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Le grand retour aux sources du groupe Bertelsmann

Pour l’Allemand, cinquième entreprise mondiale du secteur, l’éviction cet été de Thomas Middelhoff signifie l’abandon du commerce électronique.

Chez Bertelsmann, l’ère Middelhoff, celle des “visions” et de la “révolution internet”, est bel et bien révolue. Au QG de Gütersloh, la fièvre de la nouvelle économie n’aura donc été qu’une parenthèse. La stratégie de Gunter Thielen, le nouveau président, nommé fin juillet à la tête du cinquième groupe médiatique mondial, consacre le recentrage du groupe sur les métiers de l’édition, un retrait sans équivoque du commerce électronique. “La nouvelle direction a choisi la stratégie de la réduction”, confirme Horst Röper, directeur de Formatt, un institut de recherche sur les médias à Dortmund.En peu de temps, Gunter Thielen et la vieille garde de Bertelsmann ont mené à bien une contre-révolution. Orchestrée par la famille Mohn, qui détient indirectement 75 % de l’empire allemand non coté, l’offensive visait à renverser Thomas Middelhoff dont l’appétit d’expansion tous azimuts devenait inquiétant.En effet, aucun patron n’a investi autant d’argent dans ce domaine. Et personne n’en a perdu autant. Au cours du dernier exercice (2000-2001), cet ami personnel de Jean-Marie Messier a englouti près de 900 millions d’euros dans le commerce électronique. Sur un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros, le risque restait financièrement supportable. Mais il représentait une menace pour la santé de l’ensemble du groupe à long terme. Avec un chiffre d’affaires annuel de 1,5 milliard d’euros, la filiale B to C créée par Middelhoff (Direct Group) accuse en effet une perte brute de 464 millions. Au premier semestre 2002, elle accusait encore une perte de 119 millions.

Quelques restes d’internet

“Nous avons un gros chantier sur les bras”, concède Gunter Thielen. Nommé fin juillet, le nouveau président est donc chargé d’opérer ce revirement stratégique sans précédent. Le gel de la politique d’acquisition et la concentration sur les métiers traditionnels de l’édition s’accompagnent d’un plan renforcé de réduction des dettes et d’une nouvelle décentralisation des décisions. Les licenciements, autrefois tabous, ont commencé par frapper la tête de l’entreprise : 70 postes ont été supprimés au siège.Un mois après le changement de direction, l’ère Middelhoff est pratiquement enterrée. Certes, le groupe garde un pied dans l’internet grâce à son partenariat avec l’Américain Barnes & Noble (librairie en ligne) et aux clubs de musique Bemusic aux États-Unis. Avec le départ début août de Klaus Eierhoff, le directeur de Direct Group, Bertelsmann a accéléré son désengagement du secteur des nouvelles technologies. “Middelhoff avait déjà engagé le processus. Mais sa stratégie était de vendre ses activités au prix fort comme AOL Europe et Mediaways”, note Horst Röper. Le libraire en ligne BOL, qui n’a jamais réalisé de bénéfices, devrait être vendu à son concurrent américain Amazon. Les négociations ont été confirmées par Bertelsmann. L’agence Web Pixelpark pourrait fermer ses portes à la fin de l’année. “La filiale presse Gruner + Jahr abandonne actuellement de nombreuses coentreprises”, ajoute Horst Röper.Enfin, Napster, censé devenir “un second AOL”, selon Klaus Eierhoff, sera liquidé à la faveur d’une décision de justice américaine. La plateforme d’échange de fichiers musicaux qui, gratuite, attirait jusqu’à 60 millions d’utilisateurs, aurait dû rouvrir en version payante. L’aventure a coûté plus de 100 millions d’euros au groupe.Avec l’arrivée de Gunter Thielen, l’entrée en Bourse prévue pour 2005 est également remise en cause. “Il est possible qu’elle soit retardée voire annulée”, explique Harald Wöfle, analyste à la Landesbank du Bade-Wurtemberg. Gunter Thielen assure qu’il tiendra les engagements de son prédécesseur. Mais on sait que le “patriarche”, Reinhard Mohn, a toujours été défavorable à cette idée. Par ailleurs, on ne connaît pas encore les intentions du Groupe Bruxelles Lambert (GBL), qui détient sur sa part une option de vente en Bourse en 2005 (25 %). D’ici là, les propriétaires ont le temps de réfléchir pour proposer aux futurs actionnaires une nouvelle perspective d’avenir au groupe.* Correspondant à Berlin

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Christophe Bourdoiseau*