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La révolution Yun Jong-Yong

En quelques années, les réformes mises en ?”uvre du dirigeant de Samsung Electronics ont permis de faire de cette filiale un pilier du groupe. N’en déplaise à leurs victimes.

Lorsque Yun Jong-Yong E prend les rênes du groupe Samsung Electronics, en décembre 1996, près de 50 % de son activité se concentre sur les semi-conducteurs. Depuis le début des années 1990, quinze ans après son lancement dans le secteur, l’entité principale de Samsung est devenue numéro 1 mondial dans la production de DRAM, les mémoires informatiques dynamiques à accès aléatoire, plus communément appelées mémoires vives. La chute des cours de ces composants affecte donc les résultats de l’entreprise : pour se maintenir à flot, Samsung Electronics se voit contrainte de solliciter l’apport financier des autres filiales. Lorsque la crise touche de plein fouet le pays et le groupe ?” Samsung est pourtant le conglomérat le moins endetté de Corée du Sud ?” le nouveau dirigeant réforme la gestion de la société. Les emplois à vie, la production à perte et le mode de direction patriarcal sont jetés aux oubliettes. Yun Jong-Yong est décidé à mettre un terme aux méthodes traditionnelles qui ont mené son pays à la crise.

Tailler dans les effectifs

Première innovation : en un an, il licencie 28 000 des 83 000 employés de Samsung Electronics (soit 26 % des Coréens et 33 % des étrangers qui y travaillent). Dans un pays où le plein-emploi et l’emploi à vie font partie des règles, certes non-écrites, de la société, le coup est dur. Il marque un véritable tournant. Mais, le nouveau président n’est pas mesquin : il pioche aussi bien parmi les travailleurs de base que parmi les administrateurs. Car chez ces derniers, certains refusent le vent nouveau que Yun Jong-Yong souhaite insuffler dans sa société.Après des résultats exceptionnels en 1995, les performances des semi-conducteurs fléchissent fortement : les ventes s’effondrent d’un tiers en un an, et ne représentent plus que 33,3 % des résultats du groupe en 1996, contre 47,9 % en 1995. Il faut donc trouver de nouvelles sources de revenus pour l’entreprise, ou plutôt, équilibrer celles-ci. Comme Yun Jong-Yong l’écrit en introduction du rapport annuel de l’année 1997 : “Accroître notre attention sur la téléphonie, les microprocesseurs et les autres produits sans rapport avec les mémoires.” Cette décision, qui va à l’encontre des directives du FMI de concentration sur le métier de base de chaque filiale, lui semble la seule capable de relever son entité. Une autre directive du FMI, combinée au souhait du nouveau chef de l’État, vient, en revanche, soutenir la deuxième phase de son projet : mettre fin à la mainmise des familles fondatrices sur leurs chæbols. Lee Kun-Hee, le président et fils du fondateur du groupe, ne détient rapidement plus que 5 % des parts de Samsung Electronics et les investisseurs étrangers deviennent du même coup majoritaires. Le dirigeant peut, désormais, enclencher les changements sans entrave. Preuve du bien- fondé de son choix, les semi-conducteurs ne représentaient, en 2001, que 27,4 % des résultats de Samsung Electronics, derrière la communication (27,9 %), et les applications digitales (29,1 %). La diversification était donc nécessaire.

Produire davantage

Au-delà de sa politique générale, Yun Jong-yong choisit de modifier le rythme de production. Jusqu’à présent, dans l’ensemble du pays, l’objectif demeure de produire le plus possible, sans s’inquiéter des commandes, quitte à vendre ensuite à perte. Les stocks dépassent les trois mois : non seulement cela coûte cher, mais, surtout, le prix des produits baisse souvent considérablement entre la date de leur fabrication et celle de leur vente. Le responsable de Samsung Electronics décide alors de se défaire de ces pratiques suicidaires : la production suivra désormais la commande.L’entreprise ne s’écarte qu’une seule fois de cette nouvelle directive. Devant la multiplication des acteurs dans la production des mémoires, elle reprend, en compagnie d’Hynix (ex-Hyundai Electronics), ses habitudes de dumping : la surproduction mondiale associée à la baisse de la demande font s’effondrer les prix. En moins de six mois, le tarif unitaire des DRAM passe de 20 dollars (22,9 euros) à moins d’un dollar. Les faillites se multiplient. Finalement, Hynix se retrouve au bord du précipice, et Samsung, elle-même, réalise d’énormes pertes. Avec les politiques d’alliances de ces anciens concurrents, elle pourrait même perdre sa première place mondiale du secteur.Les méthodes de travail de Yun Jong-Yong ont également bouleversé son entreprise. La démarche qu’il emploie se distingue catégoriquement de celle de ses prédécesseurs, et des dirigeants coréens en général. En raison d’une écrasante pression confucianiste, il faut souvent compter des mois pour qu’une décision, primordiale ou non, soit prise. Jamais un employé ne prendra la moindre initiative. Il craint, certes, de faire une erreur, mais surtout de se froisser avec son supérieur. Tout dirigeant, de par son poste, est, en effet, censé tout savoir, et ses décisions sont toujours forcément les meilleures. Devant l’archaïsme de ce mode de pensée, Yun Jong-Yong décide d’impliquer tous ses collaborateurs à lélaboration de la politique générale. En quelques mots : il ne se considère pas infaillible. Finalement, malgré quelques écarts autoritaristes, sa révolution aura bien mené Samsung Electronics sur les sommets mondiaux.

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Tristan de Bourbon