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Le héros Cisco est fatigué

Le stade et la Bourse ont un point en commun : malheur aux vaincus. Le spectateur comme l’investisseur oublient vite les performances passées. Place aux champions et aux valeurs de demain.

Le monde de la haute compétition sportive est sans pitié. Le champion qui, pendant des années, a dominé ses adversaires, battu record sur record, ébloui les foules, se retrouve dénigré et oublié le jour où un concurrent le précède de quelques fractions de seconde sur la ligne d’arrivée ou s’il échoue à quelques centimètres d’un nouveau record. Qui parle encore de Sergueï Bubka, le champion qui avait dominé le saut à la perche dans les années 90 ?Il en est de même dans un domaine tout aussi implacable : la Bourse. Pendant sept ans, trimestre après trimestre, Cisco poursuivait une destinée unique. A chaque échéance, les observateurs s’attendaient à le voir trébucher. Crainte (ou espoir) chaque fois déçu, le champion montait sur le podium. Il semblait invincible. Les autres subissaient les contrecoups de la course aux résultats effrénés : pas lui. Ses rivaux de jadis avaient disparu (Wellfleet) ou luttaient pour ne pas être disqualifiés (Cabletron, 3Com). Au fil du temps, le petit poucet grossissait et venait défier les ogres Lucent, Nortel ou Alcatel. Au petit jeu de la capitalisation boursière, il les laissait loin derrière. Et tout à coup l’accident.Pour avoir manqué au deuxième trimestre dernier d’un cent (7 centimes), le bénéfice par action escompté, Cisco trébuche à son tour. Il paie le prix fort : les investisseurs ne lui pardonnent pas ce faux-pas. Le titre perd 13 % dès l’ouverture du marché à l’annonce des résultats.Eidemment, chez Cisco, on ne perd pas espoir, même si on admet que la conjoncture ne va pas s’améliorer du jour au lendemain. En effet, intrinsèquement, les résultats trimestriels ne sont pas aussi mauvais. Combien de constructeurs ou d’éditeurs peuvent se targuer, en ces temps difficiles, d’une croissance de 55 % du chiffre d’affaires ? Et de 48 % des bénéfices (hors éléments exceptionnels) ?Mais il ne suffit plus qu’une société affiche une bonne santé ; il faut qu’elle soit toujours plus rentable et qu’aucun nuage n’assombrisse son horizon. Or Cisco a tout misé sur Internet, et l’industrie qui s’est bâtie autour donne des signes visibles d’essoufflement. Les vedettes de la Net-économie d’hier, qui creusaient des déficits records, applaudis des deux mains par les experts, sont invités à plus de réalisme. Les effets de la griserie de la nouvelle économie se dissipent.Cisco a déjà changé son fusil d’épaule et son horizon. Joh Chambers, le PDG, voit jaune. Il compte faire de la Chine son deuxième marché, après les Etats-Unis, et il y vise les 100 % de croissance, avec pour objectif de réaliser 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires à la fin de l’année. Cet incident du deuxième trimestre 2001 n’aura-t-il été finalement quune petite alerte sans conséquence ou le début du déclin ? Rendez-vous au prochain trimestre.Prochaine chronique le vendredi 9 mars

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Jean-Pierre Soulès