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La surveillance des réseaux sociaux contre la fraude fiscale votée à l’Assemblée nationale

L’État pourra scruter automatiquement les publications des Français sur les réseaux sociaux et d’autres sites pour relever les cas de fraude fiscale. La mesure a soulevé une opposition importante, mais le gouvernement veut se dédouaner de toute restriction des libertés individuelles.

Moyennant une série de garanties pour la protection des libertés individuelles, l’Assemblée nationale a approuvé ce 13 novembre au soir l’expérimentation prévue par le gouvernement de collecte de données sur les réseaux sociaux pour détecter des fraudes fiscales.

Les députés ont approuvé en première lecture l’article 57 du projet de budget de l’État pour 2020 prévoyant cette expérimentation durant trois ans, au sein de l’administration fiscale et des douanes. Celle-ci pourra collecter et exploiter les données librement accessibles sur les réseaux sociaux et les plates-formes numériques (par exemple Facebook, Le Bon Coin, Twitter, etc.).

Les réserves de la CNIL

Actuellement, « la voiture du voleur va plus vite que la voiture du gendarme » fiscal, qui doit désormais « utiliser les nouvelles technologies », a défendu le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. Il s’agit selon lui de passer de la recherche « manuelle » de données, déjà pratiquée par les contrôleurs fiscaux, à une recherche « professionnelle », grâce à l’intelligence artificielle et l’usage d’algorithmes, comme aux États-Unis ou en Espagne.

Le ministre a cité l’exemple de la vente de tabac par correspondance via Facebook : l’État, qui veut défendre les buralistes, a actuellement « les armes contre le trafic physique, mais pas sur les réseaux sociaux ». Dans un avis rendu en septembre, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait émis des réserves sur le projet initial d’expérimentation, arguant qu’il était « susceptible de porter atteinte à la liberté d’opinion et d’expression » des personnes concernées.

L’opposition vent debout

La version originelle de l’article 57 a aussi suscité une levée de boucliers de la plupart des groupes d’opposition, Les Républicains comme la gauche pointant le risque d’une « surveillance généralisée » de la population. « Vous tirez un peu plus sur le noeud coulant qui enserre notre liberté individuelle », a lancé au gouvernement Michel Castellani (Libertés et territoires).

Des réticences ont persisté jusque dans les rangs de la majorité, Philippe Latombe (MoDem) critiquant un « chalutage des données » et un problème de « taille de la maille du filet ». « Il n’y aura pas de remontée d’autres critères que ce que nous mettons », a assuré M. Darmanin, tandis qu’Émilie Cariou (LREM) rappelait que les droits de la défense seraient respectés dans le cadre du contrôle fiscal s’ensuivant.

Une aide de prestataires privés ?

Le ministre s’est montré favorable à plusieurs aménagements déjà adoptés par les députés en commission, pour mieux encadrer l’expérimentation et atteindre un « équilibre » entre « protection des libertés individuelles et lutte contre la fraude ». Les députés ont ainsi restreint le champ de l’expérimentation à la recherche des activités occultes et des domiciliations fiscales frauduleuses. Sur ce point, « ce n’est pas M. et Mme Tout-le-Monde », mais les personnes « organisant leur domiciliation fiscale à l’étranger tout en profitant des services publics français », a souligné M. Darmanin.

La collecte des informations sera aussi limitée aux seuls contenus « manifestement rendus publics » par les utilisateurs de plates-formes, ont précisé les députés. En outre, le traitement et la conservation des données collectées ne pourront être sous-traités par l’État. Cependant, « il se peut que des prestataires privés nous aident à construire » l’algorithme, d’après M. Darmanin.

L’administration devra détruire au plus tard cinq jours après leur collecte les données collectées sensibles ou sans lien avec les infractions recherchées. Les autres données devront être analysées au maximum dans un délai de trente jours et détruites si elles n’apparaissent pas pertinentes. La CNIL sera saisie du décret nécessaire à la mise en oeuvre de l’expérimentation. Enfin, un bilan intermédiaire sera réalisé au bout de dix-huit mois.

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J.-S.Z., avec AFP