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La société de l’information, ce ” bateau ivre ” ?

Cette semaine, un plaidoyer pour, enfin, donner au net un langage d’ouverture et de partage.

Création, responsabilité, éthique : trois clés pour une société de l’information qui se cherche. Il serait vain, dans un monde si fluide, de figer aujourd’hui des solutions techniques qui, demain, nous sembleraient dérisoires. Nous devons, en revanche, absolument savoir quel type de société nous voulons. Ce que internet attend, ce sont des contenus, porteurs de désir et d’énergie. Comment ne pas voir la place que la création artistique occupe dans le c?”ur des gens ? Le devenir sur les réseaux de la musique, de la littérature, du théâtre, du cinéma, de la peinture, de la photo, de la danse, doit représenter pour nous tous une priorité. Et pas seulement pour apporter un “supplément d’âme”, mais pour structurer une économie viable.

Un “peer to peer” encadré

Des techniques comme le peer to peer, et ses échanges de fichiers musicaux sur internet, en fascinent beaucoup. Mais ces systèmes ont besoin d’un cadre juridique, et ne dureront que si les auteurs de ces créations, qui passent si aisément d’un ordinateur à l’autre, sont rémunérés pour leur travail, équitablement. La musique fait partie depuis toujours de notre souffle même d’humain. Elle doit être respectée et prise en compte.L’instabilité, la tourmente économique et boursière actuelle nous interpellent et incitent à repenser certaines données. Le virtuel a ses grandeurs, il a aussi ses dangers : la création artistique ne se résume pas à un flux abstrait circulant à grande vitesse sur des réseaux, elle est et restera le produit d’un travail concret, d’artistes, d’auteurs ancrés dans l’imaginaire mais aussi dans le réel, dans un tissu économique et social.C’est pourquoi la responsabilité est à nos yeux la seconde clé. Pour construire une authentique économie des programmes, il faut des acteurs économiques responsables. Les droits des créateurs ont trop souvent été attaqués par des opérateurs de télécommunications, fournisseurs d’accès, industriels qui ne voient dans le droit d’auteur qu’un obstacle, et dans les sociétés d’auteurs des ennemis. La piraterie et la copie privée sont ainsi, pour les fabricants de matériel électronique, l’occasion de très importants profits, sans que l’idée les effleure qu’il est de leur intérêt de rémunérer ceux à qui ils doivent cette manne. Et dans un contexte de mondialisation, l’hégémonie d’une poignée de grands groupes multimédias est une autre menace pour la création et la diversité culturelle.

La défense de la gestion collective

Il est donc vital que les autorités françaises et européennes se montrent vigilantes, et défendent la gestion collective, dont l’utilité, face à la multiplication infinie des diffusions d’?”uvres, est plus que jamais évidente. Des échéances capitales s’annoncent, tant avec la loi française sur la société de l’information que le projet de loi de transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur. La responsabilité des fournisseurs d’accès, d’hébergement, et celle des opérateurs, devra y être affirmée sans équivoque.Enfin, liée à l’idée même de responsabilité : l’éthique. Les fraudes, pertes de repères et effondrements auxquels nous assistons démontrent à quel point les conséquences de comportements non-éthiques sont lourdes. C’est l’économie tout entière qui est alors mise en danger. Il ne s’agit pas là “juste” d’une affaire de morale, mais de l’éthique conçue comme un outil de gestion et de limitation des risques, un puissant facteur de succès. L’héritage artistique que gèrent les sociétés d’auteurs, et leur pratique naturelle, intrinsèque, du partage, en font un acteur de référence tant pour la défense et la construction de la diversité culturelle, que de ces valeurs, repères et avancées sans lesquels la société de l’information ne resterait longtemps quun navire sans boussole, un bateau ivre.* président du directoire de la Sacem

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Bernard Miyet*