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L’ADSL est toujours en quête d’un modèle économique

Héritier moderne des technologies supravocales imaginées dans les années 80, l’ADSL concentre aujourd’hui les espoirs et les craintes du monde des télécommunications. L’idée est séduisante :…

Héritier moderne des technologies supravocales imaginées dans les années 80, l’ADSL concentre aujourd’hui les espoirs et les craintes du monde des télécommunications. L’idée est séduisante : permettre la transmission de services dits large bande parallèlement à la parole en mettant un supermodem à chaque extrémité de la ligne téléphonique. Puisqu’il n’y a pas à modifier cette dernière, les compagnies de téléphone américaines considèrent cette technologie comme la meilleure parade à l’offensive des câblo-opérateurs en ce qui concerne l’accès rapide à Internet.En Europe, l’ADSL arrive également à une période où la concurrence s’exacerbe dans les télécoms. Du coup, les nouveaux opérateurs réclament un accès à cette technique en exigeant le dégroupage. Revendication qui débouchera inévitablement sur un démantèlement des anciens monopoles car l’intégrité d’une ligne téléphonique sur laquelle transiteraient plusieurs communications simultanées ne peut être assurée que par une entité unique. Cette dernière ne pouvant être l’opérateur, dominant, à la fois juge et partie, il faut donc arriver à des structures locales d’exploitation, indépendantes, facturant équitablement leurs services aux différents opérateurs longue distance. Cette situation existe aux Etats-Unis depuis le démantèlement d’ATandT, en 1983, mais pas en France où toute modification des structures locales de France Télécom, fût-ce par filialisation, soulèverait inévitablement des années de discussion et d’agitation.

Les tarifs de l’ADSL sur la sellette

De toute manière, l’ADSL, même s’il résout, en théorie, le problème du ” dernier kilomètre “, recèle encore beaucoup d’inconnues. D’abord dans son économie : les opérateurs auront à constituer, même dans des zones où la demande sera rare et/ou sporadique, de nouvelles artères de transmission à hauts débits avec des technologies spécifiques, dont l’économie est loin d’être évidente. Beaucoup de spécialistes, notamment aux Etats-Unis, considèrent que le modèle économique de l’ADSL ne fonctionne pas aux tarifs annoncés (environ une quarantaine de dollars par mois). Ces derniers ont été imposés à la va-vite sous l’influence du modèle Internet et, surtout, de la concurrence du câble avec ses tarifs forfaitaires et ses connexions permanentes dont les utilisateurs raffolent. Enfin, tout le monde se demande s’il y a véritablement un marché du large bande, c’est-à-dire des applications réellement nouvelles à facturer en tant que telles.

Numéris, à réactualiser

Partant de là, il n’est pas certain que l’ADSL soit si facile à déployer dans un pays comme le nôtre. Si nos opérateurs s’y lancent trop vite, ils s’exposent vraisemblablement à des déboires financiers. Aux Etats-Unis, où l’ADSL a connu un afflux de commandes (plusieurs millions de lignes en cours de déploiement) depuis deux ans, les opérateurs restent plus que discrets sur leurs performances commerciales…Pour sortir de cette impasse, les opérateurs européens disposent de quelques pistes de réflexion. La plus raisonnable pour France Télécom consisterait à repenser Numéris en le dotant des facilités qui lui manquent : connexion permanente par le canal D, interface IP et allocation de canaux sur demande. Solution qui a pour avantage d’utiliser les canaux de transport existants et de ne pas être limitée en portée. Elle contraindrait, cependant, notre opérateur national à repenser sa tarification dans le sens d’une plus grande forfaitisation avec des effets inévitables sur le tarif téléphonique et, surtout, à relancer la promotion d’un produit qui passe pour démodé. Baptisée ISDL (Integrated services digital line) aux Etats-Unis, cette solution n’est guère dans l’air du temps.

ADSL par satellite, la clé du succès ?

On peut aussi envisager une implication plus forte dans le câble. A l’image d’ATandT, les opérateurs européens pourraient donc capitaliser sur une offre de type modem-câble qui ne perturberait pas le service téléphonique puisqu’elle en serait complètement séparée. Mais, en France du moins, le cadre institutionnel du câble est tellement compliqué qu’une telle offre devrait passer par une redéfinition des frontières du monde de l’audiovisuel (sous l’égide du CSA) et des télécommunications (sous l’égide de l’ART)… Pas étonnant dès lors que France Télécom ait choisi de tester cette formule de modem-câble uniquement à l’étranger, notamment par sa filiale britannique NTL.Ne restent donc disponibles à court terme que des solutions satellites. Avec leur rapidité d’installation, y compris en habitat dispersé, elles ne nécessitent que des investissements limités, puisqu’un satellite est un concentrateur naturel sur de larges zones. Des solutions d’accès ADSL par satellite commencent à apparaître, notamment aux Etats-Unis. Peu réglementées, voire encouragées par la politique communautaire, qui en a fait dès l’origine un des vecteurs de la libéralisation, elles devraient connaître un succès rapide en Europe. Du moins dès que les grands opérateurs (Astra, Eutelsat et DirectPC) auront corrigé leurs erreurs marketing et adopté des solutions plus efficaces que les systèmes interactifs sophistiqués et coûteux imaginés initialement.

Le large bande à l’heure du forfait

En tout état de cause, l’ADSL a ouvert le débat que l’on attendait sur l’évolution structurelle et tarifaire des réseaux terrestres. On pourrait, grâce à lui, découvrir que forfait et connexion permanente constituent ” le ” marché du large bande : grâce à eux, comme c’est le cas avec les réseaux locaux d’entreprise, l’utilisateur se libère définitivement des contraintes de la bande passante et de la tarification à la durée. ”

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Par Lionel Fleury, chargé de mission pour les systèmes d'information chez HFM