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La grande usine des petites têtes

Dans un disque dur, la lecture et l’écriture des données se font grâce à de minuscules têtes. Visite d’une usine de Seagate dédiée à leur fabrication.

Ce pourrait être une énigme de Julien Lepers dans l’émission “ Questions pour un champion ” : je suis un composant électronique, je suis plus petit qu’une tête d’épingle, ma fabrication nécessite des usines gigantesques, je plane à la surface de plateaux, je suis… Réponse : une tête de lecture et d’écriture d’un disque dur. Cet élément minuscule est l’un des plus importants des unités de stockage : sa production requiert des trésors d’attention, beaucoup de temps (deux semaines pour la fabrication pure, mais deux mois au total en comptant les délais d’attente) et du matériel de très haute précision. Il faut dire que la tâche de ce composant est ardue et que son fonctionnement relève même de l’exploit.

200 étapes de fabrication

Ainsi, si cette tête de lecture avait la taille d’un Boeing 747, elle volerait à moins d’un centimètre du sol, se déplacerait à 800 fois la vitesse du son, compterait chaque brin d’herbe qu’elle survole et ne commettrait qu’une erreur de comptage de moins d’une dizaine de brins sur une surface équivalente à celle de l’Irlande !C’est justement en Irlande du Nord, près de Derry, que Seagate fabrique la majorité des têtes de lecture et d’écriture pour toutes ses gammes de disques durs. Son usine de Springtown, où elle a investi pas loin d’un milliard de dollars, est exclusivement consacrée à la production de wafers (galettes). Après 200 étapes et de nombreuses vérifications électriques et visuelles au microscope, ces wafers, qui rassemblent plusieurs dizaines de milliers de têtes, sont expédiés quotidiennement en Asie. Là-bas, la fabrication poursuit son cours : les wafers sont découpés, les bras de lecture et écriture assemblés, les moteurs, les cartes électroniques et les plateaux montés, l’unité de stockage fermée et testée.Tant de technologie de pointe et d’étapes pour un périphérique qui, au final, ne coûte que quelques dizaines d’euros, cela fait… tourner la tête !

Grand comme deux terrains de rugby

Basée à côté de Derry, en Irlande du Nord, l’usine de Springtown occupe près de 4,5 hectares. À l’intérieur, les salles blanches s’étalent sur plus de 12 500 m2, soit la surface de deux terrains de rugby ! Anecdote : le site appartenait auparavant à l’équipe de rugby de Derry… Y sont produits environ 80 % des têtes des disques Seagate, les 20 % restants étant fabriqués aux États-Unis, à Minneapolis.

Gravure sur céramique

La production d’un wafer de têtes de lecture s’apparente à celle de processeurs et de puces de mémoire : elle commence par des étapes de photolithogravure. Ici, les galettes employées ne sont pas en silicium, mais en céramique recouverte d’une couche de résine photosensible. Elles sont placées dans une machine face à un masque, sorte de pochoir où sont dessinées en négatif les différentes zones actives des têtes et les jonctions électriques. La gravure en positif s’effectue en exposant le masque et le wafer à un rayonnement ultraviolet. Suit alors une phase de développement chimique, à la manière de la photographie argentique : selon le type de couche photosensible appliquée, les zones exposées sont soit retirées, soit maintenues.

Protection méallique

Les vérifications des wafers sont régulières entre deux grandes étapes de fabrication. Scrutés au microscope, ils peuvent être, en cas de défaut important, remis dans leur état initial et la fabrication recommencée. Après la photolithogravure, vient la protection : sous vide d’air, des automates appliquent pas moins d’une quarantaine de couches successives d’isolants ou de conducteurs tels que le cuivre, le nickel, l’or, l’oxyde d’aluminium (celle-ci est essentielle pour obtenir l’effet “ tunnel ” qui détermine l’orientation des particules magnétisées sur les plateaux du disque)… Leur épaisseur : de 0,2 à 2 nanomètres !

Lumière jaune pour salle blanche

Les 12 500 m2 de salle blanche sont de type Classe 100 : l’air y est filtré pour limiter les poussières (pas plus de 100 particules de plus de 0,5 micron par pied cube, soit moins de 3 520 poussières/m3). Bien entendu, le port de combinaisons, gants et lunettes de protection est obligatoire. La lumière jaune est dépourvue d’ultraviolets pour ne pas exposer par erreur les wafers avant la fin de la photolithogravure.

Vérification électrique

Lorsque les différentes couches ont été déposées sur le wafer, celui-ci est à nouveau testé, cette fois-ci de manière électrique à l’aide de sondes. Les zones rouges à l’écran indiquent la présence de têtes défectueuses ; elles sont marquées et seront rejetées lorsque la galette sera découpée pour former les têtes en elles-mêmes. Selon Seagate, le rendement de production sur le site de Springtown est de l’ordre de 90 %.

Mise en boîte

La production d’un wafer nécessite du temps, avec des périodes d’attente entre deux phases. Pour éviter la casse ou les manipulations hasardeuses, les wafers sont placés, à l’aide d’une spatule à vide d’air, dans des boîtes et étiquetés avec un code-barres, ce qui permet de les suivre durant les différentes étapes de la production. Une fois celle-ci achevée, les galettes et leurs boîtes sont acheminées par avion en Asie pour la suite des opérations.

Et après ?

La vie du wafer se poursuit dans les usines de Seagate en Chine, Thaïlande, Malaisie et à Singapour. La galette est découpée en fines bandelettes, divisées ensuite pour former les têtes proprement dites. Celles-ci sont alors montées sur des bras (photo du bas, usine de Wuxi en Chine), qui iront parcourir la surface des plateaux. Puis les éléments du disque (boîtier, plateaux, bras et têtes, moteur…) sont assemblés en salle blanche (photo ci-dessous, usine de Ang Mo Kio à Singapour). La carte électronique, dont la fabrication est sous-traitée (comme celle du moteur), est installée dans des conditions moins drastiques.

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Christophe Gauthier