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Le client et l’extraterrestre

L’informatique permet aux entreprises de dresser le profil de leurs clients. En corrélant des informations sans rapport apparent, les marchands espèrent bien engendrer de nouvelles envies chez les consommateurs.

Tout le monde a entendu parler de Seti@home
(Search for Extra-Terrestrial Intelligence). Le projet consiste à exploiter la masse des données enregistrées par les radiotélescopes du mont Arecibo pour y discerner des messages d’origine extraterrestre. Il s’agit véritablement de chercher une aiguille, que personne n’a perdue et dont personne ne connaît l’aspect, dans une botte de foin intergalactique. Malgré cet aspect farfelu, Seti a reçu un accueil enthousiaste, sans doute dû au fait que tout internaute est invité à participer en offrant un peu du temps de travail de sa machine.Dans le monde merveilleux de l’informatique d’entreprise, il existe une catégorie de logiciels qui ressemble beaucoup à cela, la poésie des petits hommes verts et l’aspect gentiment collaboratif en moins. Ce sont les applications de Data Mining ?” ce qu’on traduirait littéralement par exploitation des données. Tout un programme, puisque Mining fait référence à la mine, ce trou qu’on creuse dans la montagne pour en extraire des substances commercialisables.Le but du Data Mining, c’est de déceler des corrélations comportementales indétectables à première vue, car dépourvues de logique évidente, pour mettre à jour l’extraterrestre qui sommeille au c?”ur du consommateur lambda.Le postulat de départ est simple : les entreprises, commerçants, sites Web, opérateurs télécoms et autres accumulent des informations sur leurs clients : types d’achats, périodicité, montant, façon d’acheter, parcours ayant conduit à l’achat, domiciliation du client, sexe, profession, etc. En triturant ces pauvres données dans tous les sens, y compris les plus inattendus, le Data Mining permet d’y découvrir des ” profils “, des rapprochements inattendus. Un peu comme on établit le profil d’un tueur en série, ou comme on cherche des messages d’extraterrestres.L’un des exemples célèbres concerne une grande chaîne de supermarchés américains qui est parvenue à déterminer de façon purement statistique que les acheteurs de couches-culottes achetaient souvent de la bière. Du coup, les rayons bière et couches-culottes ont été rapprochés, et les ventes ont explosé. Par la même démarche, la Data Mining pourrait un jour mettre en évidence que les experts-comptables nés en mai 1963, portant des lunettes et ayant possédé une voiture de couleur rouge dans les dix dernières années ont une compulsion frénétique à l’achat de canapés gothiques. Ou quoi que ce soit d’aussi pertinent et riche de possibilités d’actions marketing.A la fin du XIXsiècle, l’apparition du grand magasin changeait le statut du client. Soustrait à l’obligation de passer par un vendeur, il était invité à découvrir lui-même ses envies en se promenant parmi les étalages surchargés de marchandises. C’est raconté par Zola dans Au bonheur des dames. Aujourd’hui avec le Data Mining, l’anticipation du désir du client est substituée à l’invitation, l’envie est créée. Le consommateur est le représentant d’une espèce cataloguée, analysée, pondérée en fonction des tendances qu’on lui découvre et qu’il ne se connaît pas encore.Les extraterrestres n’ont qu’à bien se tenir, dès qu’on sait où ils sont, on leur envoie des bières et des couches-culottes.Prochaine chronique jeudi 11 octobre

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Renaud Bonnet