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La folie Div X va frapper

Il reste peu de temps au DVD avant que toutes les barrières techniques ne soient surmontées. L’arrivée des graveurs et du haut débit promet de beaux jours au piratage de films. Déjà, le format de compression DivX, petit frère du MP3 pour l’image, inquiète…

” Le seul DVD que j’ai acheté, c’est celui d’Amélie Poulain. “ Et quand on sait que la vidéothèque de Jérémy contient plus de 50 films… Certes cela rassure sur le potentiel du cinéma français mais laisse plus perplexe quant à l’avenir du nouveau support. Tout a commencé il y a un peu plus d’un an, lorsqu’est né DivX.Nouveau venu dans le monde de la compression vidéo, ce trouble-fête est à l’image ce que le MP3 est au son : un format qui divise par dix la taille des fichiers vidéo, tout en conservant une qualité supérieure à celle du VHS. Il peut assurer la copie d’un film DVD-vidéo sur un simple CD-R. Inutile de préciser que DivX a été créé uniquement à des fins de piratage et diffusé via le web. “Pour trouver le logiciel, il n’y a qu’à taper Divx dans un moteur de recherche et des dizaines de sites de téléchargement apparaissent instantanément”, précise Jérémy, étudiant en biologie.On ne compte plus le nombre de sites qui proposent des films ou expliquent comment pirater un DVD pour le prix d’un CD vierge. L’engouement est à la hauteur de l’invention. Aujourd’hui, on ne dit plus “si on regardait un DVD ?” mais “si on matait un DivX ?”.Seul hic : le DivX obtenu n’est pas lisible sur une platine DVD de salon. Il ne l’est que sur un ordinateur. Qu’importe, il existe aussi le format VCD (Video Compact Disc). ” Une nuit d’encodage est nécessaire mais après, il n’y a plus qu’à graver le CD avec un logiciel de gravure normale “, explique Jérémy. La méthode est certes plus compliquée mais le disque obtenu est visible sur tous les lecteurs du marché. Là où le problème se corse pour les producteurs de films, c’est que ces formats sont apparus au même moment que la possibilité de retirer la protection des DVD.L’affaire ” DeCSS “ a provoqué dans le monde de la vidéo une secousse comparable à celle de Napster dans le monde de la musique. Pour éviter la piraterie, les éditeurs de films ont décidé d’implanter une clé de cryptage sur les DVD (le CSS) pour que, si on tente de les copier, l’image obtenue sur la copie pirate soit brouillée. Or, depuis octobre 1999, un logiciel baptisé DeCSS, qui permet de faire sauter cette protection, circule sur internet. Ce logiciel est l’?”uvre de deux crackers, dont un Français, qui ont trouvé le moyen de passer outre la clé de cryptage. La justice n’a pas tardé à interdire l’utilisation et la diffusion du logiciel, sans toutefois condamner les sites qui mettent des liens vers ce logiciel, pourtant devenu illégal. Résultat : DeCSS circule allégrement.

En avant-avant-première

Ce phénomène ne semble pourtant pas perturber les professionnels. Les ventes de DVD explosent (trois millions d’exemplaires en 2001) et ne semblent pas souffrir de la concurrence des forbans. “Nous bénéficions, en outre, de l’expérience de l’industrie musicale dans ce domaine, et nous avons mis en place très tôt les mesures adéquates”, estime Jean-Yves Mirski, directeur général du Syndicat de l’édition vidéo (SEV) qui représente, en France, les éditeurs et les distributeurs d’?”uvres audiovisuelles et cinématographiques. Via l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), ils veillent et poursuivent en justice les contrefacteurs. “Nos deux principales cibles sont aujourd’hui les vidéo-clubs qui mettent en location des DVD destinés à la vente ou des DVD commercialisés avant la date de sortie, et les sites de téléchargement”, précise-t-il.Les Napster du film commencent à émerger et les professionnels veulent arrêter le phénomène avant que cette forme de piraterie n’atteigne le niveau atteint par les échanges de fichiers musicaux. Les réseaux mafieux, déjà experts en diffusion et revente de MP3 et de logiciels, n’ont pas manqué l’appel. Avec des complicités à l’intérieur même des salles obscures ou à l’étranger, ils peuvent ainsi obtenir des ?”uvres qui ne sont pas encore sorties. “Des films prévus en salle pour le mois de juin sont déjà disponibles sur le web”, explique Damien Bancal, créateur du magazine Zataz, dédié à l’actualité du piratage et du site éponyme.

A chacun sa plateforme

Il est vrai que les échanges de films n’en sont qu’à leurs balbutiements, notamment pour des raisons techniques. Mais l’élargissement de l’accès haut débit devrait faciliter la vie des pirates. Au mieux, il faut, aujourd’hui, 2 ou 3 heures pour télécharger un film, et l’accès généralisé au haut débit n’est qu’une question de temps. Jérémy est serein : “Pour l’instant, on récupère les copies de supports car, sans l’ADSL, il est hors de question de penser au téléchargement d’un film. Mais à l’avenir, qui sait ?”La manne financière que représente la diffusion de films en ligne n’a pas échappé, bien sûr, aux majors du cinéma. À l’image des portails musicaux lancés il y a peu, elles promettent l’arrivée imminente de plateformes cinématographiques. Mais comme leurs homologues musicales, les MP4.com (Vivendi Universal), Screenblast (Sony Pictures) et autres Movie link (Sony, Paramount, Universal Studio, Warner Bros et MGM) tâtonnent encore. Avec tout cela, Jérémy reste perplexe :“Payer pour voir un film sur le Net ? Oui, mais à la seule condition qu’il soit de meilleure qualité que ce que l’on peut trouver gratuitement.”Plusieurs sites américains et français proposent déjà de voir des films en les téléchargeant. On peut alors visionner le film soit après l’avoir totalement enregistré soit en streaming, c’est-à-dire quasi instantanément, au fur et à mesure que les données sont transmises. Beaucoup de films sont gratuits, d’autres se louent pour 24 ou 48 heures à des tarifs allant de 3 à 4 euros. Le fichier intègre un système d’autodestruction, une fois le délai dépassé. “Quel est l’intérêt de payer un film si on ne peut pas le garder ?”, s’exclame notre pirate en herbe. D’autant plus, que, pour l’instant, ce sont surtout des courts-métrages et des films anciens ou indépendants qui sont proposés. Or, “l’intérêt du net c’est de pouvoir avoir les nouveautés et les blockbusters des grands studios hollywoodiens”.En attendant le démarrage concret de leurs plateformes, les professionnels surveillent surtout attentivement l’arrivée des graveurs DVD. L’opération de piratage est pour l’instant plus complexe qu’une simple copie. Et elle n’est pas très rentable : chaque DVD vierge coûte 23 euros. Mais, comme ce fut le cas pour les CD-R et le CD-RW qui sont passés en qua-tre ans de 15 à 1,5 euro, le prix des DVD réinscriptible devrait fondre dans les prochaines années dès lors que les constructeurs se seront accordés sur un standard.La copie simplifiée On attend aussi une baisse des graveurs. L’appareil disponible sur un ordinateur devrait coûter environ 915 euros et le modèle de salon 2 287 euros. Dès lors, graver un DVD coûtera grosso modo le même prix qu’un CD-Rom classique, sans besoin de logiciel de compression. Les DVD détrôneront alors les CD dans le c?”ur des pirates.En attendant, ce sont bien les CD-Rom qui circulent dans les cours de récréation et les DivX remplacent peu à peu les MP3. À l’origine, il y a souvent une simple location de DVD qui, de copie en copie, se retrouve diffusée à des dizaines d’exemplaires, mais il peut aussi y avoir des réseaux de pirates organisés qui savent simplement où aller chercher leur clientèle. Jérémy préfère ignorer tout cela : “On ne connaît pas l’origine des copies, on ne sait pas d’où ça vient, mais le plus important c’est qu’elles nous parviennent.”

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Célia Pénavaire