Passer au contenu

La concurrence s’essouffle

Depuis leur entrée sur le marché, les opérateurs alternatifs accusent des pertes importantes. Surtout ceux qui avaient misé sur la téléphonie fixe.

Les opérateurs alternatifs seraient-ils les grands perdants de l’ouverture du marché des télécommunications à la concurrence ? À en croire Ténor, organisation professionnelle d’opérateurs et de constructeurs télécoms, après bientôt trois ans de concurrence, on serait tenté de le penser. “Il ressort que le bilan est positif pour l’État, bon pour le consommateur et… décevant pour les nouveaux opérateurs.”Aujourd’hui, il est plus question de survie et de bilans financiers catastrophiques que de développement et de croissance. “Les investissements réalisés par ces nouveaux opérateurs pèsent lourdement sur leurs bilans financiers, et la possibilité de les rentabiliser à moyen terme est quasi nulle, compte tenu du trop grand nombre d’acteurs présents sur un marché trop restreint”, précise encore l’association Ténor.Le cas de Western Telecom, opérateur pour PME, est exemplaire. Dans l’euphorie qui a suivi l’ouverture à la concurrence des services de téléphonie fixe, le 1er janvier 1998, l’opérateur est entré en Bourse, 6 mois plus tard, pour financer son développement qu’il imaginait au-delà de l’Hexagone. Le mois dernier, il annonçait ses derniers résultats semestriels : des pertes d’exploitation de 36 millions de francs (5,5 millions d’euros), à comparer au chiffre d’affaires de 45 millions de francs (6,9 millions d’euros). La conquête de nouveaux clients est coûteuse. “Il faut l’équivalent d’un chiffre d’affaires de deux mois pour conquérir un nouveau client”, indique Edmond Cohen, PDG de Western Telecom.L’association Ténor souligne la spirale infernale des investissements : “Les opérateurs n’ont pas encore rentabilisé leurs investissements de départ qu’ils doivent déjà investir davantage pour suivre le développement de nouvelles technologies (UMTS, boucle locale radio, etc. ).”

La France à la traîne de l’Allemagne

Western Telecom a ainsi investi 34 millions de francs dans sa nouvelle offre de services IP NetBouquet. Atlantic Telecom, ex-first:telecom, est confronté aux mêmes difficultés. “L’innovation est terminée en matière de téléphonie. C’est devenu un marché de commodité. Les petits opérateurs souffrent les premiers, surtout depuis que les marchés financiers sont plus réticents”, indique Luc Terral, son PDG. En 1998, l’opérateur a lancé son activité de cartes prépayées, en 2000 ses services Internet, en 2001, ce sera ses services xDSL. “À chaque fois, il faut de nouveau investir.” Et la rentabilité dans tout ça ? Le responsable élude la question, affirmant qu’elle s’opère au niveau du groupe.Une spécificité française, une bonne stratégie de l’opérateur historique France Télécom, un faible dynamisme de la concurrence, des barrières et lenteurs réglementaires peuvent expliquer une telle situation. “Bien souvent, le cadre législatif est mis en place avec deux années de retard, et le marché est passé”, souligne, par exemple, le rapport de Ténor. Isabelle Russier, DG de l’opérateur Carrier1, compare le développement des filiales de l’opérateur de part et d’autre du Rhin. “Le développement en Allemagne est sans commune mesure avec la France. Il est là-bas vingt fois plus rapide.”Pourtant, tous les opérateurs ne se plaignent pas, particulièrement ceux qui disposent d’une forte trésorerie et d’un actionnariat stable. Jean-Louis Constanza, DG de Tele2 France : “Avec 2 millions de clients à la fin de l’année, nous respecterons notre plan de marche. La téléphonie n’est rentable que si l’on compte un grand nombre de clients.”De son côté, Colt, opérateur de boucle locale, savait à quoi s’en tenir : “Comme toute compétition, on savait que cela allait être difficile. Sur un marché, il y a de la place pour cinq acteurs, rarement plus”, indique Claude Olier son DG. Colt annonce un plan d’investissement européen de plusieurs milliards de francs, permis par des levées de fonds lorsque les marchés étaient en forte croissance sur les valeurs technologiques. Ce raisonnement vaut pour l’ADSL et il pronostique que, parmi la trentaine d’opérateurs engagés dans les expérimentations sur le dégroupage, tous ne survivront pas.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


HASSAN MEDDAH