bien en train d’être tournée. “Les serveurs dédiés représentent un changement radical qui concerne toute l’industrie des serveurs”, renchérissait Steve Witt, président de Cobalt Networks, tirant un peu trop explicitement les conséquences du succès des serveurs dédiés sur le pouvoir des fabricants de serveurs (Sun, IBM, Compaq, HP, Intel, Dell).Sous l’apparence d’un discours commercial étudié, le constat que dressent les ténors du marché des serveurs est le même : après avoir touché les équipementiers en réseaux et en télécommunications, la révolution de l’Internet, avec les modifications des architectures informatiques en entreprise, les frappe aujourd’hui de plein fouet. À grands coups de partenariats technologiques et de licences OEM, les uns et les autres ont entamé une conversion à marche forcée.

Une passation de pouvoirs

Il s’agit de conserver autant que possible le contrôle d’un marché pour l’instant dominé par de nouveaux venus et par une multitude de petits acteurs. Dell a ainsi sauté in extremis dans le train en présentant coup sur coup, la semaine dernière, un répartiteur de charge d’origine F5 et un serveur NAS basé sur les technologies Quantum. Le fabricant de portables Acer compte aussi parmi ces invités de dernière minute, et propose un serveur dédié combinant accès Internet, service d’impression et NAS : le SA50. HP joue, pour sa part, la carte de l’originalité en annonçant une gamme de serveurs dédiés avec HP-UX. Compaq se met lui aussi tardivement sur les rangs, et ce malgré un départ anticipé dans le courant de l’été 1999, avec ses TaskSmart Série C. Le constructeur a annoncé, fin août, sa gamme de serveurs NAS (TaskSmart Série N).Enfin, VA Linux a fait la semaine dernière une entrée remarquée, de même qu’Amdahl avec son SAN intégré. Pour CacheFlow, le débarquement des ténors du PC dans le monde du NAS ne peut qu’être une bonne chose : “Cela créera une plus grande visibilité, qui conduira les entreprises à planifier aussi naturellement l’achat de serveurs dédiés qu’elles prévoient aujourd’hui d’augmenter leur parc de serveurs”, commente Carie Oakes, directrice du marketing de CacheFlow.Cette perspective n’a pas échappé à Cisco, qui vient lui aussi d’entrer dans la ronde avec une suite complète de serveurs dédiés, organisée autour de l’idée d’une infrastructure spécialisée dans la mise à disposition des contenus Internet (Content Delivery Networking). “Techniquement, nous ne faisons qu’assister à l’accélération prévisible du mouvement de convergence vers le réseau, constate Olivier Seznec, directeur technique de Cisco France. C’est une passation de pouvoirs d’un monde à un autre, où la connexion massive des machines fait que le réseau devient le serveur.”.Un tel constat n’enchante pas les fabricants de PC et leurs partenaires constructeurs de disques durs ou de baies de stockage. “Le serveur dédié marque une rupture technologique suffisamment profonde pour modifier durablement les règles du jeu”, estime Rod Mathiew, directeur du marketing chez Network Appliance. Selon lui, il se passe aujourd’hui avec les serveurs ce qui est arrivé hier aux réseaux WAN. Les ténors de l’informatique centralisée n’ont pas pu empêcher l’ascension d’un Cisco et l’abandon d’un modèle qui ne correspondait plus aux besoins.À terme, le stockage direct (DAS, Direct Attached Storage) et les serveurs multitâches pourraient bien, au moins partiellement, conna”tre le même déclin.Les fabricants de PC sont désormais confrontés à une loi plus exigeante que la loi de Moore (doublement de la puissance tous les six mois), celle de l’Internet commercial. Aujourd’hui, le monde des serveurs doit apprendre à composer avec une nouvelle donnée, que les serveurs dédiés ont d’ores et déjà commencé à intégrer : l’impatience des internautes.

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PAUL PHILIPON-DOLLET