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L’art du counter-googling

Big Brother n’est plus un fantasme. Il existe, il s’appelle Google et il vous surveille. Rien ne lui échappe, vous êtes fiché. Comme Claire Chazal dans Voici, votre vie s’y étale au grand jour.
Certains industriels commencent déjà à s’y intéresser.

C’est un scandale : le mot googling ne figure toujours pas dans les éditions 2004 de nos dictionnaires favoris. Et pourtant, le googling est pratiqué par des centaines de millions
d’êtres humains, des dizaines de fois par jour, tous les jours de l’année.Car googling, ce n’est rien d’autre qu’un mot branché pour qualifier la recherche de pages Web sur Internet, à partir du moteur de recherche Google. Donc je google, tu
googles, il google, nous googlons et vous googlez. Si vous googlez.
Googler, c’est le meilleur moyen de se
renseigner sur un hôtel avant d’y réserver une chambre, de
vérifier si votre patron vous paie suffisamment, ou de
connaître la proportion exacte de vodka dans un Blue Lagoon. C’est même tellement pratique que certaines entreprises s’y mettent aussi. Et en langage branché, on appelle cela le
counter-googling.En quoi ça consiste ? Vous êtes le patron d’un hôtel et un nouveau client vous appelle : ‘ Bonjour, j’ai vu de bonnes critiques de votre hôtel sur Internet, je souhaiterais réserver une chambre du
19 au 24. ‘
Très bien, vous vous précipitez vous aussi sur Google et tapez le nom et l’adresse du client. En quelques secondes, vous obtenez un curriculum vitae de sa vie numérique.Intéressant : il critique l’hôtel dans lequel il a passé ses vacances l’année dernière ; sa chambre au rez-de-chaussée l’a déçu, il préfère les hauteurs. Réservez-lui la chambre du dernier étage. Tiens :
il participe activement aux forums sur la pêche au lancer. Ça tombe bien, votre cousin Gérard se fera un plaisir de l’emmener dans un coin sympa, contre rémunération. Et comme sur un forum lié au tabac il explique qu’il n’arrive
pas à arrêter de fumer plus de deux heures, il serait sage de lui garder une chambre avec une partie fumeur.Demain, le counter-googling sera un réflexe, un prérequis avant toute relation humaine.Sur les sites de rencontres, Roger, 65 ans ?” dont le pseudo est ‘ Pamela, 18 ans (ou presque) ‘ ?” aura du mal à masquer sa véritable identité. Et votre collègue de bureau ?” vous savez le
casse-pieds qui a toujours des leçons de morale à donner ?”, il fera moins le malin lorsque vous aurez démasqué ses relations extraconjugales. Quant à la voisine du dessus, elle la ramènera moins lorsque vous direz à tout le quartier que,
plus jeune, elle a été condamnée pour atteinte à la pudeur dans un zoo.Pour tout vous dire, cela ira encore plus loin. J’ai rencontré la semaine dernière deux brillants entrepreneurs, qui viennent de créer leur start-up. Leur produit ? Un logiciel automatisant le
counter-googling, capable de dresser le portrait (au sens propre comme au figuré) de n’importe qui en vingt secondes. C’est redoutablement efficace.Le rêve pour tout un tas d’industriels malhonnêtes et pour les zélateurs des intrigues de bas étage et des rumeurs de couloir. ‘ Tu savais pas, Gaston c’est un transexuel. Mais si que je te dis. Avant il
s’appelait Denise. ‘
De quoi émoustiller des générations de gardiennes d’immeubles, dès lors qu’on leur aura mis le haut-débit (sauf ma gardienne, qui n’est pas comme ça ?” je dis ça des fois
qu’elle me counter-googlerait).Et nous, comment on fait dans tout ça ? Faut-il que je recense toutes les pages qui parlent de moi et que je demande à Google de les effacer de sa mémoire ?Trop tard, résignons-nous. Notre vie privée est devenue publique et planétaire. Ceux qui osent penser le contraire sont déjà fichés.PS : je profite de cette chronique pour remercier Jean-Yves Tigli, qui cite mes articles consacrés à la géolocalisation dans ses cours de DEA. Je suis flatté. Et Jean-Yves Tigli est repéré. Merci qui ?Prochaine chronique jeudi 9 octobre

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Alain Steinmann