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L’éditeur en ligne fait surfer le lecteur dans l’hypertexte

Pour la société d’édition 00h00.com, Constance Krebs invente des parcours numériques dans le roman.

C’est la rentrée littéraire, et Constance Krebs fait grise mine. Cette année encore, 00h00.com, la maison d’édition en ligne où elle sévit, ne devrait guère attirer l’attention des critiques.Non que les choix éditoriaux de 00h00 soient médiocres ?” l’éditeur s’est fait ” piquer ” quelques auteurs l’an dernier : Anne-Cécile Brandenbourger et Rouja Lazarova ont été publiées respectivement chez Florent Massot et Flammarion après leur diffusion en ligne ?” mais parce que le livre numérique reste un Ovni.“Quelques critiques, de nombreux libraires, et certains éditeurs considèrent que la publication en ligne va cannibaliser le livre papier, alors que la lecture sur écran ne sera sans doute pas majoritaire avant des dizaines d’années”, s’amuse l’éditrice.

Logiciels et manuscrits

De fait, 00h00 affiche encore un chiffre d’affaires modeste : quelque 152 000 euros (1 million de francs) en 2000, 260 000 attendus en 2001. Surtout, 80 % des clients achètent le texte papier plutôt que la version numérique des ?”uvres du catalogue, quitte à payer 30 % plus cher.Pour Constance Krebs, littéraire pur jus ?” elle a préparé, mais pas achevé, une thèse sur Proust et la décadence ?”, “l’informatique reste étrangère au monde de la littérature et je n’ai pas moi-même sauté à pieds joints dans cet univers”.C’est en 1998 que, correctrice-préparatrice de manuscrits en free-lance, elle fait le grand écart entre le code typo et le logiciel d’édition Framework. À 00h00, elle se familiarise avec la partie technique de l’édition, avant de passer à la lecture d’une quinzaine de manuscrits par semaine, à la recherche du texte qui saura allier qualité littéraire et capacité à s’adapter au support numérique. “Nous cherchons à publier des livres qui permettent une navigation non linéraire dans l’histoire, et donc riche de liens hypertextes”, explique-t-elle.Ce fut le cas pour La Malédiction du parasol, d’Anne-Cécile Brandenbourger. Cette rentrée, c’est François Taillandier qui s’y colle, avec Intrigues, un roman sur le secret. “Typiquement, pour ce texte, j’ai imaginé avec l’auteur des imbrications entre les histoires, pour inviter le lecteur à faire sa propre enquête dans le roman.” Une petite révolution stylistique… qui a ses implications commerciales : “Les romans qui se vendent le mieux sont ceux qui comportent des liens hypertextes”, note Constance Krebs.Pour attirer le chaland, 00h00 a aussi inventé la quatrième de couverture animée : un clip présentant le roman sur le site. “L’édition en ligne oblige à être créatif, se félicite l’éditrice. Le défi est comparable à celui du cinéma vis-à-vis du théâtre : loin de faire du théâtre filmé, il s’agit d’inventer une nouvelle forme dexpression.”

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Sophie Janvier-Godat