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L’après-Napster a commencé

Le service gratuit d’échange de fichiers musicaux ne survivra sans doute pas aux assauts des majors. Mais d’autres systèmes prolifèrent déjà.

” Napster va fermer, il réglera ses dettes et c’est tout. “ Pascal Nègre, président d’Universal Music et partie prenante dans l’affaire qui oppose le service en ligne américain aux majors du disque, le clame à qui veut l’entendre. Il est vrai qu’après sa condamnation par la cour d’appel de San Francisco pour violation des droits d’auteur, l’avenir de Napster s’assombrit. La dernière tentative pour ” blanchir ” son passé semble d’ores et déjà mal partie.La semaine dernière, le système d’échange gratuit de fichiers musicaux sur internet s’est, effectivement, engagé à rémunérer les “compagnies discographiques, les auteurs, les compositeurs et les artistes indépendants”, bref tout le petit monde de la musique. Au total : près d’un milliard de dollars sur cinq ans sous la forme d’une rétribution mensuelle.Les ” big five ” (BMG, Sony Music, Warner Music, EMI et Universal) et les principaux labels recevraient ainsi 150 millions de dollars (1 milliards de francs) par an, répartis selon le nombre de fichiers copiés par les utilisateurs du dispositif. De leur côté, les internautes se verraient proposés, dès cet été, un système d’abonnement dont le prix reste à déterminer. Napster mise alors sur ” un prix compris entre 2,95 dollars et 4,95 dollars (entre 22 et 36 francs) par mois pour l’abonnement de base, limitant le nombre de fichiers copiés. L’abonnement privilégié coûterait entre 5,95 dollars et 9,95 dollars (entre 43 et 72 francs) par mois pour un nombre illimité de fichiers copiés “.

La RIAA toujours en guerre

A ce jour, à l’exception du groupe Bertelsmann qui s’est allié à Napster mi-novembre, seuls deux labels indépendants ?” l’américain TVT records et l’allemand Edel Music ?” ont accepté les propositions de la société de Shawn Fanning. Mais la puissante RIAA (Recording Industry Association of America), l’association des éditeurs musicaux américains, a repoussé l’offre.Comme la plupart des labels, la RIAA préfère s’en tenir au strict respect de la loi sur le copyright, voire ?” encore mieux ?” à la fermeture du dispositif. En réalité, des doutes subsistent sur la viabilité économique et technique du système payant que Napster souhaite mettre en place avec Bertelsmann. La grande majorité des 55 millions d’utilisateurs du service ne seraient pas prêts à payer pour récupérer des fichiers MP3.D’autres terres d’accueil existent pour les orphelins de Napster, fans d’échange de fichiers musicaux. Plus simple à utiliser que ses homologues comme Gnutella, Napster a donné naissance à un mouvement alternatif : l’Open Nap.Ce type de programme est le fruit d’un regroupement d’experts du logiciel libre et du système d’exploitation Linux. Il permet à tout internaute de créer aisément son propre serveur sur lequel des milliers de passionnés peuvent échanger gratuitement leurs fichiers. Chaque jour, des ” mini Napster “, incontrôlables, essaiment ainsi dans le monde.Le logiciel Napigator, chargé de recenser ces serveurs éphémères, en dénombrait environ 260 à la fin du mois de février, pour un total de 500 000 utilisateurs en ligne simultanément. Soit dix fois plus que sur Napster. Le nombre de fichiers musicaux MP3 à télécharger donne le vertige : 151 millions de fichiers ! La voie judiciaire suivie par les majors n’est probablement pas la plus efficace. Demain, contre qui pourront-elles se retourner ? Contre tous les créateurs de ” mini Napster ” ?D’autres approches sont donc à l’étude pour tisser un lien marchand avec l’internaute. Sony et Vivendi Universal ont ainsi officialisé leur société commune, Duet, chargée de licencier les deux premiers catalogues mondiaux de musique (lire ci-dessous). Sur leur plateforme, les services gratuits côtoieront les services payants. “L’échange de fichiers restera toujours la solution la moins coûteuse pour l’amateur de MP3 type. Les majors doivent l’intégrer et développer des services adaptés pour chaque profil d’utilisateur qui sera alors prêt à payer pour un service à valeur ajoutée”, explique Eric Scheirer, analyste chez Forrester Research. Concrètement, un fan de jazz pourrait payer pour un site qui lui propose, en plus d’un fichier musical électronique, des biographies ou des anciens albums…

La nécessaire valeur ajoutée

A l’évidence, cette valeur ajoutée ne sera pas disponible sur les serveurs naissant du mouvement Open Nap. Les majors intègrent doucement la nécessité d’apporter à leurs fichiers musicaux des informations supplémentaires. Ainsi, Hervé Lemaire, responsable du développement New Media chez Virgin France, n’exclut pas “d’embaucher des journalistes prochainement”.Parallèlement, la multiplication des serveurs d’échange de fichiers MP3 ouvre aux maisons d’édition de nouvelles perspectives en terme de marketing direct. Les sociétés ADD Marketing et Big Champagne conçoivent en ce moment des logiciels capables d’exploiter les gigantesques bases de données construites au fil de l’eau par ces serveurs. Ainsi, un fan de Charles Trenet, disposant sur son disque dur de dizaines de fichiers MP3, pourrait être référencé par le logiciel de Big Champagne. Ce dernier lui soumettrait immédiatement, via une messagerie instantanée, une offre commerciale personnalisée sur un site de vente d’ouvrages dédiés. Les premiers essais sont prometteurs : plus de 1700 personnes se sont inscrites sur la liste de diffusion du site web de la chanteuse Aimee Mann, après avoir été contactées sur Napster.Les géants de l’industrie du disque devraient donc maintenant investir sur le terrain de l’innovation, et délaisser progressivement celui des prétoires. Finalement, Napster n’aura été qu’un accélérateur de cette tardive prise de conscience.

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Amaury Mestre de Laroque et Alain Steinmann