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La boucle locale radio ne tourne pas rond

La BLR ne décolle pas. Sa clientèle et son déploiement restent limités. Certains opérateurs sont en difficulté. La crise est profonde.

A la fin de ce mois, l’Autorité de régulation des télécommunications devrait annoncer plusieurs décisions concernant la boucle locale radio (BLR). Le régulateur a du pain sur la planche tant le dossier, depuis son origine, ne tourne pas rond. Des opérateurs ?” Landtel, Broadnet et XTS Networks ?” viennent d’être mis en demeure de respecter leurs engagements de déploiement. D’autres ont été absorbés par leurs concurrents. Et ce mouvement de concentration, qui ne semble pas terminé, a entraîné le retour de plusieurs licences dans les mains de l’ART.Pourtant, en juillet 2000, au moment de l’attribution des licences aux opérateurs, la boucle locale radio faisait figure de bonne fée pour la concurrence dans les télécoms. Les opérateurs se pressaient alors au portillon pour ce concept séduisant : apporter aux entreprises et aux particuliers les bienfaits du haut débit par la voie hertzienne, en s’affranchissant totalement du réseau filaire de l’opérateur historique. De ce côté-là, rien n’a changé.

Seules les régions rentables sont équipées

Mais, à l’image de tout le secteur des télécoms, le ciel économique de la boucle locale radio s’est chargé de gros nuages noirs. Certes, sur le terrain, le dossier est devenu réalité. Thierry Miléo, directeur général de Firstmark France, affirme même qu’“il n’y a pas, aujourd’hui, de réseau d’accès alternatif aussi vaste que le nôtre en France”. Firstmark, parti de zéro, peut, en effet, se targuer d’un déploiement important et de belles signatures dans les entreprises et les collectivités. Altitude Télécom a bien tiré son épingle du jeu grâce à une excellente implantation locale. Squadran, enfin, a signé avec plusieurs opérateurs et fournisseurs d’accès internet.Mais le marché se porte pourtant bien mal. Le nombre d’entreprises connectées n’excède pas les quelques milliers. Selon Cesmo, la BLR ne détenait en fin 2001 que 1,1 % du marché de la boucle locale à haut débit, contre 26 % pour l’ADSL. Les déploiements se limitent aux régions les plus denses et les plus rentables. La situation ne risque d’ailleurs pas d’évoluer beaucoup. Ainsi, Firstmark va geler toute extension cette année. “Il n’y a pas aujourd’hui de potentiel de marché pour rentabiliser les investissements au-delà de la trentième unité urbaine de l’Hexagone.”

Retour à l’ART pour certaines licences

Du côté des nouveaux arrivants, le bilan frise la catastrophe. LDCom a dû se porter au secours de Squadran, lâché par UPC, et de Belgacom France, délaissé par sa maison mère et par l’Américain SBC, effrayé par les déboires de la BLR aux Etats-Unis. Landtel, lui, a été placé en redressement judiciaire et pourrait devoir rendre ses licences. Broadnet, pour sa part, vient de passer sous le contrôle d’Altitude Télécom. Ce dernier, intéressé par l’Ile-de-France, envisage de rendre quatorze des quinze licences de son homologue.Ce ne sont pas les premières autorisations qui reviendront dans les mains de l’ART. LDCom a déjà rendu les onze licences régionales de sa filiale BLR Services, fusionnée avec Squadran. Cegetel a fait de même à la Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, pour ne conserver que la Réunion. XTS Networks, lui, pourrait également retourner les quatre licences qu’il détient dans ces mêmes territoires s’il est contraint de payer le 1,5 million d’euros de redevance dû au titre des années 2000 et 2001. Puisque les repreneurs ne seront pas légion, les fréquences libres pourraient être allouées à des opérateurs comme Firstmark, qui en réclament.Autre point noir : à l’exception de Cegetel à la Réunion, aucun déploiement n’a été réalisé dans la bande des 3,5 GHz, que peuvent utiliser les deux opérateurs nationaux et ceux des DOM. “La boucle locale radio dans la bande des 3,5 GHz est une technologie permettant de concurrencer l’ADSL sur le segment des PME et des très petites entreprises. Toutefois, il faudrait que les équipements terminaux soient quatre fois moins chers qu’aujourd’hui. Les fabricants sont en retard. Ils ne tiennent pas leurs promesses, et la production est telle qu’elle ne permet pas d’atteindre des prix de terminaux autour de 500 à 600 euros. Ce qui est le seuil pour aborder ce marché dans des conditions économiques satisfaisantes”, explique Thierry Miléo.La France n’est pas un cas isolé (voir encadré). Sur le marché allemand, les difficultés financières, couplées à un morcellement des zones attribuées par le régulateur ?” 1 671 en tout ! ?” a entraîné la disparition d’une demi-douzaine d’opérateurs comme Firstmark, Broadnet, Landtel ou Winstar. Au Royaume-Uni, le marché est peu avancé, puisque seules seize licences régionales sur trente-six ont trouvé preneur.

Une conjonction de mauvais facteurs

La BLR est une technologie récente. Beaucoup estiment donc que son potentiel demeure fort. D’autant qu’elle a peut-être mangé son pain noir. Le sombre bilan hexagonal est, en effet, l’addition de plusieurs problèmes. D’abord, la percée du DSL (haut débit sur fil téléphonique) sous l’impulsion de France Télécom ne l’a pas aidée à se faire une place au soleil. D’autant que le marché a, dès sa naissance, reçu de plein fouet la crise des télécoms. “Les déploiements ont démarré au moment où la bulle télécoms a explosé”, analyse Frédéric Pujol, responsable du département stratégies réseaux et services de l’Idate. Bassam Almoussa, directeur général du cabinet Arcome, le confirme : “En 2000, il n’y avait pas d’indicateur de crise. L’argent a commencé à se tarir au début de 2001.”Pour Jean-Paul Rivière, le PDG d’Altitude, la crise financière n’explique pas tout. “Beaucoup trop de gens n’étaient pas du métier. Le prix de revient d’une station de base entre d’autres opérateurs et nous est d’un facteur 10. Là où nous mettions un ingénieur, certains plaçaient plusieurs consultants.” Il est vrai que des critiques bruissent sur les choix de l’ART d’attribuer les licences à des opérateurs nouveaux venus. “Les opérateurs “classiques” qui ont été écartés avaient promis beaucoup, mais ils étaient demeurés réalistes. D’autres ont promis l’impossible. Le dossier d’un Fortel, par exemple, était ahurissant”, explique un consultant.Cette profession elle-même n’échappe pas toujours aux critiques, puisqu’elle a parfois conseillé les opérateurs dans la constitution de leur candidature. L’un d’eux se défend : “Nous savions que cela tomberait à l’eau. Mais personne ne pouvait se permettre de ne pas suivre la pensée unique.” Sur la polémique, l’ART se défend en affirmant avoir tenu une procédure transparente, et renvoie également à la crise du secteur.Enfin, outre que les robinets financiers se sont fermés, la clientèle ne s’est pas ruée sur les antennes de la BLR. “Les applications utilisées aujourd’hui par les entreprises concernent principalement le surf sur internet et la messagerie. Les usages consommateurs de bande passante, notamment dans le domaine de la vidéo ?” e-learning, vidéoconférence, etc. ?”, ne touchent qu’une population réduite”, constate Thierry Miléo. De plus, ajoute-t-il, “nous attendions l’émergence de nombreux prestataires dans les services à haut débit, tels les hébergeurs d’applications. Mais ils ont tous disparus.”

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Guillaume Deleurence