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Le boss des consoles

On savait Sony doué pour le marketing. En transformant un échec industriel en coup médiatique, il place la barre très haut pour ses concurrents.

Il est difficile de connaître les raisons exactes de la pénurie de PlayStation 2, qui a déclenché des émeutes dans les magasins de loisirs, le jeudi 24 novembre, jour de sa sortie nationale. S’agit-il véritablement, comme l’affirme Sony, d’une capacité de production insuffisante ? Ou bien de créer délibérément une carence pour justifier les 2 990 francs aux yeux des premiers acheteurs ? Ou encore de gagner du temps sur un catalogue de jeux qui ne tient actuellement pas ses promesses ? Quelle que soit la véritable raison, Sony a choisi de passer pour un mauvais industriel. Et a transformé cette mauvaise passe en une exceptionnelle réussite marketing.Depuis le mois de mars et la disponibilité commerciale de la PS2 au Japon, le parcours de la console a été semé d’embûches : problèmes avec le lecteur de DVD sur les premiers modèles, affichage défaillant, jeux quelconques ou surpassés par ceux de la Dreamcast, de Sega, accueil mitigé de la presse spécialisée, annonces parasites des concurrents (X-Box, de Microsoft, GameCube, de Nintendo). Et, surtout, pénurie. Mais qui, elle, a été présentée comme inéluctable.” Elle sera à tous, mais tous ne l’auront pas “, tel était le slogan de la précampagne promotionnelle pour la PlayStation 2 en France. Grâce, en particulier, à une exceptionnelle couverture médiatique du lancement de l’appareil au Japon en mars dernier, Sony est parvenu à ancrer profondément l’idée de la disette dans l’esprit des acheteurs potentiels, à la faire paraître normale. Dans un monde où le client est roi au point de ne plus supporter la moindre attente ni la moindre panne, on a encore du mal à croire que la compagnie japonaise ait réussi à persuader le public que son appareil était tellement sophistiqué qu’il ne pouvait être produit qu’en nombre limité. A tel point que le fabricant japonais a pu se permettre, avec un cynisme savamment dosé, d’aiguillonner le public des joueurs : posséder l’appareil serait une première victoire.En France, on a vu le résultat de cette stratégie : une offre balayée en quelques heures par la demande et une campagne de publicité violente et crue destinée à impressionner les hésitants (que ne l’ai-je achetée tout de suite ?) et à baliser le terrain commercial pour les mois à venir (ce n’est pas pour les enfants), un succès sur toute la ligne, une démonstration de puissance.
Seul bémol : à trop exciter l’attente, Sony a frisé l’inconscience. Et les scènes d’hystérie qui ont accompagné certains lancements pourraient durement écorner l’image de la marque.Il n’en demeure pas moins que le succès mondial de la console dans un contexte délicat a démontré la maîtrise inouïe qu’a Sony de son marché. A ses concurrents de relever le défi. Avec Windows ou les Pokemons, Microsoft et Nintendo ont prouvé qu’ils n’étaient pas des débutants. En 2001, la guerre des consoles va se jouer à un niveau expert.Prochaine chronique jeudi 14 décembre

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Jean-Baptiste Dupin