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Les métiers du luxe flirtent avec le web

Les technologies internet ont pénétré le monde de la mode. Mais si les sites vitrines ont vite séduit les créateurs, le recrutement, la distribution, la relation client suivent à pas feutrés…

Qui a dit que l’idylle entre internet et le luxe était impossible ? Certes, les perspectives de commerce électronique n’ont provoqué que peu d’émoi lors de la création d’E-Luxury par le groupe LVMH, il y a deux ans. Depuis, quelques audacieux, comme le turbulent Jean-Paul Gaultier ou le très classique Hermès, ont proposé des articles en ligne. Mais les marques privilégient avant tout l’esthétique de leur site ?” voire pour Paco Rabanne le marketing relationnel.

Chat avec Mathieu

Lancôme use également du web comme d’un outil de management. C’est ainsi qu’au lancement de l’un de ses parfums, Miracle, ses conseillères beauté ont pu cyber-dialoguer avec Mathieu Kassovitz, qui avait réalisé le clip publicitaire. Le B to B n’est pas en reste : Christian Dior a ainsi mis en place un intranet pour son réseau de distribution.Les sites d’information et de veille dédiés à ce secteur, comme web-de-luxe.com, ne manquent pas de rendre compte de ces initiatives. La prudence reste néanmoins de mise, précise son concurrent, abc-luxe.com, qui constate que les ordinateurs sont certes désormais présents sur les bureaux des directions générales… Mais pour certaines d’entre elles, depuis six mois seulement. Signe que l’entrée dans l’ère numérique n’en est qu’à ses prémisses.“Chez Kenzo, chaque service dispose d’un ordinateur doté d’une messagerie électronique”, indique Nathalie Lemesle, responsable du développement des ressources humaines. Dans les courriers électroniques de cette filiale de LVMH se glissent bien sûr des CV, même si “certains métiers ?” notamment les modélistes ?” ne sont pas encore prêts à postuler en ligne, observe-t-elle. Quelques stylistes commencent à envoyer des CD-Rom.” Une poignée de révolutionnaires ! Car, si l’on se fie aux confidences des spécialistes du petit monde de la mode, les créateurs rechignent à recourir aux nouvelles technologies, ou du moins à l’avouer.En revanche, les outils destinés aux modélistes sont entrés dans les m?”urs, il y a une petite dizaine d’années. Considérés comme faisant partie des précurseurs en matière de CAO (conception assistée par ordinateur), les ateliers Kenzo n’ont pas modifié la chaîne traditionnelle de production depuis l’introduction de technologies innovantes : le styliste dessine un croquis que la modéliste met en volume à partir d’une toile sur un mannequin. Puis, l’une des deux patronnières numérise les différentes pièces du modèle sur un système CAO. “Le logiciel permet d’exécuter toutes les tâches laborieuses de retouche”, assurent en ch?”ur les patronnières, qui se réjouissent d’avoir trouvé le juste équilibre entre le travail manuel et la technologie.Une fois le prototype élaboré avec le vrai tissu, le coupeur-placeur optimise la place de chaque pièce sur la laize ?” morceau de tissu ?” à partir de son ordinateur. Enfin, le patron est transmis par mail à l’un des 50 façonniers. Dans ce coin d’atelier sont conçues non seulement les collections de Jungle (Kenzo) mais aussi Bazar (Christian Lacroix). Effet d’une centralisation de la fabrication en marche chez LVMH.

Tissu virtuel

Car “la vraie révolution pour les métiers du luxe est encore à venir”, assure André Harari, directeur général de l’éditeur de logiciels Lectra, le leader mondial des logiciels destinés au secteur de la mode et de la couture. “Si les stylistes adoptaient notre toute nouvelle solution logicielle, ils pourraient créer leur modèle à partir d’un double virtuel de tissu, et visualiser d’emblée le rendu, s’enthousiasme-t-il. Possibilité leur est également offerte de transmettre les données à une imprimerie numérique.” Ce qui revient à une révision complète de la chaîne. Pour l’heure, aucun Français ne s’est équipé de ce logiciel dont le coût oscille entre 20 000 et 70 000 euros par poste.Le monde de la mode n’est pas prêt à bouleverser ses organisations, selon André Harari. Si certains Américains, comme Sarah Lee ou Reebok, utilisent sans complexe ces outils, “c’est parce que la créativité n’a jamais été leur point fort”, explique-t-il. L’éditeur reste néanmoins convaincu que le secteur du luxe finira par adopter ce type de logiciels, au moins par logique économique : il permet de réaliser de substantielles économies en productivité…

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Valérie Quélier